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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 131

Le mardi 13 juin 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mardi 13 juin 2017

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Wendy Robbins

L'honorable Nancy Hartling : Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui rendre hommage à Wendy J. Robbins, de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, qui est morte subitement le 18 avril d'un anévrisme au cerveau. Elle avait seulement 68 ans.

[Français]

Il est toujours choquant d'apprendre le décès inattendu d'une personne de notre âge.

[Traduction]

En perdant ainsi une de ses féministes les plus convaincues, le Nouveau-Brunswick au complet est en deuil.

C'est difficile de décrire Wendy en seulement trois minutes. Ce que je retiendrai par-dessus tout, c'est qu'elle a toujours défendu avec fougue les droits des femmes et l'égalité entre les sexes dans les milieux universitaire et politique. Elle aidait les autres à s'épanouir. D'une détermination sans borne, elle ne craignait jamais de dénoncer une injustice.

Les nombreuses réalisations de Wendy n'étaient pas connues seulement au Nouveau-Brunswick, mais partout au Canada. En 1988, Wendy a été la première femme titulaire en bonne et due forme d'un poste de professeur d'anglais à l'Université du Nouveau-Brunswick. C'est elle qui a fondé le programme d'études féministes de l'université et qui a cofondé l'une des premières listes de discussion en ligne du monde, PAR-L, pour « Policy, Action, Research-List ».

Pour la manière dont elle a fait progresser l'égalité des sexes, Wendy a reçu le Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire « personne » en 2007.

Elle a aussi défendu avec vigueur l'accès à la justice en matière de reproduction ainsi que l'aide médicale à mourir.

[Français]

À la suite de l'élection de Trump, Wendy s'est jointe à des milliers de femmes à Washington pour marcher avec son pink pussy hat.

[Traduction]

La dernière fois qu'on l'a vue en public, c'est la veille du jour où elle a fait son anévrisme. Elle assistait à une activité de financement libérale à Saint John, au Nouveau-Brunswick, et elle s'est lancée dans une discussion animée avec l'ancien premier ministre Jean Chrétien sur les moyens politiques de faire élire plus de femmes. Dans l'article du Globe and Mail lui rendant hommage, on voit une photo de Wendy où elle apparaît, tout sourire, entre M. Chrétien et le premier ministre Brian Gallant. Selon des amis à moi qui étaient présents ce soir-là, Wendy a passé une excellente soirée à parler politique et possibilités d'avenir.

Je sais qu'elle avait présenté sa candidature au Sénat, et croyez-moi, chers amis et collègues, avec sa vivacité d'esprit, elle aurait certainement apporté une contribution très utile dans cette enceinte.

Wendy était une mère et une fière grand-mère de cinq petits-enfants, et sa famille est profondément attristée par son décès.

[Français]

Nous leur offrons nos plus sincères condoléances.

[Traduction]

Une amie de Wendy, Heather, a dit récemment que celle-ci souhaiterait que nous menions une vie inspirée de la sienne : afficher de l'optimisme, se battre pour bâtir un monde meilleur, aimer son prochain et faire preuve de compassion, de vulnérabilité et de joie de vivre.

Honorables sénateurs, la vie est courte, et chaque jour compte. J'espère donc que chacun d'entre vous continuera de suivre l'exemple de Wendy et s'emploiera à bâtir un monde meilleur et à créer une société où règnent la justice sociale et l'égalité.

Bien que Wendy ne soit plus avec nous physiquement, sa mémoire demeurera vivante grâce au fonds d'habilitation des femmes Wendy J. Robbins, qui a été créé récemment pour favoriser la participation des femmes à la vie publique et leur autonomie personnelle. Je vous remercie.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l'ambassadrice des Philippines au Canada, Petronila P. Garcia. L'ambassadrice est accompagnée des agents de l'ambassade suivants : Francisco Noel R. Fernandez, III; Eric Gerardo E. Tamayo; Greg Marie Marino; Jeffrey P. Salik et Siegfred Masangkay. Ils sont les invités de l'honorable sénateur Enverga.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Fête de l'indépendance des Philippines

Le cent dix-neuvième anniversaire

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, mabuhay!

C'est un mot de salutation dans ma langue maternelle.

J'interviens aujourd'hui pour souligner un événement très spécial pour les Philippins. Hier, les Philippins partout dans le monde, y compris les membres de la vaste communauté philippino- canadienne, ont fêté le 119e anniversaire de l'indépendance des Philippines.

Cette journée commémore la déclaration d'indépendance des Philippines de l'Espagne, proclamée le 12 juin 1898. En juin, à l'occasion des nombreuses célébrations entourant cet événement, les Philippino-Canadiens se réunissent pour célébrer les traditions et les coutumes uniques à la culture philippine. Ces célébrations enrichissent la société canadienne puisqu'elles contribuent à la mosaïque multiculturelle qui nous est si chère. Nous aimerions saluer la contribution des Philippino-Canadiens d'un océan à l'autre.

Je signale que, ce samedi 17 juin, dans le cadre de la commémoration de l'indépendance des Philippines, le Groupe interparlementaire Canada-Philippines organise la cinquième édition annuelle de la levée du drapeau des Philippines sur la Colline du Parlement. J'ose espérer que les sénateurs viendront en grand nombre assister à cette cérémonie et prendre part aux célébrations.

Enfin, je profite de l'occasion pour remercier l'ambassadrice des Philippines, Petronila P. Garcia, de même que la délégation des responsables de l'ambassade, d'être présents à la tribune aujourd'hui afin de commémorer le 119e anniversaire de l'indépendance des Philippines.

Maligayang araw ng kalayaan!

Heureuse fête de l'indépendance des Philippines!

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à la tribune de Yannick et de Tristan Fréchette. Ils sont les fils de l'honorable sénatrice Gagné.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La discrimination positive

Le trentième anniversaire de la décision de la Cour suprême

L'honorable Renée Dupuis : Chers collègues sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rappeler le jugement rendu par la Cour suprême du Canada il y a 30 ans, en juin 1987, dans la cause d'Action Travail des femmes c. CN. Ce jugement constitue un précédent historique au Canada à plusieurs points de vue.

Premièrement, il consacre la notion juridique de discrimination systémique, la discrimination qui exclut les femmes, qui est inscrite dans les politiques et les pratiques en milieu de travail, et les préjugés, bien souvent exprimés et tolérés par les autorités des organisations.

(1410)

Ce jugement est particulièrement instructif, parce que le raisonnement des juges est élaboré sur la preuve claire du fait que la gestion des ressources humaines était axée sur l'exclusion des femmes, et ce, sans fondement, dans les métiers du CN qui avaient été réservés aux hommes jusque-là. D'ailleurs, la preuve a démontré que la direction de l'entreprise était tout à fait au courant de la situation et n'avait pas tenté de remédier à cette exclusion ni au harcèlement ambiant.

Par exemple, on peut lire ce qui suit dans le jugement rendu par la Cour suprême :

Un autre obstacle imposé à certaines candidates, y compris celles sollicitant un poste de préposée au nettoyage des wagons, consistait à exiger une expérience de la soudure.

Le jugement précise aussi ce qui suit :

Il est ressorti de la preuve que les contremaîtres étaient habituellement défavorables aux femmes candidates.

En somme, la preuve a démontré que les politiques de recrutement, d'embauche et de promotion du CN ont empêché et découragé les femmes d'occuper des emplois manuels. Ce qui est encore plus important, c'est le fait qu'une étude réalisée pour le compte de la haute direction ait souligné notamment les lacunes suivantes, en 1974, qui sont citées dans le jugement :

1. Absence d'engagement définitif de la part des cadres supérieurs

2. Persistance au sein de la direction et chez les femmes d'un grand nombre de mythes et de stéréotypes négatifs traditionnels au sujet des femmes au travail

Or, on sait qu'aucun métier n'est essentiellement un métier d'homme mais, comme le jugement l'illustre dans ce cas, plusieurs métiers techniques ont été et sont toujours réservés aux hommes du fait de la discrimination.

Deuxièmement, ce jugement établit un cadre de référence quant à la manière dont la discrimination systémique doit être corrigée par des programmes de rattrapage de la discrimination passée, aussi connus sous l'appellation de « programme d'équité en emploi ».

Ce jugement consacre surtout le fait que la Loi canadienne sur les droits de la personne, adoptée en 1978, a pour objet la réparation des dommages subis par les victimes de discrimination, et non de punir les auteurs d'actes ou de décisions discriminatoires. C'est un principe clair qui est toujours appliqué à ce jour.

Troisièmement, ce jugement est important également parce qu'il représente l'aboutissement de dizaines d'années de luttes de la part de groupes de femmes qui travaillent, avec des ressources limitées, à enrayer la discrimination.

Il est le résultat de la détermination d'un groupe de femmes, dans le dédale de procédures judiciaires, à partir d'une plainte déposée en 1981 à la Commission canadienne des droits de la personne jusqu'à la décision de la plus haute instance, la Cour suprême, en 1987.

Son Honneur le Président : Je m'excuse, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des acteurs de Reserve 107, un film tourné en Saskatchewan. Ils sont les invités de la sénatrice Dyck.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois national de l'histoire autochtone

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le mois de juin est le Mois national de l'histoire autochtone, et le 150e anniversaire du Canada approche à grands pas. Au moment où le Canada a le regard tourné vers l'avenir et cherche à renouveler ses relations avec les peuples autochtones, il est important de tirer des leçons du passé. Nous devons reconnaître les torts du passé, honorer les obligations, comme les traités, et avancer ensemble : les peuples autochtones et les colons canadiens, main dans la main, dans le respect, en défendant et en appuyant les droits de chacun. Ce n'est qu'alors que la réconciliation et la guérison commenceront.

Ce soir, je vous invite à vous joindre au sénateur Tannas et à moi pour visionner le film primé Reserve 107. Nous serons les coprésentateurs de ce documentaire au sujet de la réconciliation en Saskatchewan.

Le film Reserve 107 relate le parcours de la Première Nation Young Chippewayan et des colons luthériens et mennonites à Laird, en Saskatchewan, où une ancienne injustice offre une nouvelle occasion de dialoguer et de lier des amitiés, et où règne une détermination farouche à corriger les torts du passé. Après avoir découvert que les terres sur lesquelles ils s'étaient installés avaient en fait été ravies injustement à la nation Young Chippewayan par le gouvernement du Canada, les habitants de Laird se sont joints aux membres de la nation pour exercer de la pression sur le gouvernement pour qu'il reconnaisse ses torts et qu'il honore les revendications territoriales en suspens des Young Chippewayan, conformément au traité no 6. À ce jour, les habitants de Laird continuent à lutter ensemble pour que justice soit faite et n'abandonneront pas le combat tant que la nation Young Chippewayan ne sera pas dédommagée correctement pour les terres qui lui ont été enlevées par le gouvernement fédéral.

Honorables sénateurs, quelques-unes des personnes qui ont participé à la réalisation du film Reserve 107 sont parmi nous aujourd'hui, à la tribune.

Gary Laplante est un conseiller de la nation Young Chippewayan.

Leonard Doell est un des coordonnateurs du programme Indigenous Neighbours du Comité central mennonite, à Saskatoon.

Wilmer et Barb Froese sont des agriculteurs du district de Laird.

Jason Johnson est le pasteur de l'église luthérienne St. John's, à Laird.

Brad Leitch est le réalisateur du film.

Finalement, Rarihokwats est un aîné et un Mohawk d'Akwesasne, qui est membre du clan de l'ours. C'est un historien et un généalogiste qui, grâce à ses recherches et à son travail, a apporté un concours inestimable aux membres de la nation Young Chippewayan dans leurs revendications territoriales.

Honorables sénateurs, le film Reserve 107 sera projeté ce soir, à 18 heures, dans la salle 160-S — la Salle des peuples autochtones — de l'édifice du Centre. Je vous invite tous à vous joindre à moi et à nos invités spéciaux pour regarder le film, manger de délicieux hors- d'œuvre traditionnels et participer à une discussion en groupe avec nos invités.

Je vous remercie. Miigwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'élèves et d'employés de l'école intermédiaire Islington, qui sont accompagnés par le directeur Rocco Coluccio et deux membres du corps professoral. Ils sont les invités de l'honorable sénateur Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Yukon

Le cent dix-neuvième anniversaire de son entrée dans la Confédération

L'honorable Daniel Lang : Honorables collègues, je prends la parole pour souligner l'entrée dans la Confédération du Yukon le 13 juillet 1898, il y a 119 ans.

Même s'il s'est joint à la Confédération relativement tard, le Yukon est, en réalité, la région de l'Amérique du Nord ayant été habitée continuellement depuis le plus longtemps. C'est un endroit où nos Premières Nations prospèrent depuis au moins 10 000 ans.

Avec l'arrivée des Européens dans les années 1840, la Compagnie de la Baie d'Hudson s'est mise à chercher des fourrures jusque dans l'Arctique. Elle administrait un vaste territoire connu sous le nom de Terre de Rupert. En 1870, le jeune Dominion du Canada a étendu son emprise d'un bout à l'autre du continent en achetant ce territoire et en le renommant « Territoires du Nord-Ouest ».

Puis, ce fut la ruée vers l'or. C'est dans le ruisseau Rabbit, un tributaire de la rivière Klondike qui allait être renommé, peu de temps après, « ruisseau Bonanza », que l'on a découvert de l'or pour la première fois, en 1896.

À l'été 1897, des dizaines de milliers d'apprentis prospecteurs, venus pour la plupart des États-Unis, se sont rués vers le nord en remontant la côte du Pacifique, puis en franchissant le dangereux col Chilkoot pour se rendre au Yukon. Ils voulaient tous faire fortune. La ville de Dawson a vu le jour subitement lors de la ruée vers l'or.

Pendant ce temps, à Ottawa, le gouvernement fédéral se rendait compte qu'il fallait former un gouvernement local au Yukon. Les États-Unis ayant acheté l'Alaska de la Russie en 1867 et la population étant en pleine croissance, les dirigeants du Canada craignaient l'influence des États-Unis au Yukon.

C'est dans le but de neutraliser cette menace que, le 13 juin 1898, il y a 119 ans aujourd'hui, le Parlement du Canada adoptait l'Acte du Territoire du Yukon et créait un territoire distinct dont la capitale était Dawson.

Depuis ce temps, nous sommes de fiers Canadiens, et notre contribution va souvent au-delà de notre poids démographique. Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, une proportion énorme de Yukonais se sont portés volontaires afin de combattre pour le roi et pour le pays. Ils se sont battus, entre autres, sur la crête de Vimy. Le même phénomène s'est produit lors de la Seconde Guerre mondiale, à laquelle les Yukonais ont vaillamment participé.

Depuis lors, le Yukon a évolué en partenariat avec le gouvernement fédéral. Il est devenu un territoire fascinant, moderne et bien gouverné, qui attire les touristes et où des gens de partout dans le monde viennent habiter. En 1975, le Yukon s'est vu accorder un siège au Sénat du Canada.

Chers collègues, il y a plus de 20 ans, nous avons eu la chance de pouvoir conclure l'Accord-cadre définitif avec les Premières Nations du Yukon. Elles sont 11 sur 14 à avoir obtenu l'autonomie gouvernementale. Nous avons augmenté le taux d'alphabétisation, le niveau de scolarité et la qualité de la gouvernance, tout en favorisant le développement de notre industrie minière et en protégeant l'environnement.

Nous sommes fiers d'appartenir à la fédération canadienne à l'heure où le Canada célèbre son 150e anniversaire.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La commissaire à l'information

La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels—Dépôt des rapports annuels de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du Commissariat à l'information du Canada pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017, conformément à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(1420)

[Traduction]

Le vérificateur général

La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels—Dépôt des rapports annuels de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du Bureau du vérificateur général du Canada pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017, conformément à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Projet de loi reconnaissant Charlottetown comme le berceau de la Confédération

Présentation du dix-huitième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le mardi 13 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DIX-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-236, Loi visant à reconnaître Charlottetown comme le berceau de la Confédération, a, conformément à l'ordre de renvoi du 28 février 2017, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1. Préambule, page 1 :

a) Remplacer les lignes 11 et 12 par ce qui suit :

« Conférence de Charlottetown constituent un des fondements de la nation canadienne; »;

b) remplacer les lignes 26 et 27 par ce qui suit :

« saire de la Conférence de Charlottetown, qui, avec la Conférence de Québec de 1864 et la Conférence de Londres de 1866-1867, mena à la promulgation de la Loi constitutionnelle de 1867, ».

2. Article 2, page 2 : Remplacer la ligne 4 par ce qui suit :

« est reconnue et déclarée comme étant le berceau de la Confé- ».

3. Nouvel article 3, page 2 : Ajouter, après la ligne 5, ce qui suit :

« 3 Il est entendu que rien dans la présente loi ne constitue une désignation relevant de la compétence du ministre responsable de l'Agence Parcs Canada aux termes de la Loi sur l'Agence Parcs Canada. ».

Respectueusement soumis,

Le président,
BOB RUNCIMAN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Runciman, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à prolonger la séance de mercredi et à autoriser les comités à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le 4 février 2016, le Sénat poursuive ses travaux le mercredi 14 juin 2017, conformément aux dispositions du Règlement;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir ce jour-là soient autorisés à siéger après 16 heures même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2017

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

[Traduction]

L'honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Woo, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

[Français]

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2017

Préavis de motion tendant à donner instruction au Comité des finances nationales de diviser le projet de loi en deux

L'honorable André Pratte : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que ce soit une instruction au Comité sénatorial permanent des finances nationales de diviser le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures, en deux projets de loi, afin qu'il puisse traiter séparément des dispositions concernant la Banque de l'infrastructure du Canada contenues à la section 18 de la partie 4 dans un projet de loi et des autres dispositions du projet de loi C-44 dans l'autre projet de loi.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L'indexation des droits d'accise sur la bière, le vin et les spiritueux

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Ma question d'aujourd'hui s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne, une fois de plus, l'incidence sur l'industrie de la bière, du vin et des spiritueux de l'indexation de la taxe d'accise prévue dans le projet de loi C-44, qui ferait en sorte que la taxe augmenterait désormais chaque année en fonction du taux d'inflation.

Sénateur Harder, la semaine dernière, en réponse à ma question, vous avez dit :

Permettez-moi de lui assurer, ainsi qu'à tous les sénateurs, que, comme pour toute mesure fiscale, le ministère des Finances a réalisé une analyse de l'incidence. Cette analyse indique que la mesure augmentera le taux de la taxe d'accise de manière insignifiante; je crois qu'on parle de 5 cents pour une caisse de bière.

Je crois que les 5 cents dont parle le leader du gouvernement représentent l'incidence de l'augmentation immédiate de 2 p. 100 de la taxe d'accise, comme le prévoit le projet de loi C-44.

Entre-temps, au cours des réunions du Comité des finances nationales, le chef de la Division de la taxe de vente, au sein de la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances du Canada, a déclaré ceci au sujet de la taxe avec indexation :

Il n'y a eu aucune estimation, car c'est jugé trop peu important pour qu'il y ait un impact, surtout que le 2 p. 100 s'applique à une composante qui est déjà extrêmement petite par rapport au prix final du produit au consommateur.

Luke Hartford, président de Bière Canada, a aussi confirmé que son industrie n'a pas été consultée au sujet de la taxe avec indexation.

Sénateur Harder, pouvez-vous confirmer qu'aucune analyse précise n'a été menée sur la taxe avec indexation? Si c'est vrai, alors pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d'aller de l'avant avec cette taxe sans avoir au moins évalué ses répercussions?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je tiens à assurer à l'honorable sénateur que, lorsqu'il a pris cette décision dans le cadre du budget, le ministre des Finances et ses adjoints ont effectivement évalué l'incidence de la taxe d'accise qui est proposée dans le projet de loi.

Le sénateur a raison de souligner la hausse minime provoquée par la taxe. On m'a informé que la hausse représentait 7 cents par bouteille de spiritueux, moins de 1 cents par bouteille de vin et environ 5 cents par caisse de 24 bières.

Je tiens aussi à souligner que les négociants en vin canadiens continueront d'être pleinement exonérés du droit d'accise sur le vin produit à 100 p. 100 de produits agricoles canadiens.

À l'avenir, les ajustements annuels en fonction de l'inflation offriront une plus grande stabilité aux producteurs d'alcool et ils correspondent aux mesures prises par de nombreuses provinces. J'ose même dire qu'elles correspondent aux mesures prises dans le budget de 2014 concernant le tabac.

Le sénateur Smith : Merci de votre réponse. Bien sûr, le gouvernement précédent a mis en place une taxe sur le tabac. La différence, c'est qu'il y avait une période d'examen de cinq ans avant toute augmentation.

Ma vraie question, au fond, est la suivante, puisque nous n'avons jamais discuté des conséquences non seulement au niveau fédéral, mais aussi au niveau provincial, de la TPS, de la TVP, car les taxes ont un effet de cascade : auriez-vous l'obligeance de demander au ministre des Finances, étant donné que vous avez dit tout à l'heure qu'il a fait cet examen, de confirmer qu'il n'y a eu aucune analyse de la taxe avec indexation sur la bière, le vin et les spiritueux? Dans vos démarches pour obtenir une réponse, pourriez-vous aussi vous renseigner sur les autres taxes que le gouvernement envisage de transformer en taxes avec indexation, qui augmenteraient donc sans un examen parlementaire correct ou sans reddition de comptes?

Le sénateur Harder : Je donnerai évidemment au sénateur l'assurance que j'aborderai la question avec le ministre, mais le Sénat soulèvera sans doute la question lui-même avec le ministre lorsque celui-ci comparaîtra au sujet du projet de loi C-44, qui vient d'être présenté.

(1430)

L'honorable Frances Lankin : J'ai une question à poser au représentant du gouvernement au Sénat. Pourriez-vous ajouter un élément à cette recherche? Il n'y a pas que l'analyse des conséquences fiscales ou du partage de l'espace fiscal entre les ordres provincial et fédéral; il faut aussi analyser l'impact sur les industries.

Comme vous le savez, je viens de l'Ontario. Les structures de propriété ont changé récemment et les investissements envisagés dans cette industrie sont tantôt à la hausse, tantôt à la baisse, selon la bonne fortune et selon les perspectives d'avenir. Je voudrais que l'analyse tienne compte aussi de l'impact de la clause d'indexation à l'avenir comme facteur qui risque de déstabiliser les plans d'investissement.

Je vous serais reconnaissante de bien vouloir tenter d'obtenir une réponse à cet égard également.

Le sénateur Harder : Merci, madame la sénatrice. Je vais tâcher d'obtenir une réponse.

Je crois comprendre que le but de la clause d'indexation est d'assurer un climat de certitude à l'industrie au sujet de la hausse inflationniste à venir. Cependant, comme vous me le demandez, je vais me renseigner à ce sujet.

[Français]

Le commerce international

Le bois d'oeuvre

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Ce matin, le Conference Board du Canada a prévenu les producteurs canadiens de bois d'œuvre qu'ils seraient durement affectés par une nouvelle guerre commerciale. L'industrie déboursera 1,7 milliard de dollars en droits par année, supprimera 2 200 emplois et perdra 700 millions de dollars.

En avril dernier, le département américain du Commerce a décrété que, pour les cinq principaux exportateurs canadiens de bois d'œuvre, il y aurait une taxe de 3 p. 100 à 24 p. 100. Pour le reste de l'industrie, la taxe s'élèverait à 19,88 p. 100. Cependant, une décision sur les droits antidumping pourrait se traduire par un droit supplémentaire de 10 p. 100, pour un total de 29,88 p. 100 de taxes.

La ministre des Affaires étrangères, Mme Chrystia Freeland, a dressé un bilan peu reluisant des négociations qui ont cours entre les deux pays. Elle est franchement découragée et ne sait plus à quel saint se vouer. Elle ne sait plus quoi dire à la presse, aux provinces, aux industries et, surtout, aux travailleurs. La ministre affirme que les positions du Canada et des États-Unis sont assez éloignées l'une de l'autre.

Cela dit, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous indiquer quel est le plan B du gouvernement? La situation du Canada étant bien précise par rapport à celle des États-Unis, quels renseignements le leader du gouvernement peut-il transmettre aux Canadiens et aux Canadiennes?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et de l'intérêt qu'il ne cesse de manifester pour le bois d'œuvre. Je ferai valoir les points suivants.

La ministre Freeland a fait allusion aux défis que présentent ces négociations. Le gouvernement du Canada cherche, c'est bien normal, à obtenir un accord qui respecte les intérêts du Canada et qui soit juste pour les producteurs canadiens. Cela demeure l'objectif et la position de négociation du gouvernement du Canada, qui continue de négocier avec son interlocuteur américain.

Pour l'heure, le gouvernement a annoncé et il met en place une série de mesures pour aider les régions touchées. L'annonce a été faite et la mise en œuvre débute.

Enfin, je souligne que l'ambassadeur canadien aux États-Unis témoignera officiellement devant le Comité sénatorial des affaires étrangères demain et rencontrera par la suite les sénateurs qui souhaitent discuter avec lui des dossiers bilatéraux avec les États- Unis, y compris celui du bois d'œuvre. Cette question est prioritaire pour le gouvernement du Canada. Ces pourparlers sont très importants et il faut s'y prendre correctement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur le leader du gouvernement peut-il nous confirmer, ici en cette Chambre, que les discussions sur l'ALENA ne passeront pas avant les négociations sur le bois d'œuvre?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie le sénateur de sa question. Comme il le sait, les négociations entourant l'ALENA se déroulent séparément. Le gouvernement du Canada souhaite voir le dossier du bois d'œuvre réglé immédiatement et avec le niveau d'attention approprié de la part des parties intéressées, c'est-à-dire en traitant le dossier comme une priorité absolue. Cela demeure la position du gouvernement du Canada. Il faut toutefois que chaque côté y mette du sien pour arriver à une entente équitable.

Le développement international

La politique de développement féministe

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s'adresse au leader. Monsieur le leader, j'ai été heureuse d'apprendre que la ministre du Développement international, Mme Bibeau, a présenté une politique dite de développement féministe. D'après ce que je peux voir, il s'agit d'aller à la rencontre des femmes. Puisque vous êtes dans le secret de ces choses, pourriez-vous expliquer exactement en quoi consiste une politique de développement féministe?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question et de l'attention qu'elle porte à la très importante déclaration faite par la ministre du Développement international, dans le cadre d'un repositionnement de la politique étrangère du gouvernement, dont une partie passe de la ministre Freeland au ministre de la Défense et à la ministre responsable de l'aide internationale.

Le gouvernement préconise une politique d'aide internationale féministe pour favoriser une plus grande égalité entre les deux sexes et l'autonomisation des femmes et des filles. Le Canada estime que c'est la meilleure façon de faire reculer la pauvreté et de créer un monde plus accueillant pour tous, plus pacifique et plus prospère. La décision d'adopter cette politique féministe repose sur les besoins des plus pauvres et des plus vulnérables, sur les résultats de vastes consultations auprès des Canadiens et de la communauté internationale et sur les observations des milieux du développement. Cette politique doit aussi refléter les valeurs et les compétences du Canada. Nous savons également que les femmes et les filles sont les plus pauvres, les plus exposées à la pauvreté, à la violence et même aux conséquences des changements climatiques. Cependant, lorsque nous leur donnons les moyens d'exploiter leur plein potentiel, elles deviennent de formidables agents du changement, du développement et de la paix, et tout le monde profite de leurs actions : les collectivités, les hommes, les garçons et d'autres groupes vulnérables.

Voici un dernier point : le budget a prévu que les projets qui visent à promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des filles auront des ressources qui passeront de 2 à 15 p. 100 sur cinq ans, avec un engagement de 650 millions de dollars sur trois ans. Le gouvernement double les montants affectés à la défense des droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Le gouvernement bonifie aussi de façon appréciable les montants affectés à la santé des mères et des nouveau-nés.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, lorsque j'ai lu ce que la ministre essayait de faire, je me suis sentie vraiment fière, car ce sont les femmes qui font le travail de développement et nous leur donnons maintenant les moyens de se prendre en main. C'est excellent.

J'éprouve une certaine réserve, cependant, et je voudrais que vous tiriez quelque chose au clair. Nous avons désormais une politique féministe en matière d'aide au développement international, mais notre politique étrangère est-elle également féministe?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question, qui fait plus ou moins suite à celle qu'elle a posée la semaine dernière.

À n'en pas douter, le gouvernement estime que les trois axes de sa politique se renforcent mutuellement, et, comme la ministre des Affaires étrangères l'a dit clairement dans son exposé, les priorités du gouvernement sont intégrées. Je pourrais parler d'autres orientations en matière d'aide au développement international auxquelles la ministre Freeland a fait allusion dans son discours sans toutefois les expliquer complètement. En somme, les politiques sont effectivement intégrées et s'insèrent dans l'approche globale que le gouvernement a adoptée à l'égard du développement international, de la politique étrangère et même de la défense.

La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, j'ai dit, et je le pensais vraiment, que je me réjouis de ce qu'a fait la ministre Bibeau. Je sais que vous et moi interprétons différemment l'énoncé de politique étrangère. Après avoir entendu vos propos, j'ai relu l'énoncé attentivement. Je n'y relève que quelques fois le mot « femme ». Ce qui m'a vraiment déçue, en matière de politique étrangère, c'est que, alors que nous étions autrefois à l'avant-garde — puisque, en 2000, le Canada a défendu, dans la résolution 1325, l'initiative Femmes, paix et sécurité —, il semble maintenant que l'autonomisation des femmes soit une préoccupation qui a complètement disparu. Ai-je raison?

(1440)

Le sénateur Harder : Merci de votre question, sénatrice Jaffer. Je ne voudrais pas dire que vous avez tort, car ce serait impoli, mais le gouvernement du Canada estime certainement qu'un ministère, Affaires mondiales Canada, regroupe tous ses moyens d'action en matière de politique et qu'ils sont cohérents et intégrés. Cette politique nettement féministe qui est plus particulièrement définie pour le développement, sous l'égide de la ministre des Affaires étrangères, est au cœur même du programme international du gouvernement.

[Français]

La citoyenneté, l'immigration et les réfugiés

L'immigration francophone

L'honorable Raymonde Gagné : Ma question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Elle concerne le rapport du Commissariat aux langues officielles, qui a été déposé la semaine dernière. Dans le rapport annuel de 2016-2017, on a souligné que les tests linguistiques imposés aux immigrants économiques francophones potentiels coûtaient plus cher que les tests en anglais, qu'ils étaient moins accessibles du point de vue géographique et que les délais de prestation de services étaient plus longs.

Pourquoi les services ne sont-ils pas disponibles ni offerts de manière égale en français et en anglais? En outre, à quel moment le ministre a-t-il l'intention d'éliminer ces obstacles à l'immigration francophone au Canada?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. La semaine dernière, le sénateur Smith a eu l'obligeance de signaler, avant de poser une question, la présence de son fils à la tribune. J'ai répondu : « Vous devez être reconnaissant que votre fils soit là. Je suis reconnaissant que le mien n'y soit pas. » C'est ce que j'ai dit la semaine dernière.

Je n'en suis pas moins reconnaissant de votre question. Le gouvernement prend le rapport au sérieux. Le ministre en étudie les conclusions et réagira en temps et lieu. C'est une question hautement prioritaire. Lorsqu'il a comparu pour répondre aux questions du Sénat, le ministre de l'Immigration a fait allusion au fait que nous avons un solide élément d'immigration francophone, et c'est là un des éléments susceptibles de nous permettre d'atteindre nos objectifs.

[Français]

La sénatrice Gagné : Cette question a tout de même été portée à l'attention du ministre en 2015, alors que l'enquête était déjà amorcée. Pourquoi un délai aussi important s'est-il produit entre le début de l'enquête et la mise en évidence du problème? Pourquoi n'a-t-on toujours pas répondu à l'appel?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je ne saurais répondre, madame la sénatrice. Je discuterai volontiers de la question avec le ministre.

Je précise, cependant, que le ministre et le ministre précédent ont dit accorder une attention prioritaire à ce problème dans le cadre de la réforme du programme d'immigration actuellement en cours, et je vais porter cela à l'attention du ministre.

L'innovation, les sciences et le développement économique

Les investissements étrangers—La sécurité nationale

L'honorable Thang Hai Ngo : Honorables sénateurs, j'adresse ma question au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière Norsat International, entreprise de haute technologie de Vancouver, a été vendue à la Chine. Selon le Globe and Mail, cette société de communications privée avait entre autres clients l'OTAN, le département américain de la Défense, le Corps des Marines des États-Unis, l'armée américaine, le ministère de la Défense de l'Irlande, l'armée taïwanaise, l'avionneur Boeing, et de grandes agences de presse, dont CBS News et Reuters.

La disposition sur la sécurité nationale dans la Loi sur Investissement Canada exige que le ministre de l'Industrie prenne en considération l'information sensible et l'influence potentielle de tiers dans cette transaction. Dans ce cas-ci, le tiers comprend le Parti communiste chinois, qui a le dernier mot dans toute société d'État. En vertu de la même loi, il incombe au gouvernement seul de tenir compte de certains facteurs liés à la sécurité économique et nationale avant d'approuver une transaction.

Sénateur Harder, le ministre a un grand pouvoir discrétionnaire dans cette affaire. Par conséquent, il a le devoir d'expliquer aux Canadiens quelles répercussions possibles sur la sécurité il prend en considération pour conclure que des acquisitions étrangères ne posent aucun problème de sécurité.

Pouvez-vous préciser quels critères il a examinés et pris a considération pour en arriver à la décision de ne pas faire un examen complet de la sécurité nationale?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de poser cette question. Il sait sans doute qu'en vertu de la Loi sur Investissement Canada, le processus d'examen de la sécurité nationale est suivi pour tous les investissements. Dans le cadre de ce processus, les organismes de sécurité ont initialement 45 jours ou plus pour examiner un investissement et déterminer s'il peut avoir des répercussions sur la sécurité nationale.

En l'occurrence, le ministre compétent, M. Bains, a émis un avis pour doubler la période de temps dont disposent les organismes de sécurité pour mener à bien leur examen. Dans le cadre du processus, ceux-ci ont eu toute l'information et tout le renseignement nécessaires pour prendre une décision. À la fin de cette période, le ministre s'est acquitté de ses responsabilités et a autorisé la transaction, étant donné qu'aucun autre problème de sécurité n'avait été décelé.

Le sénateur Ngo : Il faut savoir que la Chine a des entreprises contrôlées par l'État. Les fusions dans un contexte monopolistique bénéficient de pratiques commerciales injustes, d'un accès à d'importantes subventions pourtant interdites par l'État et sont dirigées par des membres de l'élite du parti communiste qui monopolisent les ressources du monde entier.

Si le ministre n'a aucunement l'intention d'examiner les dommages que cela pourrait entraîner pour notre sécurité nationale, accepterait-il de témoigner devant le Sénat avant que la Chine ne continue de placer des entreprises canadiennes dans des secteurs commerciaux clés?

Le sénateur Harder : J'aurais deux choses à dire à ce sujet, honorable sénateur. Premièrement, le ministre a examiné ses responsabilités et s'en est acquitté selon la loi. Il l'a déclaré publiquement.

Pour ce qui est de comparaître devant le comité, c'est au comité d'en décider.

La justice

Le Nouveau-Brunswick—Le comité consultatif de la magistrature fédérale

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, ma question, qui porte sur les comités consultatifs de la magistrature fédérale, s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Comme vous le savez, de nouveaux comités consultatifs de la magistrature ont été mis sur pied dans tout le pays pour recommander la nomination de juges aux cours supérieures. Actuellement, les sept postes du comité consultatif de la magistrature pour le Nouveau-Brunswick sont vacants, ce qui place la province, en compagnie de cinq autres, dans le peloton de queue des 17 comités que comprend le pays.

Les avocats du Nouveau-Brunswick qualifient la situation de critique. En fait, dans une lettre adressée à la ministre fédérale de la Justice, le président du Barreau du Nouveau-Brunswick, George Filliter, écrit ce qui suit :

Les dossiers s'accumulent à Saint John, et peu de plaideurs ont véritablement accès au système de justice familiale en temps opportun.

Honorable sénateur, pourriez-vous discuter du problème avec la ministre fédérale de la Justice et lui demander quand elle compte nommer les sept membres qui composeront le nouveau comité consultatif qui sera chargé sélectionner les candidats à la magistrature du Nouveau-Brunswick? Cette crise s'étend maintenant à d'autres domaines de pratique, en l'occurrence, le droit familial.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question, et je serais ravi de faire cela.

Le sénateur McIntyre : En plus de porter ce problème à l'attention de la ministre, pourriez-vous lui rappeler que le Barreau du Nouveau-Brunswick lui a soumis, en décembre dernier, des candidatures en vue des sept nominations prévues pour ce comité, et qu'il n'a toujours pas reçu de réponse favorable?

Pourriez-vous également lui rappeler que, même si le comité du Nouveau-Brunswick était mis sur pied cette semaine, il faudrait peut-être attendre des mois avant que les membres soient prêts à recommander des nominations à la magistrature? Le temps presse.

Le sénateur Harder : Je le ferai.

Le commerce international

L'exportation de légumineuses vers l'Inde

L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat et donne suite à une question qui lui a déjà été posée auparavant. Je parle de l'exportation de pois et de lentilles vers l'Inde.

L'Inde est le marché le plus important pour les légumineuses du Canada. À la fin de mars dernier, l'Inde a accordé au Canada une autre exemption aux exigences concernant les mesures antiparasitaires qui s'appliquent aux pois et aux lentilles du Canada destinés à l'exportation vers l'Inde. Or, cette exemption arrivera à échéance dans environ deux semaines, soit à la fin de juin.

Le leader du gouvernement pourrait-il expliquer aux honorables sénateurs où en sont les négociations avec l'Inde? Le gouvernement du Canada s'attend-il à ce qu'une solution scientifique durable soit trouvée dans les deux prochaines semaines ou y aura-t-il une autre exemption de courte durée?

(1450)

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et je serai heureux de demander une mise à jour au ministre responsable. Le sénateur doit savoir que le ministre était en Inde au moment où il a posé la question la dernière fois. Il a tenté d'obtenir une prolongation et a indiqué que le gouvernement souhaitait trouver une solution durable. La position du gouvernement n'a pas changé, mais je m'informerai de l'état des négociations.

Le sénateur Oh : En avril, on s'est rendu compte qu'un autre problème allait se poser. En effet, on a appris que le Pakistan pourrait également imposer des exigences de fumigation semblables sur les exportations de légumineuses du Canada. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il s'informer et nous dire où en sont les négociations avec le Pakistan à ce sujet?

Le sénateur Harder : Je serai heureux de le faire.

[Français]

La défense nationale

La flotte de brise-glaces

L'honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement.

Le 3 novembre 2016, je vous interpellais ici, au Sénat, sur l'état lamentable des brise-glaces qui circulent dans la Voie maritime du Saint-Laurent et en Arctique.

Cette question faisait suite à un reportage télédiffusé selon lequel le gouvernement du Québec et les exportateurs du Canada se montraient inquiets de la dégradation des équipements essentiels et exhortaient le gouvernement fédéral à investir à la hauteur des besoins et du positionnement stratégique de la voie maritime.

Entre autres, vous m'avez répondu ceci, et je cite :

Je serais heureux de donner plus de détails sur ce à quoi ressemblera le programme d'infrastructures au cours des prochaines années.

Or, j'attends toujours ces détails.

De plus, on apprend, aujourd'hui, qu'une importante mission scientifique de plusieurs millions de dollars visant à étudier les changements climatiques dans l'Arctique et à laquelle devaient participer 40 chercheurs canadiens a été complètement annulée hier. La cause : la Garde côtière canadienne a réquisitionné le brise-glace de recherche Amundsen pour mener des opérations de déglaçage au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador, rognant ainsi le temps consacré à la science, car les autres brise-glaces de la vieillissante flotte canadienne sont tous en entretien en ce moment et, par le fait même, hors service.

Qu'attend le gouvernement pour investir massivement dans le renouvellement de la flotte canadienne de brise-glaces?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je vais me renseigner et je ferai rapport au Sénat.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la modernisation de l'obligation de présentation et de déclaration relative à des moyens de transport

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Amendement

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-233, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligation de présentation et de déclaration), accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté ce projet de loi avec l'amendement ci-après, qu'elle prie le Sénat d'accepter :

Article 7, page 4 : Dans la version anglaise, remplacer la ligne 17 par ce qui suit :

« side Canada and then leaves Canada, as long as »

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous l'amendement?

L'honorable Bob Runciman : Avec le consentement du Sénat, je propose que l'étude de l'amendement soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

(Sur la motion du sénateur Runciman, l'étude de l'amendement est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

[Traduction]

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyé par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénatrice Unger,

Que le projet de loi C-16 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 2, par adjonction, après la ligne 2, de ce qui suit :

« 2.1 La même loi est modifiée par adjonction, après l'article 4, de ce qui suit :

4.1 Il est entendu que rien dans la présente loi n'a pour effet d'obliger quiconque à utiliser un mot ou une expression donnés correspondant à l'identité ou à l'expression de genre d'une personne. ».

L'honorable Scott Tannas : Chers collègues, je prendrai la parole quelques minutes au sujet de l'amendement au projet de loi C-16, qui a été présenté par le sénateur Plett. J'appuie l'amendement et le projet de loi. J'ai bien hâte de voter à deux reprises sur cet enjeu.

J'appuie l'amendement du sénateur Plett parce que je crois qu'il s'agit d'un prolongement logique de l'intention de la mesure législative. Le projet de loi C-16 vise à expliciter quelque chose qui est implicite. Les deux camps s'entendent sur le besoin d'explicitation. Les gens d'en face avancent que la question est déjà couverte, que nous n'avons pas à nous en soucier et que des dispositions sont déjà en place pour la population.

J'ai l'impression que l'amendement a soulevé un débat semblable. Pendant que j'écoutais avec attention les échanges la semaine dernière, j'ai trouvé intéressant de remarquer que les équipes semblaient avoir changé de camp. Les personnes qui souhaitent un projet de loi explicite ne voulaient pas d'un amendement explicite à propos d'un point que tous reconnaissent comme important et qui est implicite. Cela dit, j'ai aussi entendu des discours très éloquents de la part de la sénatrice McPhedran, du sénateur Gold, du sénateur Mitchell et d'autres. De mon côté, je préconise une approche claire et explicite, particulièrement pour répondre à des préoccupations.

Chers collègues, certains sondages réalisés par des firmes réputées révèlent que la grande majorité des Canadiens appuient les intentions qui sous-tendent le projet de loi C-16, et je fais partie de ceux-là.

Je crois qu'il est juste de dire que le progrès social occasionne généralement une crainte du changement, et ce sont les éléments les plus absurdes en marge de ce progrès qui semblent toujours attirer l'attention et alimenter les craintes. Je crois qu'il est également juste de dire que la question du discours forcé et des termes neutres, ainsi que d'autres choses de la sorte, dont ont fait état les médias sont justement des éléments absurdes en marge de la question à traiter. Bien que je n'aie pas trouvé de sondage sur la question, je crois ne pas me tromper en affirmant que la majorité des Canadiens trouveraient ces notions absurdes et chercheraient à éviter de se retrouver dans une situation comme celle qui a été décrite par ce fameux professeur d'université.

Pour des raisons de clarté, je vais appuyer la motion du sénateur Plett et j'espère que nous aurons l'occasion de voter sous peu.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Plett, avec l'appui de l'honorable sénatrice Unger, propose en amendement que le projet de loi C-16 ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu'il soit modifié... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

La sonnerie retentira pendant 15 minutes. Le vote aura lieu à 15 h 15. Convoquez les sénateurs.

(1510)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Ataullahjan Mockler
Batters Neufeld
Beyak Ogilvie
Carignan Oh
Cools Patterson
Doyle Plett
Eaton Runciman
Enverga Seidman
Frum Smith
Housakos Tannas
Lang Tkachuk
MacDonald Unger
Manning Wells—28

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Hubley
Bellemare Jaffer
Bernard Joyal
Black Kenny
Campbell Lankin
Christmas Marwah
Cordy Massicotte
Cormier McCoy
Dawson McPhedran
Day Mégie
Dean Mercer
Downe Mitchell
Duffy Moncion
Dupuis Pate
Dyck Petitclerc
Eggleton Pratte
Forest Ringuette
Fraser Saint-Germain
Gagné Tardif
Galvez Verner
Gold Wallin
Greene Watt
Griffin Wetston
Harder Woo—49
Hartling  

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Boisvenu Dagenais
Brazeau Maltais—4

Son Honneur le Président : Le débat se poursuit sur la motion principale.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Martin, avec l'appui de l'honorable sénateur Smith, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Une heure. Le vote aura lieu à 16 h 23.

Convoquez les sénateurs.

(1620)

La motion est adoptée et le débat est ajourné.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan Martin
Baker Marwah
Batters Massicotte
Bellemare McCoy
Bernard McInnis
Beyak McIntyre
Boisvenu McPhedran
Brazeau Mégie
Christmas Mercer
Cools Mitchell
Cormier Moncion
Dagenais Neufeld
Day Ngo
Dean Ogilvie
Downe Oh
Doyle Pate
Duffy Patterson
Dupuis Petitclerc
Dyck Plett
Eaton Pratte
Eggleton Ringuette
Enverga Runciman
Forest Saint-Germain
Fraser Seidman
Frum Smith
Galvez Stewart Olsen
Gold Tannas
Harder Tardif
Hartling Tkachuk
Housakos Unger
Hubley Verner
Joyal Wallin
Lang Watt
Lankin Wells
MacDonald Wetston
Maltais White
Manning Woo—76

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Black Greene—3
Campbell

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Carignan Jaffer—3
Cordy

(1630)

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2017

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Yuen Pau Woo propose que le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet de la loi d'exécution du budget, le projet de loi C-44.

Le projet de loi met en œuvre d'importantes mesures du budget de 2017 et représente la deuxième étape du plan de gouvernement pour stimuler la croissance économique en favorisant les investissements et la création d'emploi.

En tant que sénateur indépendant, je ne suis pas ici pour défendre ou renverser les orientations stratégiques qu'un gouvernement dûment élu a choisies ou les mesures qu'il souhaite employer pour mettre celles-ci en œuvre.

Il s'agit de la première fois que je parraine un projet de loi. C'est aussi la première fois qu'un sénateur indépendant parraine un projet de loi d'exécution du budget. Je présente donc ce projet de loi dans le contexte d'un Sénat qui se modernise et qui cherche à faire les choses différemment.

[Français]

C'est un grand honneur pour moi de prendre la parole aujourd'hui en tant que parrain d'un projet de loi, tout en sachant qu'il s'agit d'une toute nouvelle expérience.

[Traduction]

Le fait que nous soyons en terrain inexploré offre au Sénat l'occasion de faire l'essai d'une nouvelle manière de procéder qui, d'une part, est conforme à notre rôle et à nos responsabilités au titre de la Constitution, et d'autre part, atteste de la valeur que nous apportons à l'examen des mesures législatives et à l'élaboration des politiques publiques. Nous sommes tous conscients de l'intérêt public croissant pour ce que certains appellent un Sénat plus « actif » qui serait plus « imprévisible ». Que vous acceptiez ou non cette caractérisation, elle existe et sera de plus en plus appliquée comme critère pour mesurer si les Canadiens approuvent ou non de l'évolution de leur Chambre haute.

C'est pourquoi mon intervention s'attache davantage au processus de délibération du Sénat dans les questions qui entourent le projet de loi C-44 qu'à la teneur de ce texte. Vous n'avez pas besoin que je vous décrive le projet de loi, et moins encore que je répète les arguments présentés à la Chambre des communes par le ministre des Finances ou les critiques de l'opposition. Nous ne sommes pas ici pour reproduire ce qui se passe à l'autre endroit. J'espère donc que le débat qui suivra ici montrera la valeur ajoutée que nous apportons au projet de loi dont nous sommes saisis.

Je tiens à commencer par saluer le travail effectué par les comités des finances nationales; des banques; des affaires sociales, des sciences et de la technologie; des affaires étrangères et du commerce international; de la sécurité nationale et de la défense; et des affaires juridiques, dans le cadre de l'étude préalable de diverses sections du projet de loi C-44. En tout, 15 séances de comité ont été convoquées pour l'étude préalable du projet de loi, pour un total de 28 heures pendant lesquelles 85 témoins ont été entendus. Je remercie les présidents de comité, soit les sénateurs Mockler, Tkachuk, Ogilvie, Andreychuk, Lang et Runciman, ainsi que tous les membres des comités, pour les audiences spéciales qu'ils ont tenues afin d'étudier les articles du projet de loi qui relèvent de leur mandat. Certains comités, notamment celui des banques, ont augmenté le nombre de séances qui avaient été initialement prévues afin d'entendre des témoignages plus complets sur les questions qu'ils examinaient.

Honorables sénateurs, les rapports à la suite de l'étude préalable sont arrivés au Sénat la semaine dernière et seront bientôt examinés par le Comité des finances nationales dans le cadre de son examen du projet de loi C-44 dans son ensemble. Je reviendrai aux rapports sur l'étude préalable dans la suite de mon intervention.

[Français]

Avant de procéder, cependant, il est important de reconnaître que le Sénat a eu un impact sur le projet de loi C-44, et ce, même avant que les comités en fassent l'étude préalable.

[Traduction]

Honorables collègues, j'avance que la Loi d'exécution du budget, sous sa forme originale et telle que modifiée par la Chambre des communes, porte partout l'empreinte du Sénat.

Prenez par exemple la section 2 de la partie 4 sur le pouvoir du gouvernement de contracter des emprunts. Le projet de loi C-44 rétablira la nécessité d'une approbation de l'emprunt par le Parlement en fixant une limite imposée par la loi au total des emprunts par le gouvernement et par des sociétés d'État mandataires. Si cette idée vous rappelle quelque chose, c'est que le Sénat l'a suggérée il y a 10 ans. Cela a commencé avec le sénateur Tommy Banks, qui a remarqué que le gouvernement de l'époque, en 2007, avait éliminé l'exigence d'une approbation du Parlement pour pouvoir contracter des emprunts.

Le sénateur Lowell Murray a ensuite présenté le projet de loi S- 236 pour rétablir cette obligation, mais son projet de loi est mort au Feuilleton avec les élections de 2008. Après le départ à la retraite du sénateur Murray, le sénateur Wilfred Moore a repris le flambeau et a présenté le projet de loi S-217 en 2013. Ce projet aussi est mort au Feuilleton, mais il a été déposé à nouveau en tant que projet de loi S- 204 en 2015. L'idée a été reprise par le gouvernement actuel dans son budget de 2016 et l'actuel projet de loi C-44 lui a finalement donné vie.

De façon similaire, les changements aux crédits d'impôt pour aidants naturels, les fonds pour la santé mentale et les soins à domicile, les prestations des anciens combattants et le soutien des familles par l'entremise de l'assurance-emploi sont en partie issus d'idées et de recommandations émises par le Sénat. Par exemple, certaines des recommandations qui figurent dans le rapport sur la démence publié en novembre 2016 par le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie ont maintenant été intégrées dans le projet de loi C-44. En particulier, le rapport appelait le gouvernement fédéral à étudier des options financières pour réduire les pressions financières que subissent les aidants naturels, y compris l'élargissement de l'accès aux prestations de compassion de l'assurance-emploi au-delà des soins palliatifs.

La section 11 du projet de loi C-44 crée en effet une nouvelle prestation de l'assurance-emploi pour aidant naturel qui permet aux travailleurs de demander jusqu'à 15 semaines pour prendre soin de membres adultes de leur famille qui sont gravement malades ou blessés. Précédemment, les travailleurs ne pouvaient demander du temps que pour des membres adultes de leur famille « en phase terminale », ce qui n'englobait pas la plupart des cas de démence. En outre, le nouveau crédit canadien pour aidant naturel regroupe et étend trois régimes antérieurs : le crédit pour personnes à charge ayant une déficience, le crédit pour aidants naturels et le crédit pour aidants familiaux. Cette nouvelle prestation unifiée fournira un meilleur soutien a ceux qui en ont le plus besoin et elle s'appliquera aux aidants qu'ils vivent ou non avec le membre concerné de leur famille.

La santé mentale est un autre domaine dans lequel nous pouvons suivre l'impact des travaux antérieurs du Sénat sur le projet de loi C- 44. Le rapport, célèbre à juste titre, qui porte le nom du sénateur Michael Kirby a déjà eu un profond impact sur la conception qu'ont les Canadiens de la santé mentale et sur la réponse des pouvoirs publics aux recherches sur les maladies mentales et au traitement de ces maladies dans tout le pays. Le projet de loi C-44 peut être considéré comme un grand pas de plus vers la mise en œuvre des recommandations de ce rapport, qui a maintenant 11 ans. Le budget de 2017 prévoit un financement ciblé de 5 milliards de dollars pour des services de santé mentale ces 10 prochaines années, dans le cadre de l'accord sur la santé du gouvernement fédéral avec les provinces qui ont souscrit à l'entente. Ces fonds devraient permettre de traiter jusqu'à 500 000 jeunes Canadiens de moins de 25 ans, un âge crucial pour traiter la maladie mentale si on veut obtenir de meilleurs résultats à long terme.

(1640)

Récemment, le sénateur Kirby a décrit l'investissement fédéral dans la santé mentale comme « un pas phénoménal en avant, un changement radical ».

En plus des engagements pris en matière de services de santé mentale, le budget prévoit aussi 6 milliards de dollars sur 10 ans pour les services de soins à domicile. Ces fonds élargiront les services de soins à domicile, de soins communautaires et de soins palliatifs ainsi que le soutien aux aidants naturels. Dans le cadre de son étude en cours des incidences du vieillissement de la population au Canada, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a récemment entendu l'ancienne sénatrice Sharon Carstairs, qui nous a donné des informations à jour sur l'état des soins palliatifs au Canada sept ans après la parution de son rapport historique intitulé Monter la barre : Plan d'action pour de meilleurs soins palliatifs au Canada.

Si le recours aux services de soins à domicile et de soins palliatifs a augmenté depuis la parution du rapport, nos services de soins de santé reposent encore trop sur les soins hospitaliers qui, dans bien des cas, sont plus chers et moins efficaces que les soins à domicile. Le nouveau financement de 6 milliards de dollars donnera aux provinces des ressources supplémentaires pour entraîner un mouvement vers plus de soins à domicile et de meilleurs soins palliatifs.

Le budget de 2017 comprend également une série de mesures pour soutenir les anciens combattants du Canada, en particulier lors de leur transition de la vie militaire à la vie civile. Il augmentera aussi le soutien aux familles des anciens combattants malades ou blessés, ainsi que les investissements dans les services et soins de santé mentale pour les anciens combattants à risque.

Je n'entrerai pas dans les détails de ces mesures, si ce n'est pour dire que nombre d'entre elles sont issues de recommandations qui se trouvent dans le rapport de 2014 intitulé La transition à la vie civile des anciens combattants du Sous-comité sénatorial des anciens combattants, présidé par les sénateurs Roméo Dallaire et David Wells. La série de nouvelles mesures budgétaires pour le bien-être des anciens combattants s'inspire également d'idées qui se trouvent dans le rapport provisoire de 2015 intitulé Rapport provisoire sur les blessures de stress opérationnel des anciens combattants du Canada du sous-comité, présidé par le sénateur Day et la sénatrice Stewart Olsen.

Chers collègues, l'empreinte du Sénat se trouve même sur de nouvelles mesures introduites dans le projet de loi C-44, comme les changements qui concernent le Bureau du directeur parlementaire du budget et la création d'une banque de l'infrastructure du Canada. Quand le projet de loi C-44 a été déposé pour la première fois à l'autre endroit, une grande partie de l'attention s'est portée sur l'article concernant le Bureau du directeur parlementaire du budget. Certains des arguments les plus convaincants dénonçant des lacunes dans les dispositions législatives proposées et appelant à des améliorations de leur libellé ont été entendus dans cette enceinte et aux comités.

Je me souviens de l'intervention enflammée du sénateur Day, avant l'étude préalable, sur la nécessité de renforcer l'indépendance et le fonctionnement du Bureau du directeur parlementaire du budget. Nous avons entendu le témoignage d'experts, y compris des directeurs parlementaires du budget actuel et passés, sur la manière d'améliorer les mesures législatives au moyen des audiences du Comité des finances nationales.

La compréhension par le public des changements proposés au bureau a été amplifiée par la couverture médiatique de nos audiences, et un consensus s'est rapidement dégagé concernant la nécessité de modifier le projet de loi. Du point de vue du gouvernement, il ressortait clairement du déroulement de notre étude préalable qu'il fallait changer les dispositions concernant le directeur parlementaire du budget et que de tels changements seraient proposés si le projet de loi C-44 parvenait au Sénat sous sa forme originale.

En l'occurrence, le gouvernement a eu connaissance du mécontentement du Sénat et d'autres intéressés et a pris l'initiative de modifier les dispositions législatives concernant le Bureau du directeur parlementaire du budget. C'est ainsi que nous sommes maintenant saisis d'un projet de loi C-44 qui me semble amélioré. Pour ne citer que quelques-uns des changements apportés, le texte revu supprime l'exigence d'un plan de travail annuel approuvé par les Présidents; il prévoit que les rapports soient rendus publics un jour ouvrable après avoir été remis au Parlement et aux comités; il prévoit un examen de la loi par un comité cinq ans après son entrée en vigueur; il prévoit que le directeur parlementaire du budget doit solliciter un avis de référence de la Cour fédérale dans les cas où un arbitrage et des éclaircissements sont nécessaires.

Dans la même veine, on pourrait dire que l'objectif sous-jacent de la Banque de l'infrastructure du Canada que le gouvernement propose de mettre sur pied porte aussi l'empreinte du Sénat. Comme vous le savez, le Comité des finances nationales est en train de réaliser une étude sur l'investissement dans les infrastructures au Canada. Il a décidé de mener cette étude parce que le gouvernement actuel met un tel accent sur l'investissement dans les infrastructures, avec le plan Investir dans le Canada, qui prévoit 180 milliards de dollars sur 12 ans.

Le comité a déjà entendu les témoignages de nombreux experts et les principales préoccupations soulevées jusqu'ici semblent être les suivantes : le délai nécessaire à la désignation des projets; le manque de clarté des critères de sélection des projets; l'utilisation optimale des deniers publics du point de vue des contribuables.

Je vois la Banque de l'infrastructure du Canada comme un mécanisme proposé par le gouvernement pour répondre à ces préoccupations. Plutôt que de dépenser le total des 180 milliards de dollars affectés aux infrastructures selon le modèle « concevoir, construire et exploiter » habituel, les risques étant entièrement assumés par le gouvernement à tous les stades, on propose une banque qui offre une façon de réaliser les projets qui servent l'intérêt public qui pourrait faire baisser les coûts pour le gouvernement, accroître l'efficience et réduire les risques pour les contribuables. Ce faisant, elle permet de faire davantage avec les fonds disponibles pour les projets d'infrastructure qui doivent être financés et réalisés de la façon habituelle.

Si la création de cette banque ne découle pas de l'étude sur l'investissement dans les infrastructures comme telle du Comité des finances nationales, ce dernier peut se féliciter d'avoir su reconnaître à l'avance les difficultés inévitables que pose la mise en œuvre d'un programme de dépenses de cette ampleur et d'avoir établi un cadre pour évaluer l'efficacité du programme, que l'approvisionnement se fasse de la façon habituelle ou que les projets soient financés par la Banque de l'infrastructure du Canada qui est proposée.

Le Comité des banques a mené une étude préliminaire sur la Banque de l'infrastructure du Canada et a entendu de nombreux témoins experts. Parmi eux figuraient des fonctionnaires, des investisseurs institutionnels, des banquiers et des spécialistes du financement de projets, des chercheurs du milieu universitaire, ainsi que des représentants de syndicats, d'entreprises et de groupes d'analystes.

La lecture du rapport concernant l'étude préliminaire m'a permis de comprendre que les membres du comité appuient la banque, mais qu'ils se posent des questions au sujet de sa structure de gouvernance. Pour reprendre le rapport :

[...] le comité n'est pas convaincu qu'un juste équilibre ait été atteint entre l'impératif d'un processus décisionnel exempt d'ingérence politique pour la banque proposée et l'impératif d'une surveillance convenable de l'utilisation des fonds publics pour le gouvernement. Le comité est d'avis que le gouvernement fédéral devrait s'assurer que le cadre de gouvernance proposé permette d'attirer des administrateurs et des cadres supérieurs chevronnés, ainsi que des investisseurs du secteur privé. De plus, le gouvernement fédéral devrait s'assurer que les décisions d'investissement de la banque proposée sont prises par les cadres supérieurs de la banque, et non par les investisseurs du secteur privé.

J'ai assisté à la plupart des audiences publiques du Comité des banques. Je crois que cette déclaration illustre exactement les opinions nuancées des membres à savoir si le modèle de gouvernance proposé atteint un juste équilibre. Car il s'agit bien d'équilibre. En tant qu'actionnaire unique, et par conséquent unique source de financement de la banque, le gouvernement est mieux de surveiller le fonctionnement de l'organisme. J'imagine bien une autre structure de gouvernance dans laquelle le gouvernement est limité dans sa capacité de nommer et de renvoyer des membres du conseil, et encore plus concernant les types de projets financés. Dans cette situation, les critiques visant le projet de loi seraient totalement contraires, à savoir que les contribuables ne sont pas suffisamment protégés en ce qui a trait aux sommes investies dans une banque qui doit soutenir des projets qui sont dans l'intérêt public.

Dans une lettre d'opinion récente, l'ancien directeur parlementaire du budget a exprimé le revers de la médaille :

La fin n'est jamais heureuse lorsqu'il y a un manque de surveillance et de diligence financière raisonnable dès le départ. Tous les jours, dans les journaux, on peut lire des textes sur les innombrables échecs du gouvernement, que ce soit le registre des armes à feu dans les années 1990, les problèmes actuels liés au système de rémunération, Services partagés Canada ou l'équipement militaire.

Je demande aux sénateurs de réfléchir à la question suivante : si la Banque de l'infrastructure du Canada fait les manchettes dans les années à venir en raison de problèmes de gouvernance, est-ce que ce sera parce qu'il y avait trop de surveillance gouvernementale et de diligence financière raisonnable, comme certains d'entre vous le suggèrent, ou pas assez, comme l'a affirmé l'ancien directeur parlementaire du budget?

(1650)

N'oublions pas, après tout, que le montage de grands projets d'infrastructure faisant appel à des méthodes de financement novatrices, comme les partenariats public-privé et leurs dérivés, ne sont pas une compétence fondamentale des administrations publiques, surtout pas aux paliers provincial et municipal où sont réalisés l'essentiel des investissements dans les infrastructures.

Il est fort possible que la conception des projets et les formules de financement qui y seront associées émanent de promoteurs privés. Ce n'est pas une mauvaise chose, mais ne soyons pas naïfs : un investisseur privé cherchera toujours à tirer le plus possible parti des projets qu'il entreprendra et la contrepartie gouvernementale devra se montrer alerte et habile pour éviter de ne pas trop payer. Tout autant qu'il existe un risque d'ingérence politique, il aussi un risque d'emprise réglementaire par le secteur privé.

La solution, bien sûr, consiste à pouvoir compter sur une équipe de cadres supérieurs très compétents à la banque ainsi que sur un conseil d'administration tout aussi exceptionnel, ce qui conférera une certaine crédibilité à l'organisation et garantira une fonction de contrôle très solide des opérations. Rien dans le projet de loi ne donne à penser que nous ne pourrons pas compter sur une équipe dirigeante d'une telle qualité à la tête de la Banque de l'infrastructure du Canada. Si le gouvernement manque de vision au point de nommer un conseil d'administration et un premier dirigeant qui ne soient pas à la hauteur, il sera immédiatement taxé d'un malus au chapitre de la crédibilité pour avoir effrayé les partenaires potentiels du secteur privé et les promoteurs éventuels du secteur public pourtant incontournables dans le cas de tels projets d'infrastructure nécessaires.

J'ai l'impression que le gouvernement est tout à fait au courant du défi qui attend la Banque de l'infrastructure du Canada sur le plan de la crédibilité ainsi que de la nécessité de réaliser un équilibre délicat entre surveillance gouvernementale et indépendance de l'organisme. Le gouvernement découvrira très vite s'il est parvenu à cet équilibre. Si les projets ne décollent pas ou si aucun partenaire du secteur privé ne se montre intéressé, la population canadienne en entendra parler. C'est pour cela que je suis heureux de voir ici un article prévoyant un examen quinquennal des dispositions et du fonctionnement de la loi.

[Français]

Les résultats de la révision seront rapportés au Parlement et seront ensuite étudiés par un comité de la Chambre des communes ou du Sénat, ou encore de façon conjointe par les deux comités.

Les questions soulevées au sujet de la gouvernance de la Banque de l'infrastructure du Canada sont légitimes, et nous devons reconnaître le mérite qu'a eu le Sénat d'interroger et d'inciter les différentes parties qui souhaitaient participer au débat.

[Traduction]

Nous venons de braquer sur la banque un projecteur auquel elle ne pourra pas échapper. En revanche, je ne pense pas vraiment que nous soyons en position de lui imposer une formule de gouvernance différente, à ce stade embryonnaire de son développement.

Nous reconnaissons tous, je pense, la nécessité d'instaurer un équilibre entre la surveillance par le gouvernement et l'indépendance de l'organisme. Le Sénat est-il vraiment en position de microgérer cet équilibre, sans posséder l'expérience de la banque au quotidien et sans connaître le flux de transactions? Il est bien que nous nous percevions comme une « Chambre de second examen, » mais n'oublions pas l'important adjectif qui suit : « objectif ».

Une autre question soulevée devant le Comité des banques à propos de cette institution va en intéresser beaucoup parmi vous. Elle touche la compétence relativement aux projets pris en compte par la banque, car un témoin a dit craindre que ces projets puissent être exemptés des dispositions des lois provinciales étant donné qu'ils sont en partie financés par une société d'État.

Dans son rapport faisant suite à son étude préliminaire, le Comité des banques n'a pas pris position à cet égard, mais, en annexe, il a joint une lettre du sous-ministre de l'Infrastructure et des Finances dans laquelle celui-ci déclare que la banque ne sera pas mandataire de la Couronne pour les projets dans lesquels elle investira, et que ces projets seront visés par tout règlement provincial ou local pertinent.

Dans ce même rapport, le Comité des banques se penche sur les modifications envisagées à la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada et à la Loi sur les banques, sur les modifications envisagées à la Loi sur Investissement Canada et sur la promulgation de la Loi sur Investir au Canada. Ces sections du projet de loi C-44 n'ont pas suscité de controverse, le seul point d'interrogation concernant la création d'Investir au Canada. Cette institution serait, en fait, une nouvelle société d'État fédérale s'apparentant à l'Agence du revenu du Canada ou à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui ferait office de « guichet de service unique » pour attirer les investissements directs étrangers, en collaboration étroite avec les organismes qui ont la même vocation dans les provinces et dans les municipalités.

Le Comité des banques a être « dans l'incertitude quant à l'opportunité de créer un nouvel organisme de promotion de l'investissement étranger au Canada. » Cependant, les témoins se sont unanimement déclarés en faveur d'Investir au Canada, notamment ceux représentant des organismes municipaux et provinciaux d'attraction des investissements ainsi que la Chambre canadienne de commerce.

[Français]

Permettez-moi, honorables sénateurs, de traiter maintenant des rapports préparés par les autres comités sénatoriaux dans le cadre de leur étude préalable de ce projet de loi.

[Traduction]

Le Comité des affaires étrangères et du commerce international a étudié la section 1 de la partie 4 du projet de loi qui concerne la Loi sur les mesures spéciales d'importation et il s'est déclaré favorable à cette mesure.

Le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles s'est, quant à lui, penché sur les sections 10 et 17 de la partie 4 qui concernent la Loi sur les juges, le Code canadien du travail et la Loi sur le Programme de protection des salariés. Il s'est dit favorable à ces deux sections, mais a signalé le nombre élevé de postes de juges fédéraux encore vacants à l'échelle du Canada, et des éventuels changements qui devront être apportés à la législation fédérale sur le travail afin de prévoir des consultations avec les parties concernées au préalable.

Dans son examen préalable, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie s'est arrêté sur les sections 5, 9, 11, 13, 14 et 16 du projet de loi C-44.

La section 5 vise à autoriser le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique à verser jusqu'à 125 millions de dollars à l'Institut canadien de recherches avancées afin de lui permettre d'élaborer une stratégie pancanadienne en matière d'intelligence artificielle. La section 9 donne au ministre des Finances le pouvoir d'allouer des fonds aux provinces et aux territoires pour les services de soins à domicile et de santé mentale, à hauteur de 11 milliards de dollars sur 10 ans. Le comité a appuyé ces deux sections.

La section 11 vise à modifier la Loi sur l'assurance-emploi ainsi que le Code canadien du travail afin d'ajuster et d'étendre les prestations de maternité ainsi que les congés parentaux et les congés pour aidants. Dans son appui à ces modifications, le Comité des affaires sociales a souligné la nécessité de contrôler les répercussions que le régime de prestations élargi pourrait avoir sur les genres, surtout sur l'embauche de femmes. Le comité a aussi souligné l'importance de communiquer largement tous ces changements afin que les bénéficiaires éventuels de toutes ces prestations puissent prendre des décisions éclairées à propos des différents choix s'offrant à eux.

Enfin, le comité a aussi soutenu les changements proposés à la Loi sur l'assurance-emploi, à la section 14 du projet de loi.

Pour ce qui est de la section 13, le comité a appuyé les amendements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés afin de mieux définir certaines dispositions, d'améliorer le fonctionnement du système Entrée express et d'exclure l'imposition de divers frais en vertu de la Loi sur les frais d'utilisation. Une mesure semblable, décrétée en vertu de la section 16, a aussi reçu son appui. Elle vise à permettre au ministre de la Santé de modifier, par décret, les frais d'utilisation imposés par son ministère sur des produits régis par la Loi sur les aliments et drogues.

Passons maintenant au Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense. Les membres de ce comité se sont penchés sur la section 12, soit sur le bien-être des anciens combattants, et sur la section 9, qui traite du recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes. Je suis ravi de vous dire qu'il recommande l'adoption des deux articles sans réserve.

Pour conclure mon survol des examens préalables, permettez-moi d'indiquer que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a examiné les parties 1, 2 et 3 du projet de loi C-44 ainsi que les divisions 2, 4, 6 et 7 de la partie 4 de cette mesure. Ce comité a étudié les changements proposés au Bureau du directeur parlementaire du budget, changements qui, comme vous le savez, ont ensuite été amendés à l'autre endroit, notamment en raison des alertes lancées par le comité et par certains de nos collègues du Sénat.

Le Comité des finances nationales a également traité d'amendements à la Loi de l'impôt sur le revenu et à des mesures législatives connexes, à la Loi sur la taxe d'accise, à la Loi sur l'accise et à la Loi de 2001 sur l'accise, sans parler de la Loi no 1 d'exécution du budget de 2017.

Parmi les mesures proposées, notons l'augmentation des taxes d'accise sur le tabac et l'alcool, qui vise à compenser l'élimination de la surtaxe sur les bénéfices des fabricants de cigarettes, une proposition qui se trouve également dans le projet de loi C-44.

(1700)

Dans le cas de l'alcool, dont nous avons déjà discuté dans cette enceinte après une question posée au représentant du gouvernement, l'augmentation proposée est de 2 p. 100, ce qui équivaut à une augmentation de 1 cent pour une bouteille de vin d'un litre, de 5 cents pour une caisse de 24 bouteilles de bière et de 7 cents pour une bouteille de spiritueux de 750 millilitres. En outre, la taxe d'accise sur l'alcool, comme nous l'avons mentionné au Sénat, sera automatiquement rajustée chaque année afin de tenir compte de l'inflation, à compter du 1er avril 2018. L'indexation vise à maintenir l'efficacité de la taxe d'accise à mesure que les prix changent au fil du temps.

Chers collègues, je ne vous ai présenté qu'une analyse très sommaire du projet de loi C-44 et j'ai essayé de parler avec justesse des aspects préoccupants signalés dans les rapports d'étude préalable. J'attends avec impatience que d'autres sénateurs se joignent au débat sur le projet de loi C-44 dans les prochains jours et j'ai hâte de savoir ce qu'ils pensent des problèmes que j'ai signalés, ainsi que d'autres problèmes que j'aurais pu oublier.

Permettez-moi de passer maintenant à un problème qui n'a été signalé dans aucun des rapports, mais auquel plusieurs d'entre vous pensent. Il s'agit de savoir si le projet de loi C-44 doit être considéré comme un projet de loi omnibus, et si certaines parties du projet de loi doivent être considérées comme des mesures législatives distinctes. Le débat actuel, qui a été mené jusqu'ici dans les médias plutôt que dans cette enceinte, porte sur la Banque de l'infrastructure du Canada. Quand le projet de loi a été déposé pour la première fois à la Chambre, la plupart des appels en faveur d'une division du projet de loi C-44 ne concernaient pas la banque, mais plutôt la section 7 de la partie 4, qui a trait au directeur parlementaire du budget. C'était il y a six semaines. Aujourd'hui, je n'entends personne demander que la section 7 soit séparée du projet de loi C-44. Pourquoi? C'est évidemment parce que le gouvernement a apporté des amendements substantiels aux dispositions sur le directeur parlementaire du budget, et qu'il a grandement amélioré celles-ci par rapport à la version initiale. Ces modifications ont été apportées parce que le Parlement a eu le temps et l'occasion d'examiner la mesure initiale, de bien comprendre ses répercussions et de proposer des changements.

On pourrait soutenir, malgré les modifications qui ont renforcé la loi sur le directeur parlementaire du budget, que cette section qui concerne le directeur demeure une aberration dans le contexte d'un projet de loi d'exécution du budget et qu'elle devrait donc être traitée comme une loi distincte. Cet argument devrait toutefois être fondé sur une compréhension très précise de ce qui doit être inscrit dans un projet de loi omnibus donné. Quelqu'un voudra peut-être soutenir cet argument, mais je soupçonne que, pour la plupart d'entre nous, la question de savoir si la section qui concerne le directeur parlementaire du budget appartient au projet de loi C-44 n'est pas fondée sur une règle bien définie, mais consiste plutôt à déterminer si nous avons eu le temps ou non d'examiner cette mesure législative et de faire entendre notre point de vue.

Le fait est que nous n'avons pas une définition claire de ce qu'un projet de loi omnibus doit ou ne doit pas inclure. Nous savons qu'il y aura toujours des projets de loi omnibus, sous la forme de différentes lois regroupées dans un seul projet de loi par souci d'unité thématique, de commodité ou d'efficacité. Les projets de loi budgétaires se prêtent bien à l'approche omnibus précisément en raison de la nature très variée des budgets. On peut donc tout mettre dans un projet de loi budgétaire, me direz-vous donc. Par contre, on ne peut justement pas mettre n'importe quoi dans un tel projet de loi, et il ne suffit donc pas de prétendre que l'existence même d'un projet de loi omnibus justifie qu'on le divise en plusieurs parties.

Tout comme il y aura toujours des projets de loi omnibus, je prédis que nous continuerons longtemps de débattre afin de savoir si un élément donné appartient à un projet de loi omnibus en particulier. Malgré notre grande soif de clarté, la résolution de cette question comporte de grands éléments subjectifs qui ne peuvent être codifiés. Il suffit de demander au Comité du Règlement, qui a récemment publié son rapport sur la division des projets de loi. Après de nombreuses discussions, ce comité a judicieusement décidé de ne pas fournir d'ensemble de critères définis. Il n'a, en fait, fourni aucun critère sur ce qui constitue un usage légitime des projets de loi omnibus et quels éléments de tels projets de loi ne devraient pas s'y trouver.

Comprenez-moi bien. Je ne prétends pas qu'il n'arrive jamais qu'un projet de loi doive être scindé. Si le gouvernement avait proposé un projet de loi sur des questions de santé qui porte à la fois sur la légalisation de la marijuana et l'aide médicale à mourir, j'aurais été tout à fait favorable à ce que les deux éléments soient séparés. Ou si une question hautement litigieuse comme la reconnaissance des personnes transgenres était englobée dans un projet de loi budgétaire pour en forcer l'adoption sous le couvert d'une recommandation royale, il me semblerait qu'il s'agit d'un abus flagrant d'un projet de loi omnibus.

Nous devrions toujours être à l'affût des abus auxquels les projets de loi omnibus peuvent donner lieu, mais chaque cas d'abus doit faire l'objet d'une argumentation distincte. Il ne faut pas présumer qu'il y a abus du seul fait que nous sommes en présence d'un projet de loi complexe qui rassemble beaucoup d'éléments disparates.

Voilà qui nous ramène à la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada. Nous débattrons bientôt d'une motion du sénateur Pratte qui pose la question du retrait de la section 18 du projet de loi C-44. Il est tout à fait juste et normal que ce débat ait lieu, mais il faut que son objet soit clair. À mon avis, la question clé n'est pas de savoir si les projets de loi omnibus sont acceptables, mais plutôt de savoir si l'insertion de la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada dans le projet de loi C-44 constitue un abus de ce projet de loi omnibus.

Étant donné que nous n'avons pas de critères bien définis pour cerner les abus qu'on peut faire des projets de loi omnibus, je présume que nous entendrons tout un éventail d'opinions. Cependant, comme notre propre Comité du Règlement a été incapable de définir ce qui constitue une utilisation inadmissible des projets de loi omnibus, je crois qu'il incombera à ceux qui croient qu'il y a eu abus en l'espèce de montrer qu'il a eu effectivement abus. Je ne suis pas juriste, mais il me semble qu'une sorte de présomption d'innocence devrait s'appliquer dans notre étude des projets de loi omnibus.

Cela dit, il y a une autre raison pour laquelle un projet de loi omnibus devrait être scindé, et cela a à voir avec le temps qu'il faut au Sénat pour en étudier adéquatement tous les éléments. À ce sujet, le Comité du Règlement offre quelques conseils pratiques :

[...] votre comité a étudié les pratiques concernant les projets de loi omnibus au Sénat [...] [et] fait remarquer qu'il existe déjà des processus qui permettent au Sénat de prendre l'initiative de diviser un projet de loi, même s'ils ne sont utilisés que rarement.

Alors oui, dit le Comité du Règlement. Si vous devez scinder un projet de loi complexe, n'hésitez pas à le faire. Puis, il explique comment procéder. Toutefois, le Comité du Règlement poursuit en disant :

En outre, votre comité fait remarquer que le Sénat a développé une pratique qui permet, dans le cas de projets de loi complexes, d'en renvoyer la teneur de différentes parties à des comités différents, en plus de renvoyer la teneur complète du projet de loi à un seul comité. Le Sénat a agi ainsi dans le cas de projets de loi d'exécution du budget, tel que mentionné dans une décision du Président du 3 février 2015. De cette façon, des comités peuvent traiter des parties du projet de loi qui concernent leurs mandats, mais un seul comité [...] conserve une vue d'ensemble du projet de loi.

Bref, nous avons plus d'une corde à notre arc, et parfois, chers collègues, voire la plupart du temps, il vaut mieux poncer en douceur au moyen d'une étude préliminaire que de scinder au ciseau.

Cela signifie que, même si vous croyez que le projet de loi C-44 va trop loin dans son emploi de la forme omnibus en incluant les mesures relatives à la Banque de l'infrastructure du Canada, il faut vous demander si l'outil de l'étude préliminaire que nous avons réalisée au cours des six dernières semaines remédie au problème pratique qui consiste à disposer de suffisamment de temps pour étudier cette partie du projet de loi. Ici encore, je fais mes éloges au Comité des banques pour avoir reconnu l'intérêt marqué du Sénat à entendre un éventail complet de témoignages sur la banque proposée, et avoir considérablement augmenté la durée des audiences pour rendre cela possible. Dans le rapport d'étude préliminaire du Comité des banques, je ne vois aucune indication comme quoi les membres estiment ne pas avoir eu suffisamment de temps pour étudier les mesures législatives régissant la banque proposée.

(1710)

J'ajouterais que cette agitation au sujet du bien-fondé d'une scission du projet de loi a eu l'effet non recherché mais positif d'attirer l'attention des médias sur la création de la banque, de sorte qu'il y a eu, ces deux derniers mois, de nombreux reportages sur la loi qui établit cette banque. Entre parenthèses, j'ajoute que certains reportages ont été trompeurs, par exemple celui qui portait sur un rapport confidentiel de KPMG prétendument critique de la banque proposée, ce qui a suscité beaucoup d'anxiété chez certains sénateurs. Lisez-le, si vous ne l'avez pas déjà fait, et tirez vos propres conclusions.

Le point le plus important, c'est que les échanges entre nous, même avant l'étude préalable, qui ont fait l'objet d'une fuite dans les médias, ont pu attirer sur la question l'attention du grand public. Le projet de loi a-t-il fait l'objet d'un examen suffisant? L'un des facteurs à considérer pour répondre à la question est la mesure dans laquelle nos discussions ont été remarquées dans le grand public pour qu'il puisse aussi intervenir. Je serais étonné que le Canadien moyen veuille se plonger à fond dans les menus détails de la Banque de l'infrastructure, mais il me semble juste de dire que la question a reçu une attention convenable dans les médias principaux.

Rappelez-vous la section du projet de loi qui porte sur le directeur parlementaire du budget. Il y a à peine six semaines, nous étions plusieurs à penser que ces dispositions n'avaient pas leur place dans le projet de loi C-44 et à tenir mordicus à ce que cette section soit étudiée à part. Il semble que nous ayons dépassé ce réflexe. La même chose ne pourrait-elle pas valoir pour la Banque de l'infrastructure du Canada? Il me semble que oui. Si on s'appuie sur la thèse très plausible que la loi sur la banque ne constitue pas un abus d'un projet de loi d'exécution d'un budget, dont la structure est, de façon inhérente, celle d'un projet de loi omnibus, et sur les efforts considérables que nos honorables collègues ont consacrés à l'étude du projet de loi, on peut conclure qu'il y a fort peu de raisons pour qu'on retire la section 18 de la loi d'exécution du budget.

Cher collègues, au moment de conclure mon intervention à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-44, je m'aperçois que j'ai passé la majeure partie de mon temps à parler des préoccupations soulevées par d'autres sénateurs et que j'ai dit fort peu de choses sur les dispositions du projet de loi qui, généralement, ne prêtent pas à controverse et que beaucoup de Canadiens attendent avec impatience, comme l'élargissement du crédit d'impôt pour frais de scolarité de manière qu'il s'applique aux cours axés sur les compétences professionnelles, l'investissement dans une stratégie nationale sur la recherche en intelligence artificielle, l'abaissement du seuil pour l'examen des investissements étrangers à destination du Canada ou encore la plus grande souplesse du régime d'assurance-emploi à l'égard des parents qui prennent un congé après la naissance d'un enfant. Tout est là, dans l'imposant document que vous avez reçu. J'espère que, même si je n'en ai pas beaucoup chanté les louanges, vous accorderez à ces éléments du budget autant d'attention qu'aux quelques dispositions qui prêtent davantage à controverse.

[Français]

Je vous remercie, honorables sénateurs, de m'avoir écouté, et j'attends avec grand enthousiasme les prochains débats sur le projet de loi C-44.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Monsieur le sénateur Tkachuk, vous avez une question à poser?

L'honorable David Tkachuk : Oui, j'ai une question.

Merci, monsieur le sénateur Woo, pour la première moitié très appréciée de votre intervention, car vous vous êtes porté à la défense du Sénat inspiré du modèle de Westminster et du système de partis. Je vous en remercie beaucoup.

J'ai une ou deux questions à poser sur la Banque de l'infrastructure, qui a fait l'objet d'une vive controverse tant ici que dans les médias. Bien entendu, il y avait des préoccupations à son sujet au Comité des banques.

Il y a une question à laquelle j'ai bien du mal à obtenir une réponse : si la Banque de l'infrastructure prend une décision d'affaires et si l'entreprise périclite, tourne mal et fait faillite, qui éponge les pertes?

Le sénateur Woo : Je remercie le sénateur Tkachuk de sa question et de ses propos au sujet de la contribution du Sénat à de nombreux aspects du projet de loi C-44. Cette contribution est venue de sénateurs passés et actuels, dont, bien entendu, des sénateurs indépendants et non partisans qui ont travaillé dans les comités à la question du directeur parlementaire du budget.

Quant à la Banque de l'infrastructure du Canada et à ce qui se passe lorsque des projets où la banque a investi ne rapportent pas, il s'agit au fond une question qui concerne expressément la structure du contrat sur le projet d'infrastructure en cause. La nature même de ce nouvel instrument veut que le gouvernement laisse à la banque la souplesse voulue pour concevoir des modes de production de revenus différents pour attirer l'investissement privé dans les projets.

Hypothétiquement, la participation du gouvernement, qu'il s'agisse d'une participation au capital ou d'un prêt, pourrait perdre de la valeur parce que le projet échoue. La part que représenterait la perte du gouvernement dépendrait de la nature du marché conclu. Je peux cependant vous dire que le gouvernement a mis de côté et réuni les 15 milliards de dollars pour éponger toute perte que devraient entraîner des projets qui ne marchent pas. Cependant, il serait présomptueux, très présomptueux, pour l'instant, de croire que des projets vont nécessairement mal tourner, car je m'attends tout à fait à ce qu'il y ait tout un portefeuille de projets dont certains réussiront mieux que d'autres et à ce que certains aient des résultats exceptionnels qui compenseront les pertes découlant de projets qui réussiront moins bien.

Le sénateur Tkachuk : J'ai une autre question, et elle porte sur les investissements de la Banque de l'infrastructure. Bien sûr, les investissements fédéraux portent par exemple sur les aéroports, sur des actifs dont le gouvernement fédéral a une partie de la propriété. Il a été dit que la banque investirait dans des projets aux niveaux provincial et municipal. Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il recours à une banque de l'infrastructure? Quels types d'investissement...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Monsieur le sénateur Woo, demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Woo : Cinq minutes, merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Tkachuk : Merci, Votre Honneur.

S'il s'agit de municipalités et de gouvernements provinciaux plutôt que d'entreprises et d'investissements du gouvernement fédéral, comment la Banque de l'infrastructure du pouvoir fédéral décidera- t-elle quelle province aider avec ses capitaux, de préférence à une autre province?

Autrement dit, si la banque décide de réaliser un projet de distribution d'eau à Saskatoon et de devenir propriétaire du réseau d'eau de cette ville, elle devra décider non seulement d'injecter son argent, ce que le gouvernement peut faire, mais aussi d'amener des intérêts privés à participer au même investissement.

Je ne sais trop si cela va causer beaucoup de problèmes, mais comment le gouvernement va-t-il prendre ces décisions ou comment la Banque de l'infrastructure les prendra-t-elle?

Le sénateur Woo : Merci de votre question, monsieur le sénateur Tkachuk.

Il ne faut pas oublier que le gouvernement a déjà annoncé et lancé un ambitieux programme d'investissement en infrastructure de 180 milliards de dollars sur 10 ans, et cet argent sera dépensé dans les provinces et les municipalités. La majeure partie de ces dépenses se fera de la façon classique, c'est-à-dire que le gouvernement s'associera probablement avec les municipalités et les provinces pour partager les coûts, peut-être dans une proportion d'un tiers pour chacune des parties. Ainsi, les trois ordres de gouvernement assumeront entièrement le risque de la conception, de la construction et de l'exploitation, et tout revenu qui pourrait être produit... Il n'y aura probablement aucun revenu. Il s'agit de la méthode classique d'acquisition qui sera maintenue et qui permettra d'utiliser en fait la vaste majorité des 180 milliards de dollars qui ont été mis de côté.

(1720)

Les 35 milliards de dollars prévus pour la Banque de l'infrastructure du Canada sont destinés à être investis dans des projets qui, autrement, ne bénéficieraient d'aucun investissement à l'aide de la méthode traditionnelle. Je ne peux donc pas vous dire exactement quels projets se concrétiseront, mais un des critères fondamentaux que la banque voudra certainement appliquer consiste à savoir si le projet en question aurait été réalisé quoi qu'il en soit à l'aide d'une méthode de financement traditionnelle.

Pourquoi voudrions-nous avoir une autre méthode s'il y a une méthode de financement traditionnelle? La réponse est très simple. Si le gouvernement peut inciter le secteur privé à assumer une grande partie des coûts de financement d'un projet, il peut consacrer une plus grande partie de ses fonds existants à des projets traditionnels. C'est la logique de la Banque de l'infrastructure du Canada, honorable sénateur, et j'espère que cela répond au moins en partie à votre question.

L'honorable Frances Lankin : Acceptez-vous de répondre à une autre question, sénateur? Je vous remercie.

Tout d'abord, permettez-moi de dire combien j'ai été heureuse d'avoir l'occasion de consacrer beaucoup de temps à ce texte au stade de l'étude préalable. Je pense que cela a été très utile. Je pense que nous aurions une discussion très différente sans cela. L'exercice a été apprécié. Pour les comités qui ont fait le travail — j'ai eu l'occasion, dans deux comités, d'examiner des dispositions —, c'était très utile.

Globalement, je suis très favorable à ce budget. Je n'énumérerai pas tous les postes que j'appuie. J'ai une inquiétude, un point sur lequel j'aimerais plus d'informations, et c'est la taxe d'accise concernant l'alcool. Mon inquiétude ne concerne pas les 2 p. 100 cette année, mais l'indexation automatique.

Aujourd'hui, le sénateur Smith a posé une question au représentant du gouvernement au Sénat et j'ai posé une question complémentaire; j'ai demandé des informations sur l'analyse de l'espace fiscal que cette mesure occupe et sur l'analyse comprenant les structures fiscales provinciales.

En deuxième lieu, dans différentes provinces — et je viens de la province de l'Ontario —, nous avons vu récemment un changement assez révolutionnaire dans la vente et la distribution d'alcool, avec une stratégie de tarification très différente de la part de la Régie des alcools de l'Ontario, qui a un impact sur le consommateur, sur le prix affiché au bout du compte, sur les entreprises de l'industrie dans son ensemble. De façon similaire, il y a l'incidence des décisions du gouvernement provincial concernant la promotion de la bière artisanale et leurs conséquences pour les trois grandes marques qui possèdent Brewers Retail.

Pour couronner le tout, il y a une analyse, du moins de l'industrie, qui voudrait que, durant les années 1980, je crois, quand un autre gouvernement a mis en place une indexation automatique, probablement combinée à d'autres éléments dans l'économie à l'époque — il faudrait que nous fassions l'analyse —, il y a eu un impact majeur et un ralentissement dans le secteur des boissons alcoolisées. Ce sont les spiritueux, le vin et la bière. Je m'inquiète du risque de recréer cette situation et j'aimerais que l'analyse soit faite avant que l'indexation soit effectivement mise en place l'an prochain.

Le sénateur Woo : Merci, sénatrice Lankin, de poser cette question.

Je pense que le sénateur Harder donnera probablement des réponses à votre question, mais la seule réponse que je vous donnerais, à ce stade-ci, c'est que nous n'avons pas reçu de clarification des fonctionnaires du ministère des Finances pour expliquer le montant de...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, mais votre temps de parole est vraiment écoulé.

Le sénateur Woo : Puis-je avoir 30 secondes?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Disons 20 secondes.

Le sénateur Woo : L'annonce du taux d'indexation sur l'inflation pour l'année suivante sera faite l'année précédente en novembre ou décembre. Ce serait une occasion...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Désolée. Votre temps de parole est écoulé. Nous passons à la personne suivante.

[Français]

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je m'en voudrais de ne pas reconnaître d'abord le travail d'un collègue du Nouveau-Brunswick, le sénateur Day, qui a été président du Comité sénatorial permanent des finances nationales pendant plus de neuf ans. Il sera très difficile pour moi de porter ses souliers. Le comité devra tout de même poursuivre ses travaux. Je m'en voudrais aussi de ne pas reconnaître le successeur du sénateur Day, le sénateur Smith, l'actuel leader de l'opposition. Il suit les traces de son prédécesseur en faisant preuve d'innovation, de transparence, d'imputabilité, et de prévisibilité, des caractéristiques qui s'inscrivent aussi dans la vision et le mandat de notre comité.

En tant que président du comité, je prends la parole aujourd'hui pour aborder le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures. J'aimerais remercier tous les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, y compris la greffière, les recherchistes et tous les employés qui appuient les travaux du comité, pour leur travail exceptionnel et leur grand dévouement.

[Traduction]

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que notre objectif demeure la transparence, la responsabilité et la prévisibilité du cadre financier du Canada. Les Canadiens n'attendent rien de moins. Je dois vous dire, honorables sénateurs, que les gens chez Tim Hortons et McDonald's appellent ce processus le budget.

Honorables sénateurs, dans le cadre de l'étude préalable du projet de loi C-44, qui a eu lieu du 9 au 16 mai 2017, le Comité sénatorial des finances s'est réuni cinq fois au total. Au cours de ces réunions, il a entendu 30 témoins de 6 ministères et organismes fédéraux ainsi que des représentants du Bureau du directeur parlementaire du budget et de 9 organismes de l'extérieur du gouvernement fédéral. Le comité a décidé d'entendre des témoignages sur l'intention du gouvernement d'indexer à l'inflation la taxe d'accise sur l'alcool, en raison des craintes suscitées par les répercussions possibles d'une indexation automatique sur les fabricants d'alcool, dans le secteur de l'hôtellerie et du tourisme dans tout le Canada.

[Français]

Honorables sénateurs, parce que la taxe d'accise est une taxe indirecte, d'autres taxes y sont ajoutées. Permettez-moi de vous en donner quelques exemples. Au Nouveau-Brunswick, une augmentation de 5 cents pour une caisse de bière signifie qu'il y aura une majoration provinciale de 90 p. 100 sur le marché de gros de la bière, puis la TVH de 15 p. 100 y sera ajoutée. Cela veut dire que la hausse de 5 cents, lorsqu'on calcule le prix final, se traduira par une augmentation de taxe, non pas de 5 cents, mais de 12 cents, avant même que le brasseur ne tienne compte de la main-d'œuvre, du matériel, de l'emballage, des frais de transport et de tout autre coût compris dans le prix final.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je tiens à vous informer que le mémoire de Bière Canada présente plusieurs arguments contre l'imposition de l'indexation automatique, notamment que la clause d'indexation est trop contraignante et ne tient pas compte de la situation économique régionale, qu'elle assombrit, sans raison, des perspectives commerciales déjà difficiles et incertaines et qu'elle fait en sorte que les futures hausses fiscales échapperont à la surveillance du Parlement.

(1730)

Voilà qui change notre vision des choses, honorables sénateurs. Cette indexation contrevient directement à la promesse que le gouvernement a faite à l'ensemble des Canadiens, à savoir qu'il se fonderait sur des données probantes pour prendre ses décisions.

En fait, cette indexation est carrément contraire à la stratégie nationale sur l'alcool et aux recommandations du comité consultatif sur l'économie du premier ministre, qui estime que les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire sont essentiels à la croissance économique du pays. Or, cette indexation aura bel et bien des répercussions sur le secteur agroalimentaire.

[Français]

Des représentants du ministère des Finances ont témoigné du fait que l'incidence de ces hausses de prix serait minimale, mais aucune analyse n'a été effectuée par le ministère afin de prouver le contraire quant aux répercussions de l'indexation. Aussi, nous n'avons pas entendu dire que cette décision s'appuyait sur des motifs liés à la santé.

[Traduction]

Selon ce que les représentants de l'industrie de l'alcool ont dit au comité, les répercussions de l'indexation des droits d'accise dépasseront les seuls fabricants et toucheront aussi les milliers de Canadiens qui travaillent dans les PME du pays qui fournissent des biens et des services aux producteurs, les viticulteurs, les agriculteurs qui font pousser du maïs, du seigle, de l'orge et du blé, et les dizaines de milliers de Canadiens qui travaillent dans l'industrie hôtelière et touristique.

Ils ont ajouté une chose qui nous a beaucoup marqués : ils ont l'impression de revivre ce qu'ils ont vécu au début des années 1980 lorsqu'un autre premier ministre Trudeau a lui aussi décidé d'indexer la taxe d'accise sur l'alcool. Des dizaines de distilleries ont dû fermer leurs portes presque exclusivement parce que la taxe était indexée. Des milliers d'emplois ont alors disparu, et c'est sans parler de la réputation internationale des spiritueux canadiens, et plus particulièrement du whisky, qui a été ternie.

Honorables sénateurs, les taxes sur l'alcool sont souvent surnommées « taxes sur les vices ». On dirait bien que le gouvernement a décidé de faire payer les gens pour les fautes de leurs pères.

[Français]

Honorables sénateurs, le comité a aussi recueilli les témoignages des représentants du Bureau du Conseil privé, du Bureau du directeur parlementaire du budget et de différents universitaires. Ces témoignages portaient sur des modifications proposées à la Loi sur le Parlement du Canada afin de respecter une promesse électorale visant à rendre le poste de directeur parlementaire du budget entièrement indépendant.

[Traduction]

Même si les témoins ont reconnu que le gouvernement avait apporté des améliorations notables au poste de directeur parlementaire du budget, ils ont également exprimé des inquiétudes quant à l'amoindrissement de son rôle. M. Khan, vice-président exécutif de l'Institut des finances publiques et de la démocratie de l'Université d'Ottawa, a résumé ces inquiétudes en affirmant que le mandat du directeur parlementaire du budget a été restreint, obligeant ce dernier à réagir aux rapports du gouvernement au lieu d'entreprendre des analyses proactives. La capacité des parlementaires de demander des estimations des coûts a été restreinte en grande partie, ou elle l'aurait été. La capacité du directeur parlementaire du budget d'entreprendre, de son propre chef, des travaux sur les prévisions budgétaires du gouvernement est incertaine. De surcroît, en exigeant que les Présidents des deux Chambres approuvent le plan de travail du directeur parlementaire du budget, le gouvernement porte atteinte à son indépendance.

Nous connaissons tous, honorables sénateurs, nos responsabilités individuelles et collectives en tant que parlementaires. On a imposé des restrictions quant au moment de publication de l'analyse du directeur parlementaire du budget en exigeant qu'elle soit présentée pendant que le Parlement siège.

Honorables sénateurs, des universitaires et des parlementaires éprouvaient les mêmes inquiétudes. Elles étaient de nature si grave que la Chambre des communes a depuis accepté d'amender le projet de loi C-44 en grande partie pour corriger ces lacunes. Nous l'en félicitons.

[Français]

Honorables sénateurs, il fut un temps où le gouvernement aurait hésité à amender un projet de loi assujetti à un vote de confiance. Nous l'avons entendu dire à maintes reprises par des Présidents précédents, mais, sous le gouvernement Trudeau, les projets de loi mal ficelés semblent encore être la règle d'usage.

[Traduction]

Le comité a aussi entendu le témoignage de fonctionnaires du ministère des Finances sur la proposition d'édicter la Loi autorisant certains emprunts, qui redonnerait au Parlement la responsabilité d'approuver les opérations d'emprunt du gouvernement. Cette loi inclura les mandataires de Sa Majesté dans les opérations d'emprunt du gouvernement et précisera la valeur totale de ses opérations. De plus, elle prévoit que dans les trois ans suivant son entrée en vigueur, le ministre devra faire déposer au Parlement un rapport faisant état des opérations d'emprunt du gouvernement et des mandataires.

Ce pouvoir d'emprunt est le cadre qui découle des modifications apportées à la Loi sur la gestion des finances publiques dans la Loi no 1 d'exécution du budget de 2016.

Notre comité parlementaire a pour objectif de voir notre pays se doter d'un cadre financer caractérisé par la transparence, l'obligation de rendre des comptes et la prévisibilité. Toutefois, il est important de souligner qu'aucun des pouvoirs d'emprunt n'est entré en vigueur l'année dernière. Seront-ils en vigueur après l'adoption du projet de loi C-44? Le gouvernement actuel continue de fonctionner selon les dispositions de 2007 sur les emprunts, dispositions que le parti aujourd'hui au pouvoir a pourtant durement critiquées auparavant pour leurs lacunes en matière de transparence, d'obligation de rendre des comptes et de prévisibilité.

[Français]

Cependant, honorables sénateurs, il semble que seul le Cabinet soit appelé à trancher en matière d'emprunts, et non le Parlement. Comme le dit le dicton : « Plus ça change, plus c'est pareil. »

[Traduction]

Honorables sénateurs, le comité a entendu des fonctionnaires du ministère des Finances lui donner leur avis sur la proposition d'éliminer le crédit d'impôt sur le transport en commun à partir du 1er juillet 2017. Le ministère considère que ce crédit est inefficace au regard de son objectif d'accroître l'utilisation du transport en commun.

Le comité se demandait si l'analyse effectuée avait tenu compte des différences attribuables à la taille des villes, notamment des besoins particuliers de la population d'une ville comme Toronto. Il se demandait également si la décision prise pouvait aller à l'encontre de l'objectif du gouvernement d'accroître l'utilisation du transport en commun et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Honorables sénateurs, je voudrais porter à votre attention deux autres questions relatives au budget qui ont été examinées de fond en comble par le Comité sénatorial des banques et qui ont fait l'objet d'un rapport de sa part : la création d'Investir au Canada et de la Banque de l'infrastructure du Canada.

Je tiens à féliciter le Comité sénatorial des banques ainsi que chacun de ses membres pour leur travail de chefs de file. Le sénateur Woo a bien exprimé mes sentiments à cet égard. Le projet de loi C- 44 vise à créer la Loi sur Investir au Canada, qui établirait une société d'État fédérale nommée « Investir au Canada » ayant pour but de simplifier les tâches des investisseurs qui souhaitent investir au Canada en leur offrant un guichet unique pour obtenir de l'information sur les occasions qui s'offrent à eux dans le monde canadien des affaires.

À la lumière des témoignages, le Comité des banques a signalé ce qui suit — et je tiens à citer les dirigeants et les membres du comité :

À la lumière des témoignages entendus au sujet de la section 20, le comité est toujours dans l'incertitude quant à l'opportunité de créer un nouvel organisme de promotion de l'investissement étranger au Canada. De l'avis du comité, le gouvernement fédéral devrait préciser davantage le rôle que jouerait Investir au Canada pour favoriser l'investissement direct étranger au Canada.

Et cela vaut peu importe où nous habitons au pays.

(1740)

Le projet de loi C-44 aurait aussi pour effet d'édicter la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada, qui établirait cette banque. Dans son rapport, le Comité des banques définit l'objet de la Banque de l'infrastructure, et je cite :

La Banque aurait pour mission de faire des investissements et de chercher à attirer des investisseurs privés et institutionnels dans des projets d'infrastructures situés au Canada ou en partie au Canada qui généreront des recettes et qui seraient dans l'intérêt public.

Honorables sénateurs, le Comité des banques a soulevé plusieurs préoccupations. Tout d'abord, il s'est demandé pourquoi les dispositions concernant la Banque de l'infrastructure se trouvent dans le projet de loi C-44 au lieu de faire l'objet d'un projet de loi distinct.

[Français]

La raison est que nous voulions avoir une structure complètement indépendante.

[Traduction]

On s'est aussi demandé si la banque serait simplement un instrument pour donner des subventions à des entreprises et si elle pourrait jouer un rôle différent de celui qu'assument déjà certaines entités, comme les partenariats public-privé, dont a bénéficié largement le Canada atlantique.

On s'est également interrogé sur le cadre de gouvernance, à savoir qu'un juste équilibre n'avait pas été atteint :

[...] entre l'impératif d'un processus décisionnel exempt d'ingérence politique pour la banque proposée et l'impératif d'une surveillance convenable de l'utilisation des fonds publics [...]

Il y a un peu plus d'un an, je me souviens clairement qu'on s'attendait à des voies ensoleillées.

Honorables sénateurs, une multitude d'articles et d'éditoriaux publiés au cours des derniers mois remettent en question de nombreux aspects de la Banque de l'infrastructure du Canada.

J'aimerais citer un éditorial rédigé par Kevin Page, Azfar Ali Khan et Randall Bartlett, publié le 11 juin 2017 dans le Globe and Mail et intitulé, à juste titre, « La Banque de l'infrastructure du Canada : trop de questions sans réponse ». Les auteurs font valoir que le bien-fondé de la Banque de l'infrastructure du Canada n'a pas encore été prouvé, car on n'a pas répondu à certaines questions, que j'aimerais partager avec vous, honorables sénateurs.

[Français]

Ces questions sont importantes pour nous permettre de prendre des décisions.

[Traduction]

Quels sont la vision et le plan de la Banque de l'infrastructure du Canada? Quelle est la raison d'être de celle-ci? Comment entend-on gérer les risques et les prix? Pourquoi son modèle de gouvernance et de fonctionnement, initialement celui d'une banque indépendante, est-il passé à celui d'un organisme subventionnaire plus ou moins contrôlé par le gouvernement fédéral? Je me sens particulièrement concerné par cela, car les auteurs de l'article tentent de comparer la banque à l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ou APECA.

Honorables sénateurs, trop de questions fondamentales demeurent sans réponse, d'autant plus que 35 milliards de dollars de fonds publics sont en jeu. Selon moi, il est temps que le premier ministre fasse preuve de leadership et supprime les dispositions visant la création de la Banque de l'infrastructure du Canada, afin d'améliorer sa proposition et présenter un projet de loi séparé qui répond aux questions soulevées. Pourquoi? Parce que les Canadiens ne méritent rien de moins.

L'honorable Terry M. Mercer : Le sénateur Mockler accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mockler : Absolument, puisqu'elle vient du Canada atlantique.

Le sénateur Mercer : J'ai, en fait, deux questions à poser et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je les poserai l'une après l'autre.

Dans la discussion que vous avez eue à propos de l'indexation automatique de la taxe, qui est très inquiétante, le comité a-t-il pris le temps de consulter les représentants des diverses brasseries qui se trouvent à Terre-Neuve, à Halifax, à Saint John, au Nouveau- Brunswick, à Montréal, à Québec, à Toronto, à Calgary, à Winnipeg et à Vancouver? J'ai peut-être oublié quelques-unes — notamment à Edmonton — où des emplois sont en jeu.

J'ai grandi dans la partie nord d'Halifax, à un pâté de maisons de la brasserie Oland. Tous les jours sur le chemin de l'école, je passais devant une brasserie, ce qui explique probablement les mauvaises habitudes que j'ai prises plus tard. Quoi qu'il en soit, toutes ces brasseries offraient des centaines d'emplois de qualité. A-t-on pensé au risque qui pèse sur ces emplois et sur les centaines d'établissements vinicoles qui se trouvent en Nouvelle-Écosse, en Ontario, en Colombie-Britannique et au Québec? Nombre de ces établissements sont de taille modeste; ils survivent comme ils peuvent grâce à des services à valeur ajoutée, comme des restaurants, des visites guidées et des activités particulières au public. A-t-on parlé à ces gens?

Qu'arrivera-t-il à la population de Gimli, au Manitoba, localité dont le whisky a remporté un prix prestigieux? Je n'ai jamais bu de whisky, mais je suppose que, pour les amateurs, c'est très bon. A-t- on parlé à ces gens? Sont-ils venus témoigner devant le comité? Anticipent-ils les risques que fait peser sur l'emploi la taxation sans représentation? Si vous avez l'intention d'augmenter les impôts, ayez le courage de défendre chaque année cette volonté à la Chambre des communes au lieu d'utiliser des moyens détournés.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Tkachuk : Dites-lui « oui ».

Le sénateur Mercer : Vous pourriez aimer la deuxième question autant que la première. Je suis au Sénat depuis 2003, et j'ai fait partie du Comité de la Bibliothèque du Parlement pendant environ 10 ans.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Mockler, souhaitiez-vous répondre à la question?

Le sénateur Mockler : Je suis d'accord avec le sénateur Mercer pour dire que tout cela aura des répercussions sur l'ensemble du pays. Ma réponse à votre question est oui, vous avez raison.

Le sénateur Mercer : Je suis ravi de l'entendre, chers collègues. Le sénateur Mercer a raison.

Je suis au Sénat depuis 2003, et j'ai fait partie du Comité de la Bibliothèque du Parlement pendant environ 10 ans. Or, je peux compter sur les doigts de la main le nombre de réunions tenues par ce comité. J'ai jeté le blâme sur vous, les conservateurs, parce que vous ne laissiez pas le comité se réunir pour faire son travail, mais je me rends compte que c'est un problème systémique, puisque le gouvernement actuel n'a pas laissé le comité faire son travail non plus.

Savez-vous pourquoi je m'interroge au sujet de la Bibliothèque du Parlement? C'est parce que le directeur parlementaire du budget doit faire rapport au Parlement par l'entremise du Comité de la Bibliothèque du Parlement. J'ai essayé de le faire comparaître devant ce comité pendant des années, mais les travaux du comité se résument à élire les coprésidents qui représentent respectivement la Chambre des communes et le Sénat, puis à ajourner la séance. Je suis très préoccupé par le changement concernant le directeur parlementaire du budget, qui fait que, au lieu de faire rapport au Parlement, il fera rapport à un comité parlementaire.

(1750)

Je suis également profondément préoccupé par la gestion de ce comité par le Sénat et l'autre endroit. Il faut que nous mettions en place un processus afin que les membres des comités puissent tous participer à l'élaboration de l'ordre du jour, par exemple qu'ils puissent demander que le directeur parlementaire du budget présente en personne, au comité, son avis sur la façon dont le gouvernement dépense notre argent.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il une question, sénateur?

Le sénateur Mockler : Oui, c'est une bonne question.

Je tiens à dire que je suis d'accord avec vous, sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Deux fois.

Le sénateur Mockler : On nous a promis des voies ensoleillées. Elles se sont assombries depuis.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Sénateur Mockler, puis-je également poser une question?

Merci beaucoup de votre discours. Je sais qu'il y a beaucoup de choses à dire au sujet de la Banque de l'infrastructure. Certaines des choses que l'on entend sont très préoccupantes, notamment le fait que les contribuables devront payer pour l'établissement de la banque, investir un pourcentage d'argent dans chaque projet et payer des frais d'utilisation pour couvrir les dépenses liées à l'entretien de certains des nouveaux projets d'infrastructure.

Le sénateur Tkachuk a demandé qu'on lui dise ce qui se passerait si des projets tombaient à l'eau. Il semble que ce soit les contribuables qui aient à tout financer sans posséder quoi que ce soit.

Êtes-vous aussi préoccupé par le fait qu'il s'agit d'un grand risque pour les contribuables, en fin de compte?

Le sénateur Mockler : C'est l'une choses qui préoccupent le comité. C'est pourquoi nous avons entendu autant de témoignages. Les réponses que l'on a eues aux questions difficiles ne semblaient pas garantir qu'une autre façon de procéder aurait été mieux et que les contribuables canadiens étaient protégés.

[Français]

L'honorable Lucie Moncion : Le sénateur Mockler accepterait-il de répondre à deux questions? Je poserai la première et nous verrons si j'ai le temps de poser la deuxième.

Le sénateur Mockler : Oui.

La sénatrice Moncion : Vous avez parlé de la taxe d'accise sur la boisson, mais pas de celle touchant les cigarettes. Pourquoi avez- vous omis cette dernière? En outre, dans quelle catégorie les produits de la cigarette et de l'alcool sont-ils inclus?

Le sénateur Mockler : Je vous remercie, sénatrice Moncion, de cette question. Je n'ai pas les détails concernant la cigarette, mais je pourrai certainement vous faire parvenir cette information.

En ce qui concerne la question dont nous sommes saisis aujourd'hui, celle de l'alcool, elle démontre clairement qu'il y a un manque de transparence quant à l'application de la loi et de la taxe d'accise. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, on parle d'une augmentation de 12 cents, plutôt que de 5 cents.

On a toujours besoin d'information, et la question a été posée. Espérons que le gouvernement croira bon de nous donner plus d'explications. Voilà pourquoi je dis que le premier ministre pourrait faire preuve de leadership afin d'apaiser les craintes des Canadiens et Canadiennes qui travaillent dans ces entreprises, comme l'a dit le sénateur Mercer, et de sauver leurs emplois.

La sénatrice Moncion : Ma question était celle-ci : dans quelle catégorie de produits sont classés les produits du tabac et de l'alcool? Vous n'avez pas répondu à cette partie de la question. J'en ai une autre aussi.

Le sénateur Mockler : Je dois vous dire, sénatrice, que j'aurai à demander la réponse. Je prends l'engagement de demander aux gens du ministère des Finances de nous expliquer cet aspect.

La sénatrice Moncion : La réponse n'est pas compliquée : ce sont des produits de luxe, et non des produits de première nécessité.

Ma deuxième question est liée à vos commentaires au sujet de la Banque de l'infrastructure du Canada. Dans le cadre de leurs témoignages, les gens que nous avons rencontrés ont parlé de création d'emplois, de projets durables et de rentabilité. Michael Sabia est l'une des personnes qui nous a parlé de la Banque de l'infrastructure du Canada. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la pertinence des objectifs poursuivis par le gouvernement dans la création de cette banque d'infrastructure?

Le sénateur Mockler : Je n'étais pas présent lors du témoignage de M. Sabia. Je crois que c'était au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, et non au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Par contre, les mêmes questions soulevées au Comité des banques et du commerce seront certainement soulevées au Comité des finances nationales et, s'il y a vraiment création d'emplois, nous applaudirons cette initiative. S'il y a aussi la possibilité d'aller chercher des investissements, soit au Canada ou auprès du marché international, encore une fois, j'applaudirai cela.

Il s'agit, par contre, de questions auxquelles les réponses ne sont pas précises et qui ne permettent pas aux mesures proposées de bien sécuriser l'argent des Canadiens et des Canadiennes, peu importe où ils vivent au Canada.

L'honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet du projet de loi d'exécution du dernier budget fédéral, le projet d eloi C-44.

J'aimerais remercier et féliciter le sénateur Woo, parrain du projet de loi C-44, ainsi que tous les honorables sénateurs qui ont travaillé très fort dans le cadre de l'étude préalable du projet de loi.

Il est clair qu'un projet de loi dont l'objectif est de permettre la mise en place de dispositions nécessaires à la réalisation de l'exercice budgétaire est, de par sa nature, un projet de loi omnibus, et j'en conviens parfaitement.

Je veux cependant dénoncer le fait qu'on profite trop souvent de cette occasion pour y introduire des mesures législatives qui ne sont pas expressément nécessaires à la mise en œuvre du budget. Cette pratique avait été dénoncée par le Parti libéral lors de la dernière campagne électorale, et celui-ci s'était engagé à y mettre fin.

L'essentiel de mes remarques portera davantage sur les questions de forme et de façon de faire que sur le fond.

Nous devons montrer une certaine déférence, à titre de Chambre haute face à l'autre endroit, particulièrement dans le cas de projets de loi de mise en œuvre du budget qui sont le résultat de promesses électorales. Voilà pourquoi je suis pleinement conscient de mon rôle lorsqu'il s'agit d'exprimer mes réticences face à certaines mesures législatives telles que celles qui sont proposées, mais qui demeurent finalement la prérogative de l'exécutif gouvernemental.

Dans un premier temps, j'aimerais exprimer mon incompréhension face à la décision du gouvernement d'annuler le crédit d'impôt pour le transport en commun. Cela a bien peu de sens pour deux raisons.

Premièrement, le gouvernement s'est engagé avec sérieux dans la lutte aux changements climatiques, et je salue cette décision. On a même renommé le ministère de l'Environnement pour y faire une mention explicite.

Cependant, je m'explique mal que, dans les diverses mesures mises de l'avant par le gouvernement fédéral pour lutter contre les changements climatiques, on abolisse une mesure fiscale qui inciterait les gens à moins utiliser leurs véhicules personnels pour leurs déplacements, ce qui nous permettrait de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et permettrait à nos enfants et petits-enfants de vivre dans un monde où l'environnement serait plus sain.

Deuxièmement, j'ai consulté des sociétés qui gèrent le transport en commun dans ma communauté, et il m'apparaît très clair que, hors des grands centres urbains, compte tenu des problèmes de circulation qu'ils connaissent, l'utilisation du transport en commun saute aux yeux comme un choix plus logique que l'automobile. Dans les villes de taille moyenne, les gens qui utilisent le transport en commun sont souvent moins bien nantis. Les priver de ce crédit d'impôt m'apparaît comme une mesure qui va à l'encontre de ces importants objectifs de réduction de GES.

J'aimerais maintenant passer à une autre mesure qui soulève chez moi beaucoup d'interrogations.

(1800)

Le projet de loi C-44, en ce qui a trait à l'augmentation des droits d'accise sur l'alcool, permet...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Puis-je vous interrompre quelques instants? Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures et, selon l'article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu'à 20 heures, à moins que les honorables sénateurs consentent à ne pas tenir compte de l'heure. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : C'est accepté. Vous pouvez poursuivre, sénateur Forest.

Le sénateur Forest : Le projet de loi C-44, en ce qui a trait à l'augmentation des droits d'accise sur l'alcool, permet deux mesures distinctes : une augmentation du droit de 2 p. 100 sur la production de bière, de vin et de spiritueux applicable immédiatement. Puis, le gouvernement introduit une augmentation automatique de ces droits, le 1er avril de chaque année, indexée selon l'Indice des prix à la consommation.

Comprenez-moi bien : je ne m'oppose pas à l'augmentation de ces droits en tant que telle. Cependant, à titre d'ancien élu municipal, je comprends bien la portée du principe politique selon lequel il n'y a pas de taxation sans représentation. Il reste que la prérogative de taxer doit demeurer entre les mains de l'exécutif et être contrôlée par ce dernier. L'augmentation automatique de ces droits d'accise annuellement constitue selon moi une mauvaise idée, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, une mesure uniforme comme celle-là ne tient pas du tout compte des réalités vécues par les petits producteurs, autant de bière que de spiritueux. Même si les droits d'accise pour la bière sont modulés selon le volume produit par les microbrasseurs, il est clair que la bière locale d'un petit producteur est généralement plus chère qu'une bière commerciale à grand volume de production. Le petit producteur devra sans doute absorber cette hausse à même sa marge de bénéficiaire, si elle existe, afin de rester concurrentiel. Une telle absorption est plus facilement gérable chez les grands brasseurs, pour qui les marges de profit sont, disons-le, plus confortables. Au final, c'est souvent le consommateur qui va récupérer la facture.

Deuxièmement, en fragilisant nos producteurs artisanaux, en les obligeant à absorber cette augmentation annuelle automatique des droits d'accise, à mon avis, on se tire dans le pied. Nos régions en souffriront. Comme sénateur de la division sénatoriale du Golfe, mon analyse des mesures législatives est particulièrement sensible aux réalités régionales. Je ne parle pas uniquement du Bas-Saint- Laurent et de la Gaspésie, que je représente, mais de toutes les régions du pays.

Notre offre touristique, partout au pays, s'est bonifiée immensément au cours des dernières années avec la gastronomie locale, et les offres de manger et de boire localement se sont multipliées. C'est ce qui commence à nous distinguer à l'échelle de la planète lorsque vient le temps de vendre le Canada comme destination touristique de choix : « Venez non seulement voir le Canada, mais aussi le goûter. » Je pense que les touristes d'aujourd'hui recherchent des expériences différentes quand ils voyagent, et nos producteurs d'alcool artisanaux font partie de cette équation. En les fragilisant, c'est tout un pan de notre économie touristique que l'on risque de mettre en péril.

Si le gouvernement veut augmenter les droits d'accise sur l'alcool, ce qui serait tout à fait légitime, qu'il le fasse manuellement, dans chaque budget, chaque année. Une augmentation automatique ne tient pas compte de l'état de l'économie, de l'état des différentes industries et des enjeux macroéconomiques. Sur le fond, cette mesure est sensée, mais pas sur la forme. J'encourage donc le gouvernement à revoir sa stratégie en ce sens.

Enfin, j'en viens à l'objet principal de mon intervention sur le projet de loi C-44 : l'épineuse section sur la Banque de l'infrastructure du Canada.

Je tiens tout d'abord à préciser que je suis fortement en faveur de la création de cette banque. Le ministère des Finances a estimé que le déficit en termes d'infrastructures se chiffrait à environ 570 milliards de dollars. Même à l'aide du projet du gouvernement d'injecter 120 milliards de dollars sur 10 ans dans les infrastructures, on est loin du compte. Cependant, en cumulant les investissements en faveur de l'infrastructure dans nos territoires, nos provinces et nos municipalités, c'est un effort colossal qui sera déployé. Quant aux investisseurs privés et institutionnels, ils auront l'occasion de contribuer à combler un créneau spécifique avec la Banque de l'infrastructure.

Cependant, c'est encore sur la forme que j'accroche. Je m'oppose au fait de créer une société d'État à vocation économique par le biais d'un projet de loi omnibus qui sera étudié en quelques séances de comité. La banque est un instrument important face au défi des infrastructures pour l'avenir du Canada. C'est peut-être un engagement formel de la part du gouvernement mais, compte tenu de l'importance de l'institution qu'on s'apprête à créer, il m'apparaît incontournable d'en mesurer avec précision l'impact et le fonctionnement. La banque n'est pas une fin en soi, mais un outil pour traiter efficacement de l'enjeu incontournable des infrastructures au Canada.

Je souhaite partager avec vous mes principales préoccupations concernant la création de la Banque de l'infrastructure. L'étude préalable faite par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a mis en lumière de sérieuses préoccupations sur le modèle de gouvernance de la banque, sur les risques d'ingérence politique ainsi que sur la façon dont la banque sélectionnera les projets qu'elle financera.

Les conclusions du comité sont claires, et je cite :

[...] le comité n'est pas convaincu qu'un juste équilibre ait été atteint entre l'impératif d'un processus décisionnel exempt d'ingérence politique pour la banque proposée et l'impératif d'une surveillance convenable de l'utilisation des fonds publics pour le gouvernement.

De plus, lors d'une séance du comité, le Conseil canadien pour les partenariats public-privé indiquait qu'il est très difficile pour le gouvernement de concevoir des projets d'infrastructure qui génèrent des recettes. Ses représentants ont rappelé que seulement 3 des 258 projets en PPP au Canada génèrent actuellement des recettes. Avec cette affirmation, le modèle opérationnel de la banque mérite qu'on s'y attarde davantage.

Nous devons redoubler de prudence, surtout lorsque le ministre mentionne au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce que les projets transformateurs qu'appuierait la banque proposée ne seraient normalement pas réalisables à cause de leur coût élevé, de leur profil de risque ou de faibles perspectives de rentabilité. On nous mentionne également que la plupart des projets appuyés par cette banque seraient présentés par les autres ordres de gouvernement — il faut comprendre ici les provinces et les territoires. On ne nous a pas fourni suffisamment de données et d'information pour que, à titre de parlementaires, nous puissions appuyer un projet opérationnel de la sorte.

Selon ce que je comprends, la banque a pour mission de solliciter la participation de capitaux privés dans de grands projets rentables. Cependant, on nous informe que les projets rentables sont très rares et que, somme toute, les projets seraient présentés par les autres ordres de gouvernement, et non les investisseurs privés. Il y là un malaise, à mon avis.

Nous sommes tous conscients du fait que, pour la banque, nous parlons ici de grands projets d'infrastructure comme le REM, à Montréal, dans les grands centres urbains, là où la Caisse de dépôt et placement du Québec investit déjà. Les plus petites municipalités ne seront, en pratique, jamais concernées par les projets de la Banque de l'infrastructure. En outre, j'aimerais que l'on m'assure que les fonds publics qui serviront à capitaliser la banque ne viendront pas réduire les crédits réservés aux municipalités et aux régions du Canada.

Toute la question liée aux différents programmes d'infrastructure m'amène également à un niveau supplémentaire d'incertitude concernant la banque. Le Comité des finances nationales se penche depuis des mois sur le financement des infrastructures au Canada. S'il y a bien une chose qui est apparue très clairement au comité, c'est que la tâche de suivre la trace des fonds d'infrastructure au Canada est un sport paraolympique. Entre l'allocation des fonds et l'ouverture officielle d'un projet, on parle d'un nombre d'années, et je ne parle même pas des délais prolongés à cause de l'hiver au Canada qui nous oblige à concentrer nos travaux selon nos réalités climatiques.

Pas plus tard que cette année apparaissait dans les crédits gouvernementaux de l'argent du fond d'infrastructure Chantiers Canada, qui devait s'étaler de 2007 à 2014. Compte tenu des différents cycles budgétaires, du report des fonds d'une année à une autre et des délais souvent très longs, l'exercice de diligence raisonnable dans l'analyse de l'octroi des fonds publics en infrastructure est un travail de longue haleine. Honorables sénateurs, c'est notre responsabilité de nous en assurer.

À ce sujet, en l'absence de détails supplémentaires et d'une analyse sérieuse, je suis mal à l'aise, en tant que parlementaire, à l'idée de valider la création de cette banque sans savoir avec précision comment cette institution s'imbriquera dans le concert des milliards de dollars de plans d'infrastructure de plusieurs gouvernements antérieurs qui se chevauchent, sans compter les fonds prévisibles comme la taxe sur l'essence, et j'en passe.

(1810)

Plusieurs collègues, que je respecte énormément, sont d'avis que le report de la création de la Banque de l'infrastructure retardera indûment la réalisation de grands projets. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec eux, car, d'une part, le fait d'étudier plus en profondeur la création de la banque permettra de régler les questions de gouvernance et de gestion des projets prioritaires, en plus de préciser les modes de reddition de comptes et le modèle opérationnel de la banque. Quoi qu'il en soit, ces étapes devront être franchies. D'autre part, selon ce que l'on peut en déduire, il n'y a pas des dizaines de grands projets rentables ciblés qui sont en attente.

Après cinq séances d'étude du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et à la suite du témoignage de l'ancien directeur parlementaire du budget, M. Kevin Page, aujourd'hui même, nous n'avons toujours pas une vue d'ensemble claire et précise du modèle opérationnel de la banque et de son fonctionnement au sein du gouvernement fédéral. À mon avis, avant d'aller de l'avant, il est essentiel et fondamental d'obtenir ces réponses.

L'adoption de projets de loi omnibus qui intègrent des mesures superflues à l'application du budget doit cesser. Il incombe aux deux Chambres de créer un environnement favorable à une analyse en profondeur des mesures législatives afin de s'assurer de leur efficience, de leur validité et de leur équité, et ce, dans l'intérêt des Canadiennes et des Canadiens. Je crois que la création de la Banque de l'infrastructure mérite cette attention de notre part.

En conclusion, j'aimerais souligner le bon travail du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, qui a proposé des amendements aux dispositions les plus contentieuses en ce qui concerne le directeur parlementaire du budget. Je suis d'avis qu'un environnement favorable à une analyse en profondeur pourrait certainement produire des résultats très positifs.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps de parole du sénateur Forest est écoulé. Souhaitez-vous poser une question, sénateur Woo?

[Français]

Demandez-vous cinq minutes de plus, sénateur Forest?

Le sénateur Forest : Oui, s'il vous plaît.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Merci, sénateur Forest. Vous vous opposez à ce que la Banque de l'infrastructure du Canada fasse partie du projet de loi C-44, au motif que nous ne disposons pas de suffisamment de renseignements sur son modèle opérationnel.

J'aimerais souligner qu'une autre section importante du projet de loi prévoit le transfert de 11 milliards de dollars dans le cadre de l'accord sur la santé, afin d'apporter des améliorations en matière de santé mentale et de soins à domicile. Cependant, aucun détail sur le fonctionnement n'est disponible puisque les provinces n'ont fourni aucun détail. Recommandez-vous également que nous séparions du projet de loi C-44 les mesures concernant les 11 milliards de dollars destinés aux transferts aux provinces au titre des soins de santé?

[Français]

Le sénateur Forest : Je vous remercie de la question, sénateur Woo. Je ne suis pas en faveur de cela, parce qu'il est question d'une entente entre deux ordres de gouvernement qui sont imputables et redevables au public. Quand on parle de la Banque de l'infrastructure, on parle d'une banque qui, à certaines occasions, est recevable au ministre responsable et qui, à d'autres occasions, ne l'est pas.

On parle ici d'une institution qui accordera des prêts à des entreprises privées. Il s'agit là d'un environnement totalement différent de celui d'une entente d'intérêt public conclue entre deux pouvoirs publics redevables.

L'honorable Serge Joyal : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Forest : Avec plaisir, honorable sénateur.

Le sénateur Joyal : Sénateur Forest, je tiens d'abord à vous féliciter pour votre présentation, que j'ai trouvée très claire. Ma question est la suivante : vous avez occupé des fonctions municipales dans la région de Rimouski et vous n'êtes pas sans savoir que, à l'Assemblée nationale, à Québec, il y a une grande préoccupation sur un aspect de la banque en particulier, celui de la juridiction du gouvernement du Québec sur les municipalités et l'importance pour celles-ci d'agir de concert avec le gouvernement avec lequel elles font affaire régulièrement.

Sur la base de votre expérience, êtes-vous en mesure de nous dire ce que devrait être notre approche à l'égard de la position que défend le gouvernement du Québec quant à cette disposition du projet de loi relative à la création de la Banque de l'infrastructure?

Le sénateur Forest : Je vous remercie, sénateur, pour cette question très pertinente. Il y a cette réalité excessivement importante concernant les différentes juridictions. On sait qu'au Québec, les municipalités sont régies par deux lois : le Code municipal du Québec et la Loi sur les cités et villes. Il y a actuellement d'autres mesures législatives, notamment le projet de loi 122, qui reconnaîtra l'autonomie municipale et qui devra définir clairement ces liens. C'est une grande préoccupation, parce qu'actuellement, au Québec, une municipalité ne peut s'adresser directement au gouvernement fédéral. Elle doit absolument soumettre son projet au gouvernement provincial qui, lui, interpellera directement le gouvernement fédéral.

Il s'agit d'un élément important dans toute la problématique de la juridiction, à savoir quel type de projet sera financé par la banque sur les différents territoires. En général, les projets sont menés sur des territoires municipaux dans les provinces ou au sein de territoires globaux. Alors, comment serons-nous en mesure d'harmoniser l'ensemble des lois provinciales et fédérales avec les règlements municipaux?

Ce sont là des pistes de réflexion qui méritent d'être examinées en ce qui concerne le projet de création de la Banque de l'infrastructure.

Le sénateur Joyal : Le comité a-t-il eu suffisamment de temps pour examiner en profondeur cette question du point de vue des juridictions et de l'impact financier, et de ce que représenteraient, en termes de potentiel, les projets d'infrastructure que des municipalités canadiennes pourraient présenter au financement de la banque?

Le sénateur Forest : Je siège au Comité sénatorial permanent des finances nationales, et le comité ne s'est pas penché sur cet enjeu important. Toutefois, je peux citer le témoignage de M. Michael Sabia, de la Caisse de dépôt.

Lorsqu'on parle de la Banque de l'infrastructure, on parle de grands projets d'infrastructure dont le niveau de rentabilité est susceptible d'intéresser les investisseurs privés. Ce sont, dans l'ensemble des projets municipaux. À part les grands centres comme Montréal, M. Sabia disait lui-même qu'il y avait peu d'intérêt, parce qu'il n'y voyait pas un horizon de projets rentables.

À mon humble avis, nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour examiner de plus près la question des législations ni la question de l'impact de la banque sur des projets destinés à l'ensemble des municipalités, qu'elles soient de moyenne ou de petite taille.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Forest, je regrette, mais votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

L'honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-44, le projet de loi d'exécution du budget, qui a été reçu au Sénat plus tôt aujourd'hui.

Le projet de loi C-44 a été envoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le 8 mai aux fins d'une étude préalable. Certaines parties du projet de loi ont été envoyées à d'autres comités sénatoriaux aux fins de l'étude préalable. Tous les comités ont maintenant fait rapport au Sénat.

Honorables sénateurs, selon le budget de 2017, le gouvernement continuera d'enregistrer des déficits pendant les cinq prochaines années : 28 milliards de dollars pour l'exercice en cours, puis 27 milliards, 23 milliards, 21 milliards et 18 milliards de dollars au cours des quatre prochains exercices.

Lors de la campagne électorale de 2015, le gouvernement s'était engagé à enregistrer des déficits modestes pendant trois ans, puis à atteindre l'équilibre budgétaire en 2019. Cet engagement est depuis longtemps oublié. Dans le budget de 2016, le déficit prévu était de 29 milliards de dollars, et le budget de 2017 prévoit un déficit de 28 milliards de dollars.

Le gouvernement s'est de plus engagé, en 2015, à faire en sorte que le Canada conserve une position fiscale viable. À cette fin, il s'est fixé deux cibles; premièrement, faire baisser le ratio de la dette fédérale au PIB à 27 p. 100 en 2019-2020, alors qu'il était de 31 p. 100 en 2015 et, deuxièmement, équilibrer le budget en 2019-2020. Ces deux cibles sont désormais abandonnées.

On prévoit aujourd'hui que le ratio de la dette fédérale au PIB sera de 31,5 p. 100 en 2019-2020, et non pas de 27 p. 100, comme on l'avait promis. En fait, depuis qu'il a été élu, le gouvernement ne s'est jamais engagé à avoir un jour un budget équilibré.

(1820)

En décembre dernier, le gouvernement a publié des renseignements financiers qui prévoient des déficits au moins jusqu'en 2055. Bien que le gouvernement ait promis en 2015 trois ans de déficits modestes, nous savons maintenant que les déficits ne sont pas modestes et qu'ils ne prendront pas fin en 2020. Le Canada continuera d'accuser un déficit pendant au moins 40 ans.

Le budget de 2017 décrit le programme d'emprunt du gouvernement pour l'année. Cette année, le gouvernement prévoit emprunter 286 milliards de dollars, dont 247 milliards de dollars pour refinancer la dette actuelle et 39 milliards de dollars pour financer le déficit et d'autres transactions, comme des prêts et des investissements. Le gouvernement paie des intérêts sur ses emprunts et, depuis plusieurs années, il emprunte des fonds à des taux d'intérêt exceptionnellement faibles.

Cependant, on prévoit très bientôt avoir des taux d'intérêt élevés. Par conséquent, en raison de la hausse des taux d'intérêt et de la dette supplémentaire découlant des déficits, les frais de la dette publique du gouvernement augmenteront.

Les frais de la dette publique devraient passer de 24 milliards de dollars pendant l'exercice en cours à 33 milliards en 2020-2021. Il s'agit d'une hausse de 37 p. 100 sur 3 ans.

S'il est approuvé, le projet de loi C-44 édictera une loi sur le pouvoir d'emprunt. Cette loi accordera au ministre des Finances un pouvoir d'emprunt et fixera un montant d'emprunt maximal. Une limite de la dette publique de 1,168 billion de dollars est prévue dans le projet de loi C-44. Autrement dit, le gouvernement nous informe que, d'ici 2020, la dette dépassera 1 billion de dollars.

Ce montant comprend les emprunts qui ont déjà été contractés par le gouvernement, qui s'élèvent à 691 milliards de dollars; les emprunts qui ont déjà été contractés par les sociétés d'État, qui représentent 276 milliards de dollars; les emprunts prévus du gouvernement sur 3 ans, de l'ordre de 103 milliards de dollars; et les emprunts prévus des sociétés d'État sur 3 ans, de l'ordre de 43 milliards de dollars. Ajoutez à ces sommes un fonds de prévoyance de 5 p. 100, c'est-à-dire de 56 milliards de dollars, et le total s'élève au montant de 1 billion de dollars que je viens de mentionner.

Pour rembourser les déficits du gouvernement libéral, il faudra s'endetter, et cette dette devra être remboursée un jour au moyen de hausses d'impôt. Il faut se rappeler que les déficits d'aujourd'hui sont les impôts et les taxes de demain.

Le sénateur Mockler a déjà parlé de la Loi autorisant certains emprunts, je serai donc brève. Dans leur programme électoral de 2015, les libéraux se sont engagés à former un gouvernement ouvert et transparent. Pourtant, en vertu de la Loi autorisant certains emprunts proposée, le ministre doit déposer un rapport triennal — c'est-à-dire un rapport tous les trois ans — au Sénat et à la Chambre des communes pour divulguer le montant total des emprunts contractés. Étant donné que la norme au sein du gouvernement est une obligation de présenter des rapports annuels, il n'y a aucune raison justifiant que le ministre dépose des rapports triennaux. Le total de la dette publique est une donnée importante, et elle devrait faire l'objet d'un rapport tous les ans.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-44 contient également une partie sur le directeur parlementaire du budget. Je parlerai un peu d'histoire. En 2015, le programme électoral contenait deux mentions du directeur parlementaire du budget. Les libéraux s'engageaient à ce que le directeur parlementaire du budget soit véritablement indépendant du gouvernement, qu'il soit financé convenablement et qu'il relève uniquement — et directement — du Parlement. L'année dernière, l'Énoncé économique de l'automne 2016 promettait également de faire du directeur parlementaire du budget un agent indépendant du Parlement, qui rendrait des comptes au Parlement et aux parlementaires. Le gouvernement s'engageait également à accorder au directeur parlementaire un plus grand accès aux renseignements.

Au départ, le projet de loi C-44 ne respectait pas ces engagements. Selon la version initiale, le directeur parlementaire du budget et son bureau étaient placés sous l'autorité des Présidents du Sénat et de la Chambre des communes. Son plan de travail était assujetti à l'approbation des deux Présidents, et son mandat se limitait à se concentrer sur les rapports du gouvernement et les demandes des comités parlementaires. Le projet de loi C-44 initial n'incluait pas, dans le mandat, les travaux du directeur parlementaire du budget entrepris de sa propre initiative ou à la demande de parlementaires.

Toutes ces restrictions portaient atteinte à l'indépendance du directeur parlementaire du budget.

Le gouvernement s'était également engagé à assurer au directeur parlementaire du budget un meilleur accès à l'information.

Toutefois, l'article 159 de la version initiale du projet de loi C-44 modifiait la Loi sur les Cours fédérales pour faire en sorte que le directeur parlementaire du budget ne puisse plus déférer des questions de droit ou de compétence à la Cour fédérale. Comme les sénateurs s'en souviennent peut-être, le directeur parlementaire du budget avait saisi la Cour fédérale de ce genre de questions en 2013, afin de tenter de clarifier l'étendue de son accès à l'information et son mandat.

Si le projet de loi C-44 avait été adopté dans sa version initiale, ce recours ne serait plus disponible.

Après bien des critiques des modifications proposées relativement au poste de directeur parlementaire du budget, le gouvernement a amendé le projet de loi C-44 à la Chambre des communes.

Bien que les amendements au projet de loi C-44 aient répondu à la plupart des inquiétudes au sujet du directeur parlementaire du budget, deux éléments me préoccupent toujours.

Tout d'abord, le projet de loi amendé exige encore que le directeur parlementaire du budget consulte les Présidents des deux Chambres dans la préparation de son plan de travail et avant de décider des questions importantes qui doivent être portées à l'attention du Sénat ou de la Chambre des communes. Si le directeur parlementaire du budget détermine qu'une question est importante et devrait être portée à l'attention du Parlement, mais que le Président d'une Chambre ou l'autre n'est pas du même avis, qui tranchera? À mon avis, les Présidents ne devraient pas être impliqués dans ce processus.

Mon deuxième point a trait au recours dont dispose le directeur parlementaire du budget.

Par exemple, si le directeur parlementaire du budget entame un recours en vertu de l'article 18.3 de la Loi sur les Cours fédérales parce qu'un ministère refuse de lui donner accès à de l'information, les amendements ne précisent pas si les Présidents devraient être consultés ou être avisés de cela. Durant la dernière séance d'information avec le sénateur Woo, des représentants du gouvernement ont assuré que, en vertu du projet de loi modifié, il n'a pas à le faire, mais, comme je l'ai mentionné, le projet de loi dans sa forme actuelle manque de clarté à ce sujet.

Je tiens aussi à parler des mesures fiscales proposées dans le projet de loi C-44. Le budget de 2017 propose plusieurs mesures fiscales qui sont décrites en détail dans les documents budgétaires.

Même si le sommaire fourni par le gouvernement s'intitule « Coût des mesures fiscales proposées », les détails montrent clairement que les mesures fiscales ne coûteront rien au gouvernement.

Au contraire, elles vont générer des recettes fiscales supplémentaires de 2,5 milliards de dollars pour le gouvernement sur les cinq prochaines années.

Je vais résumer certaines de ces modifications fiscales, et je vais commencer par l'abolition du crédit d'impôt pour le transport en commun.

Au moyen du projet de loi C-44, le gouvernement libéral augmentera l'impôt sur le revenu des particuliers en abolissant le crédit d'impôt pour le transport en commun. Cette mesure ajoutera 200 millions de dollars annuellement dans les coffres du gouvernement, ou 1 milliard de dollars sur les cinq prochaines années.

Dans son rapport, le directeur parlementaire du budget estime qu'environ 1,2 million de Canadiens paieront, en moyenne, 137 $ de plus en impôt fédéral parce que le gouvernement libéral a aboli le crédit d'impôt pour le transport en commun.

Le directeur parlementaire du budget a identifié 4 200 personnes qui ont réclamé le crédit d'impôt fédéral pour personnes handicapées, mais qui vont le perdre aux termes du projet de loi C-44.

De plus, le directeur parlementaire du budget a estimé qu'il y a approximativement 185 000 personnes, dont le revenu annuel après impôt est inférieur à 22 600 $, qui auraient bénéficié de ce crédit d'impôt.

Honorables sénateurs, le budget de l'année dernière a réduit l'impôt sur le revenu des contribuables qui gagnent plus de 45 000 $. Par contre, les personnes dont le revenu est inférieur à 45 000 $ n'ont bénéficié d'aucune réduction d'impôt.

L'année dernière, le sénateur Smith a proposé un amendement au budget de 2016 qui aurait réduit l'impôt sur le revenu des personnes qui gagnent moins de 45 000 $. Malheureusement, cet amendement n'a pas été adopté.

Non seulement le gouvernement n'a pas réduit l'impôt des Canadiens à faible revenu en 2016, mais il augmente l'impôt de ce groupe vulnérable en 2017 en abolissant le crédit d'impôt pour le transport en commun.

Dans son projet de loi C-44, le gouvernement libéral augmente également l'impôt sur le revenu des sociétés, surtout au moyen de différentes mesures qui généreront près d'un milliard de dollars en recettes supplémentaires pour le gouvernement au cours des cinq prochaines années.

Toujours au moyen du projet de loi C-44, le gouvernement augmente les taxes de vente et la taxe d'accise, principalement des façons suivantes : augmentation des taxes sur le tabac, qui générera des recettes de 225 millions de dollars supplémentaires au cours des 5 prochaines années; augmentation des taxes sur l'alcool, qui générera des recettes de 470 millions de dollars supplémentaires au cours des 5 prochaines années. Ce que je veux dire, c'est que les mesures fiscales qui se trouvent dans le projet de loi C-44 offriront peu d'allégement fiscal, mais imposeront des hausses fiscales considérables.

(1830)

Au total, les mesures fiscales contenues dans le projet de loi permettront au gouvernement de tirer des recettes fiscales accrues, soit près de trois milliards de dollars pendant les cinq prochaines années. Malgré tout, le gouvernement n'offrira que 350 millions de dollars en allégements fiscaux.

J'aimerais maintenant formuler des commentaires sur la banque de l'infrastructure, dont plusieurs de mes collègues ont déjà parlé.

Dans leur plateforme électorale de 2015, les libéraux se sont engagés à établir la Banque de l'infrastructure du Canada; à définir les grandes lignes du mandat de la banque; et, enfin, à fournir des garanties d'emprunt et de petits apports en capital aux provinces et aux municipalités.

L'automne dernier, l'énoncé économique de 2016 a fourni des renseignements supplémentaires au sujet de la Banque de l'infrastructure.

La population a beaucoup parlé du mandat de la Banque de l'infrastructure, de sa structure de gouvernance, du rôle du secteur privé, des types de projets d'infrastructure qui seront approuvés, ainsi que des risques financiers pour le gouvernement et, ultimement, pour les contribuables canadiens.

La section du projet de loi C-44 portant sur la Banque de l'infrastructure a été envoyée au Comité des banques pour que les membres l'examinent en détail.

Le Comité des banques a tenu plusieurs réunions sur la Banque de l'infrastructure. Le ministre des Finances, des représentants du gouvernement, de groupes de réflexion et de régimes de pension, ainsi que des personnes du secteur du développement économique, du milieu des affaires, du milieu universitaire et du secteur des services financiers ont témoigné.

Les témoins ont exprimé des points de vue divergents concernant le mandat de la banque. Alors qu'Infrastructure Canada a expliqué que la plupart des projets seraient présentés par d'autres ordres de gouvernement, d'autres témoins appuyaient des projets qui, autrement, ne seraient pas entrepris par les gouvernements. Des témoins ont posé des questions sur la nécessité de la banque, étant donné qu'il n'était pas clair si elle était en mesure d'obtenir des résultats ne pouvant pas être obtenus par un partenariat public- privé. D'autres ont dit être inquiets de la privatisation de services publics.

Les témoins n'étaient pas tous d'accord non plus sur la question de la structure de gouvernance. Certains estimaient que le gouvernement devait absolument exercer une surveillance adéquate, alors que d'autres jugeaient que la banque devait pouvoir prendre ses décisions à l'abri de toute influence politique.

Aux termes du projet de loi C-44, le gouverneur en conseil nommera le président et les administrateurs de la banque. Il aura également le pouvoir de mettre fin aux fonctions de tout administrateur, de le révoquer ou de le suspendre. Le Comité des banques a examiné cet article à fond et un certain nombre de témoins ont soulevé diverses préoccupations relativement à la structure de gouvernance. Le conseil peut aussi mettre fin aux fonctions de tout administrateur, le révoquer ou le suspendre, mais seulement avec l'approbation du gouverneur en conseil. De plus, l'approbation du gouverneur en conseil est nécessaire pour nommer le premier dirigeant, mettre fin à ses fonctions, le révoquer ou le suspendre.

En ce qui concerne le financement, le gouvernement s'est engagé à accorder à la Banque de l'infrastructure 35 milliards de dollars, selon la comptabilité de caisse. Le budget de 2017 prévoit que, sur ces 35 milliards, 15 milliards de dollars seront versés sur les 11 années qui viennent, 5 milliards devant être affectés à chacun des 3 domaines suivants : le transport en commun, l'infrastructure verte et les transports pour soutenir le commerce.

Je tiens à souligner que les fonds ne seront pas versés d'un seul coup. Ils seront répartis sur 11 ans. Les détails de la ventilation annuelle dans ces trois domaines figurent dans les documents budgétaires.

Je vais devoir vérifier dans la transcription, mais j'ai eu l'impression, d'après ce que disait le sénateur Woo, que les 15 milliards de dollars étaient peut-être réservés aux pertes, ce qui n'est pas ce que j'avais compris.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette, mais votre temps est écoulé.

La sénatrice Marshall : Puis-je avoir plus de temps?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Marshall : Si je comprends bien, ces 15 milliards de dollars seront accordés sous forme d'argent comptant, de subventions ou d'une quelconque aide financière.

Cependant, les 20 milliards de dollars qui resteront des 35 milliards de dollars seront versés sous forme de prêts ou de placements en actions. Aucune information n'a encore été divulguée quant au moment où ces 20 milliards de dollars seront déboursés, et aucune discussion n'a été tenue au sujet des conditions rattachées à ces paiements.

Selon ce que les gens disent, ces 20 milliards de dollars n'auront pas de répercussions sur les résultats du gouvernement, mais cela n'est vrai qu'en partie. Ce montant ne nuira pas aux résultats du gouvernement tout de suite, mais il leur nuira s'il est radié ou dévalué.

De plus, le projet de loi C-44 accorde au ministre des Finances le droit de consentir des prêts ou de fournir des garanties de prêt. Encore une fois, les prêts n'auront aucune incidence sur les résultats du gouvernement au départ, mais ils auront une incidence sur ces résultats s'ils sont radiés ou réduits. Ces chiffres, si les prêts sont radiés ou réduits, se répercuteront directement sur le résultat net du gouvernement et feront augmenter son déficit.

D'ailleurs, le projet de loi prévoit également les garanties de prêt : elles ne nuiront pas aux résultats du gouvernement, mais, encore une fois, si le gouvernement est appelé à honorer son engagement, cela nuira aux résultats et s'ajoutera au déficit.

Il est donc important de noter que les prêts, les placements en actions et les garanties de prêt présentent un risque.

La mesure législative proposée stipule que de l'infrastructure est « non-mandataire de Sa Majesté », et c'est un titre dans le projet de loi, même si les notes d'information que nous avons reçues affirmaient le contraire. Le projet de loi renferme quatre exceptions à cet égard. Je n'en parlerai pas ici, mais je ne peux que conclure que la Banque de l'infrastructure est un mandataire partiel de Sa Majesté. Je n'ai pas l'impression qu'elle sera complètement mandataire.

De plus, la banque est tenue de fournir un rapport annuel au ministre et au Parlement. Même si la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit que les sociétés d'État et, donc, la Banque de l'infrastructure, en raison de sa nature, sans doute, doivent présenter des rapports annuels. J'estime que la loi aurait pu être renforcée en fournissant des directives plus détaillées sur le contenu du rapport.

Honorables sénateurs, cela termine mes observations au sujet du projet de loi C-44, le projet de loi d'exécution du budget. Pour conclure, je tiens à souligner la contribution de mes collègues du Comité des finances nationales, dont plusieurs participent au débat de ce soir. Je vous remercie.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Woo de son discours. C'est assurément une perception très optimiste du budget.

Tout d'abord, le Comité des banques a présenté un rapport. J'allais en parler jeudi dernier, mais, à cause du cafouillage, du temps et tout cela, je n'ai jamais eu l'occasion de le faire.

Normalement, j'en parlerais avant de parler du projet de loi budgétaire, et avant mon discours sur le budget. Au lieu, je vais parler du rapport pendant quelques minutes seulement. Par la suite, je poursuivrai avec mon discours sur le budget, le projet de loi C-44.

Tout d'abord, j'aimerais remercier tous les membres du Comité des banques de leur participation. Nous avons augmenté le nombre de nos réunions, et nous sommes convaincus que même avec le délai court dont nous disposions, nous avons réussi à faire une étude approfondie des différentes sections du projet de loi.

Le comité s'est réuni 6 fois, pour un total de 10 heures et 21 minutes de séance. Il a entendu 29 témoins, y compris le ministre des Finances, M. Morneau, et divers spécialistes de l'externe, dont Jack Mintz.

D'autres sénateurs faisant partie du comité parleront eux aussi du rapport. Je sais qu'étant donné l'endroit où il figure au Feuilleton, cet article sera mis à l'étude après les discours à l'étape de la deuxième lecture, alors je vais m'arrêter ici et passer au projet de loi C-44.

J'aimerais parler plus particulièrement de deux ou trois choses, dont la Banque de l'infrastructure et la nouvelle société d'État destinée à attirer les investissements étrangers au Canada.

Les intentions — parfois douteuses — du gouvernement concernant la Banque de l'infrastructure ne pourraient pas être plus claires.

Je m'étonne toujours de voir que les témoins ont tendance à favoriser les projets qui servent leurs intérêts, alors que ceux qui en sont complètement détachés se montrent beaucoup plus critiques. Je crois que nous avons tout avantage, pour notre bien et celui des Canadiens, d'écouter surtout les témoins désintéressés.

Je pense notamment à Jack Mintz, de l'Université de Calgary. Il a déclaré sans ambages avoir d'énormes réserves au sujet de la Banque de l'infrastructure, tout comme l'ancien directeur parlementaire du budget. M. Mintz en avait surtout contre la structure de gouvernance de la future banque, un commentaire auquel le rapport du comité fait d'ailleurs écho.

Il craint notamment que les intérêts du gouvernement concernant un projet donné ne soient pas les mêmes que ceux de ses partenaires privés, ces derniers cherchant le profit d'abord et avant tout, ce qui est tout à fait naturel. Il a peur que le gouvernement ne s'immisce trop dans les projets eux-mêmes.

Il n'est pas le seul de cet avis. L'institut C.D. Howe trouve aussi que les dispositions sur le cadre de gouvernance de la banque manquent cruellement de détails.

Ce ne sont pas les critiques qui manquent, mais c'est encore Barrie McKenna qui les résume le mieux dans un article paru récemment dans la section « Report on Business » du Globe and Mail :

[...] il s'agit d'un modèle complexe qui requiert la mise en place de nombreux éléments — argent, expertise, projets valables et indépendance face à toute ingérence politique.

Il poursuit ainsi :

Il n'est pas du tout certain que M. Morneau ait bien réfléchi aux détails de son projet, pourtant il se dépêche d'établir la banque pour qu'elle puisse commencer à fonctionner d'ici la fin de l'année.

(1840)

Ah, les détails. Le diable est toujours dans les détails, chers collègues, comme nous le savons tous. Les assurances données par le ministre, qui a eu la gentillesse de bien vouloir comparaître devant le Comité des banques, n'ont rien fait pour atténuer les objections des gens qui s'opposent à l'idée, et dont je fais partie.

Beaucoup de questions subsistent au-delà des questions de gouvernance, de nomination des membres du conseil d'administration et de vulnérabilité de ces membres à l'ingérence gouvernementale. Les témoignages de la partie gouvernementale nous ont indiqué clairement que la banque aurait notamment la responsabilité de stimuler les investissements par des subventions et des garanties de prêt. Je me demande donc de quel genre de banque il s'agit, au juste. Quel genre d'organisation est-ce que ce sera? On peut facilement présumer qu'elle aura comme fonction de conclure des ententes qui aideront les gens d'affaires liés au Parti libéral. Si elle ne s'acquitte pas de cette fonction, un ministre ou même le premier ministre fera un appel téléphonique. C'est déjà arrivé par le passé. La Société d'aide aux entreprises a déjà reçu un appel d'un certain premier ministre qui voulait s'assurer qu'un ami obtiendrait un prêt pour agrandir un hôtel à Shawinigan.

Sinon, la banque fera-t-elle des investissements dans des infrastructures qui ne devraient jamais être financées avec des investissements privés? Quand on y songe, à part la route Transcanadienne, l'achat d'aéroports, la privatisation des bureaux de poste et l'achat d'installations portuaires, le nombre d'investissements possibles est assez limité, sauf si la banque fait une incursion en territoire provincial et municipal. C'est justement ce qui est prévu. La province ou la municipalité seraient alors obligées d'accepter, et les investisseurs devraient y trouver leur compte avant d'accepter. Ce pourrait être, par exemple, la propriété d'une usine de traitement de l'eau qui donnerait aux investisseurs le monopole de l'approvisionnement en eau potable d'une ville. Ce genre de politiques est-il souhaitable? Je pense que non.

Nous avons été heureux d'accueillir le ministre des Finances. Lors de sa comparution, il nous a assuré qu'il n'y a pas de problème avec la Banque de l'infrastructure et que tout va parfaitement bien. Tout va pour le mieux. En parlant de la banque, il a affirmé ce qui suit :

Ce que nous tentons de faire, c'est de combler l'écart en infrastructure au pays tout en transférant à des investisseurs externes le risque et la responsabilité relative au financement.

Rien n'est plus loin de la vérité.

Si c'est vraiment ce que le gouvernement tente de faire, pourquoi le ministre des Finances a-t-il refusé de répondre à mon collègue, Pierre Poilievre, à l'autre endroit quand ce dernier lui a demandé qui protégera les contribuables lorsqu'un projet de la Banque de l'infrastructure échouera. Le ministre a refusé de répondre à cette question.

M. Poilievre n'est pas le seul qui s'inquiète à ce sujet. Durant son témoignage, Jack Mintz a dit que même si les contribuables partageaient les avantages découlant de la réalisation d'un projet d'infrastructure, ils seraient les seuls à en subir les inconvénients.

J'ai parlé avec Finn Poschmann, qui n'a pas eu la chance de comparaître devant le comité. Il travaillait pour l'Institut C.D. Howe et est maintenant président et directeur général du Conseil économique des provinces de l'Atlantique. Cependant, il m'a dit qu'il recommandait respectueusement, mais vivement au Comité des banques d'amender le projet de loi C44. Malheureusement, il ne m'a fait part de son point de vue qu'une fois terminées toutes nos réunions. M. Poschmann est d'avis que les dispositions portant sur la Banque de l'infrastructure confèrent au Cabinet des pouvoirs inappropriés sur les activités quotidiennes de ce qui devrait être un organisme spécialisé, indépendant et ne relevant pas de la Couronne. D'après lui, cela a été fait uniquement pour permettre au gouverneur en conseil d'imposer des décisions financières qu'un organisme indépendant d'experts n'aurait pas prises.

Il ne suffit pas que le gouvernement nous assure que ce n'est pas son intention parce que les gouvernements ont tendance à s'ingérer quand leurs intérêts sont en jeu.

J'ai aussi des préoccupations à l'égard de la proposition de créer la Loi sur Investir au Canada. Cela me semble une façon de contourner la loi fédérale afin de pouvoir verser de généreux salaires à des gens du secteur privé qui feront le même travail que celui pour lequel nous payons nos délégués commerciaux et nos ambassades. Je n'ai rien vu dans ce projet de loi pour me convaincre que l'organisme appelé Investir au Canada attirerait suffisamment d'investissements au Canada pour couvrir l'énorme budget de fonctionnement de l'organisme, qui augmentera sans doute au fil du temps. C'est du moins une demande à laquelle on peut s'attendre de la part de l'organisme. Autrement dit, dès qu'il aura obtenu son premier budget, l'organisme demandera plus d'argent en faisant valoir qu'il aura besoin de ressources supplémentaires pour attirer plus d'investissements au Canada.

Je ne suis pas le seul à le dire, honorables sénateurs. Bien des membres du Comité des banques n'étaient toujours pas convaincus de la nécessité de créer ce nouvel organisme. N'oublions pas que cet organisme pourrait accorder des contrats de publicité et de promotion, embaucher des gens sans se soumettre aux exigences de la Commission de la fonction publique et déterminer lui-même les salaires de ses membres sans se soumettre à un contrôle gouvernemental. On l'a admis en toute franchise au comité.

Il y a un autre aspect qui me dérange, ainsi que certains de mes collègues. Je parle du RPC. Les sénateurs se souviendront que, il y a quelques années, l'administration du RPC n'était pas prête à investir dans les infrastructures canadiennes en partenariat avec le gouvernement. Or, depuis que les hausses budgétaires prévues dans le dernier budget ont été adoptées par voie législative pendant la session en cours, offrant ainsi au RPC de nouvelles liquidités dont aucune personne de plus de 17 ans ne profitera vraiment, l'administration du RPC se montre soudainement impatiente de conclure un partenariat avec le gouvernement.

Dans des circonstances normales, qui voudrait se lancer en affaires avec le gouvernement? Je vous le donne en mille : ceux qui obtiendront une garantie de prêt ou une subvention du gouvernement. Si vous réussissez à obtenir cela, vous n'êtes pas obligé d'avoir du succès en affaires. Vous n'avez qu'à être vivant et, de préférence, membre du Parti libéral du Canada.

Je crois que c'est tout ce que vous devez savoir.

Honorables sénateurs, je me réjouis à l'idée de poursuivre le débat sur cette question.

Le sénateur Woo : Sénateur Tkachuk, acceptez-vous de répondre à une question? Je crois que je dois vous rendre la politesse.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Woo : Je vous remercie d'avoir précisé que le Comité des banques a effectué une étude approfondie des aspects pertinents du projet de loi C-44. Toutefois, il reste une question à laquelle seulement vous et les autres membres du comité pouvez répondre. Dans son discours, le sénateur Mockler a fait remarquer que, dans son rapport, le Comité des banques a indiqué qu'il était nécessaire de scinder le projet de loi C-44 parce qu'il s'agit d'une mesure législative omnibus, ce qui pose problème, en particulier pour ce qui est de la Banque de l'infrastructure du Canada.

Or, il ne semblait pas en être question dans l'étude préalable. Pourriez-vous le confirmer?

Le sénateur Tkachuk : En effet, dans l'étude préalable, nous n'avons pas du tout parlé de l'idée de scinder le projet de loi.

Le sénateur Woo : Merci beaucoup.

Vous avez fait allusion à l'organisme Investir au Canada et, je crois, vous nous avez fait part de l'opinion de certains sénateurs, qui estiment que cette entité n'est peut-être pas nécessaire.

Pourriez-vous nous dire si des témoins ont parlé contre l'organisme Investir au Canada? Dans les comptes rendus, je n'ai lu aucun témoignage contre la création de cet organisme. Au contraire, il me semble que tous les témoins y étaient favorables.

Le sénateur Tkachuk : En effet, toutes les personnes qui ont témoigné devant le comité ont dit appuyer la création de la nouvelle société de commerce et d'investissement.

Le sénateur Woo : Merci beaucoup.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

(1850)

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Amendements et rejet d'un amendement du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'annoncer que j'ai reçu de la Chambre des communes le message suivant :

Le mardi 13 juin 2017

Il est ordonné,—Qu'un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence, la Chambre :

accepte les amendements 1a), 1c), 4 et 5 apportés par le Sénat;

propose que les amendements 1b)(i) et (ii) soient modifiés par remplacement du nombre « 60 » par le nombre « 55 »;

propose que l'amendement 1b)(iii) soit modifié par remplacement du texte de l'alinéa 5(1.04)a) par le texte suivant « faite par une personne qui a la garde du mineur ou qui est habilitée à agir en son nom en vertu d'une ordonnance judiciaire ou d'un accord écrit ou par l'effet de la loi, à moins qu'il en soit ordonné autrement par un tribunal; »;

propose que, à l'amendement 2 :

le passage du paragraphe 10(3) précédant l'alinéa a) soit modifié par remplacement des mots « de révoquer » par le mot « que » et par adjonction, après les mots « sa répudiation », des mots « ne puisse être révoquée »;

l'alinéa 10(3)d) soit modifié par remplacement des mots « qu'elle peut demander que l'affaire soit » par les mots « que, sauf si elle lui demande de trancher l'affaire, celle-ci sera »;

le passage du paragraphe 10(3.1) précédant l'alinéa a) soit modifié par remplacement des mots « réception de l'avis » par les mots « date d'envoi de l'avis, ce délai pouvant toutefois être prorogé par le ministre pour motifs valables »;

l'alinéa 10(3.1)a) soit modifié par remplacement des mots « d'ordre humanitaire » par les mots « liée à sa situation personnelle »;

l'alinéa 10(3.1)b) soit modifié par remplacement des mots « renvoyée à la Cour » par les mots « tranchée par le ministre »;

le paragraphe 10(4.1) soit modifié par remplacement du texte de ce paragraphe par le texte suivant « (4.1) Le ministre renvoie l'affaire à la Cour au titre du paragraphe 10.1(1) sauf si, selon le cas : a) la personne a présenté des observations écrites en vertu de l'alinéa (3.1)a) et le ministre est convaincu que : (i) soit, selon la prépondérance des probabilités, l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci n'est pas intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, (ii) soit des considérations liées à sa situation personnelle justifient, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales; b) la personne a fait une demande en vertu de l'alinéa (3.1)b). »;

le paragraphe 3(4) soit modifié par suppression du passage qui commence avec les mots « (4) La même loi est modifiée par adjonction » et se termine avec les mots « sous le régime de la présente loi ou la Loi sur les Cours fédérales. »;

propose que l'amendement 3a) au paragraphe 10.1(1) soit modifié par remplacement des mots « Lorsqu'une personne présente » par les mots « Sauf si une personne fait »;

propose que, à l'amendement 3b) :

le paragraphe 10.1(4) soit modifié par remplacement du texte de ce paragraphe par le texte suivant « (4) Pour l'application du paragraphe (1), il suffit au ministre — qui demande à la Cour de déclarer que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté d'une personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue

par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels concernant des faits visés à l'un des articles 34, 35 et 37 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés — de prouver que celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. »;

le paragraphe 10.1(5) soit supprimé;

propose que l'amendement 6a) soit modifié par remplacement du texte de l'article 19.1 par le texte suivant « 19.1 (1) Toute décision rendue au titre du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à la date d'entrée en vigueur du paragraphe 3(2), mise de côté par la Cour fédérale et renvoyée à cette date ou par la suite pour un nouvel examen, est jugée en conformité avec la Loi sur la citoyenneté, dans sa version à cette date. (2) Les instances en cours, à la date d'entrée en vigueur du paragraphe 3(2), devant la Cour fédérale à la suite d'une action intentée au titre du paragraphe 10.1(1) de la Loi sur la citoyenneté sont continuées sous le régime de cette loi, dans sa version antérieure à cette date. »;

propose que l'amendement 6b) soit modifié par remplacement du texte de l'article 20.1 par le texte suivant « 20.1 Si, avant la date d'entrée en vigueur du paragraphe 3(2), un avis a été donné à une personne en application du paragraphe 10(3) de la Loi sur la citoyenneté sans que l'affaire ait été tranchée par le ministre avant cette date, la personne peut, dans les trente jours suivant cette date, demander que l'affaire se poursuive comme si l'avis avait été donné en application du paragraphe 10(3) de cette loi, dans sa version à cette date. »;

rejette respectueusement l'amendement 7 parce que celui-ci accorderait le statut de résident permanent aux personnes qui ont acquis ce statut de manière frauduleuse;

propose que l'amendement 8 soit modifié par remplacement des mots qui suivent les mots « Les paragraphes 3(2) » par les mots « et (3) et 4(1) et (3) et l'article 5.1 entrent en vigueur à la date fixée par décret. ».

ATTESTÉ

Le Greffier par intérim de la Chambre des communes
COLETTE LABREQUE-RIEL pour MARC BOSC

Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce message?

(Sur la motion du sénateur Harder, l'étude du message est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2017

Quatorzième rapport du Comité des banques et du commerce sur la teneur du projet de loi—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce (Teneur du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures), présenté au Sénat le 7 juin 2017.

L'honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, je vais formuler quelques commentaires sur certaines sections du rapport du Comité des banques portant sur le projet de loi C-44. Je parlerai particulièrement de la Banque de l'infrastructure fédérale dont nous avons déjà longuement parlé; je souhaite ajouter mes commentaires.

J'aimerais commencer en offrant mon appui à la création de la Banque de l'infrastructure du Canada. J'applaudis les efforts du gouvernement d'attirer des investissements du secteur privé et des investissements institutionnels en vue de projets d'infrastructure d'intérêt public qui sont grandement nécessaires.

[Français]

Cela ne m'empêchera pas de vous faire part aussi de quelques réserves à l'égard du projet de loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada. Ces réserves concernent le cadre de gouvernance de la banque, tel qu'il est présenté dans la législation proposée et tel qu'il a été décrit au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce par le ministre des Finances et ses fonctionnaires.

[Traduction]

L'objectif principal de cette banque de l'infrastructure est de mieux répondre au besoin du Canada de nouvelles infrastructures stratégiques. Juste pour vous donner une idée, on estime qu'actuellement, le déficit en matière d'infrastructures se situe entre 150 milliards et 1 billion de dollars.

Par l'intermédiaire de la banque de l'infrastructure, 35 milliards de dollars en fonds publics seront utilisés afin d'attirer des milliards de plus en investissements du secteur privé pour de grands projets, tels que des routes, des ponts et des réseaux de transport en commun.

Ultimement, la Banque de l'infrastructure constitue aussi un outil clé de la croissance économique. Investir dans les infrastructures est un des moyens les plus efficaces de stimuler l'économie. Pour 1 milliard de dollars investis, 18 000 emplois sont créés la première année et le PIB connaît une croissance d'environ 1,5 milliard de dollars.

(1900)

Les investissements dans les infrastructures stratégiques vont également renforcer notre capacité économique. Les dépenses dans les infrastructures qui favorisent la productivité et le commerce vont soutenir la compétitivité à long terme du Canada.

[Français]

Cela aura pour effet une croissance semi-permanente de notre productivité, de notre PIB et de notre niveau de vie. Cela n'est pas sans importance, alors que la situation démographique du Canada tire la croissance économique vers le bas et alourdit nos dépenses en matière de soins de santé.

[Traduction]

Ainsi, il est assez facile de convenir que les dépenses dans les infrastructures stratégiques représentent un investissement judicieux. La question de savoir quelle est la meilleure façon de procéder, elle, est beaucoup moins simple.

Commençons par reconnaître que le secteur privé et les gouvernements municipaux et provinciaux sont les plus importants investisseurs dans les infrastructures au Canada. Ils investissent directement dans les pipelines, les routes et les réseaux d'aqueduc, et ce, en grande partie sans le soutien financier du gouvernement fédéral. Il importe de souligner que ce dernier ne s'attend pas à ce que les investissements directs de ces parties dans les infrastructures diminuent. Il reste toutefois que cela ne suffira pas à combler l'important manque d'investissements dans les infrastructures stratégiques au pays.

Par conséquent, comme certains le pensent, pourquoi le gouvernement fédéral ne finance-t-il pas lui-même ces besoins? Après tout, le gouvernement peut emprunter pour aussi peu que 2,2 p. 100. C'est beaucoup moins que les 6 ou 7 p. 100 auxquels s'attendent les investisseurs extérieurs. Pourquoi faire appel à ces investisseurs quand la différence de coût de financement est si importante?

À mon avis, malgré cette différence, les économies qui devraient découler du fait que des professionnels et des investisseurs indépendants vont planifier le projet et assumer la majeure partie des risques liés à la construction des nouvelles infrastructures vont rester plus importantes. Qui plus est, comme le secteur privé assurera la gestion des infrastructures construites, il devrait y avoir d'autres économies et avantages importants. L'expérience confirme cette affirmation, sans compter que le gouvernement a lui aussi des limites quant à la dette qu'il peut raisonnablement assumer.

Le ministre des Finances a confirmé que les investisseurs de l'extérieur n'injecteraient des fonds que dans des projets qui génèrent des recettes selon la formule de l'utilisateur-payeur afin que le rendement de leur investissement soit raisonnable. Les économistes ont montré que le modèle de financement fondé sur l'utilisateur-payeur assure une affectation des capitaux plus efficace dans les projets qui ont le plus de valeur pour les utilisateurs.

Je n'ai aucun doute que les investisseurs privés seront prêts à financer entièrement certains des projets sans aucune aide gouvernementale. Par contre, les expériences passées ont souvent montré que les recettes générées par les projets d'infrastructure d'intérêt public qui utilisent le modèle de l'utilisateur-payeur ne sont pas suffisantes pour attirer les investissements et pour financer entièrement les projets. Pourtant, les avantages qui découlent de certains projets ciblés pour la société et l'économie pourraient très bien justifier une certaine aide gouvernementale en vue d'inciter suffisamment d'investissements privés de l'extérieur. Lorsque c'est le cas, le gouvernement a confirmé que le principal objectif de la Banque de l'infrastructure sera de prendre en charge le financement des projets choisis en offrant le minimum de soutien financier public.

Certains détracteurs se demandent aussi pourquoi on a besoin d'une Banque de l'infrastructure. Pourquoi ne continuerait-on pas à assurer le financement public et privé, un projet à la fois, comme le gouvernement fédéral et la plupart des provinces en ont l'habitude?

Le gouvernement fédéral soutient qu'un organisme distinct comme la Banque de l'infrastructure sera mieux adapté pour attirer l'expertise nécessaire, pour augmenter le nombre de transactions, pour accéder à plus de capitaux de l'extérieur et pour mieux optimiser ses propres contributions. Selon le gouvernement, il s'agit d'une façon honnête et intelligente d'en avoir plus pour son argent.

Je reconnais que tout cela est fort possible, mais que cette initiative fonctionnera seulement si la gouvernance de la Banque de l'infrastructure est structurée de façon à attirer l'expertise nécessaire et les capitaux de l'extérieur.

C'est le Conseil consultatif en matière de croissance économique du gouvernement, présidé par M. Barton, qui est aussi directeur général mondial chez McKinsey & Co., qui a recommandé la création de la Banque de l'infrastructure. Par contre, le comité consultatif a souligné que « la banque devra posséder une structure de gouvernance indépendante » et qu'elle « devrait inclure la nomination d'un conseil d'administration et d'un chef de la direction hautement indépendants et comptant sur une expérience de calibre mondial ».

Des spécialistes externes en matière de financement des infrastructures ont aussi confirmé que, pour attirer des capitaux, il faut s'assurer que les projets sont choisis en fonction du mérite. Nous avons vu récemment trop d'exemples de projets qui se sont avérés décevants parce qu'ils avaient été choisis en fonction de considérations électoralistes à court terme. Les investisseurs sont toujours préoccupés par l'impulsivité qui caractérise les gouvernements et leurs motivations.

C'est pour cette raison que j'ai de profondes réserves quant à la structure de gouvernance que propose le projet de loi à l'égard de la Banque de l'infrastructure. Les déclarations récentes du ministre des Finances au Comité sénatorial des finances ne font qu'ajouter à mes inquiétudes.

[Français]

En effet, dans le projet de loi, le gouvernement se donne le droit de nommer chaque membre du conseil d'administration, le président du conseil ainsi que le président-directeur général, et ce dernier conjointement avec le conseil d'administration. Le gouvernement se réserve aussi le droit de congédier le président-directeur général selon son bon vouloir, même sans cause.

D'autre part, le ministre des Finances a confirmé que chaque investissement devra faire l'objet d'une approbation de la part du gouvernement.

Comme certains des témoins entendus par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, je crains que ce cadre de gouvernance ne permette pas à la Banque de l'infrastructure d'atteindre le niveau d'indépendance dont elle a besoin. Je reconnais que la banque doit être responsable dans la mesure où elle utilisera de l'argent public, mais comment attirer un président- directeur général chevronné et les investissements nécessaires avec une telle structure de gouvernance, qui laisse autant de place à l'influence électorale?

Il ne faudrait pas répéter l'expérience de la Northern Australia Infrastructure Facility, dont le cadre de gouvernance initial ressemblait dangereusement à celui qui nous est proposé ici. Il est bon de savoir que le gouvernement australien a dû la réviser en 2016, car elle n'a pas permis d'attirer les investisseurs attendus.

Le cœur du problème est donc le suivant : quel est l'équilibre qui permettra à la fois de répondre aux exigences de transparence et de responsabilité qui sont dues aux contribuables et d'atteindre les objectifs de cette banque de l'infrastructure?

Lors de son témoignage, le ministre Bill Morneau a affirmé qu'il est très sensible à cet enjeu et à l'importance d'assurer la crédibilité de la banque auprès des investisseurs étrangers.

Je demande donc au gouvernement d'adopter et de formaliser immédiatement des pratiques et des mesures de gouvernance allant dans ce sens. Il en va du succès de cette banque.

Vous remarquerez que je ne souhaite pas compliquer les choses en amendant le projet de loi à cette étape-ci, mais je me permets tout de même les suggestions suivantes, qui contribueront à remédier aux lacunes du cadre de gouvernance proposé dans le projet de loi.

Premièrement, n'est-il pas superflu de devoir faire approuver chaque investissement par le gouvernement, quelles que soient l'importance et la nature de ces investissements? Je rappelle qu'il est déjà prévu que le gouvernement reçoive et approuve le budget et le plan d'affaires annuel de la banque.

En deuxième lieu, le président-directeur général de la banque ne devrait-il pas être embauché selon le droit commun des contrats qui soumet les congédiements à l'existence d'un motif valable?

Enfin, ne devrions-nous pas aussi rendre publiques les compétences et expériences recherchées pour les futurs membres du conseil d'administration? Tout cela est la norme en matière de bonne gouvernance.

Plusieurs modèles de banques de l'infrastructure existent dans le monde. Je crois vraiment que la nouvelle structure de gouvernance de la Northern Australia Infrastructure Facility, adoptée en 2016, est un excellent repère pour le Canada.

Pour conclure, je tiens à réaffirmer que la Banque de l'infrastructure du Canada est un projet important pour notre pays et notre économie. C'est pourquoi je soutiens pleinement sa création, malgré les réserves que je viens d'exposer. C'est parce que je crois fermement aux objectifs de la Banque de l'infrastructure que je souhaite qu'elle ait véritablement les moyens de les réaliser. J'espère que mes suggestions pour qu'elle atteigne son plein potentiel seront entendues par le gouvernement et seront adoptées immédiatement. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Hubley, le débat est ajourné.)

(1910)

[Traduction]

Projet de loi sur la modernisation de l'obligation de présentation et de déclaration relative à des moyens de transport

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de l'amendement

Le Sénat passe à l'étude de l'amendement apporté par la Chambre des communes au projet de loi S-233, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligation de présentation et de déclaration) :

Article 7, page 4 : Dans la version anglaise, remplacer la ligne 17 par ce qui suit :

« side Canada and then leaves Canada, as long as »

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, je propose que le Sénat approuve l'amendement apporté par la Chambre des communes au projet de loi S-233, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligation de présentation et de déclaration), et qu'un message soit transmis à la Chambre pour l'en informer.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous une question, sénatrice Lankin?

L'honorable Frances Lankin : Le sénateur nous expliquera-t-il de quoi il s'agit? Si la réponse est non, j'aimerais lui poser une question.

Le sénateur Runciman : Je précise simplement qu'il y avait une coquille dans le texte. L'erreur en question n'était pas dans la version étudiée par le Sénat, seulement dans la version imprimée transmise à la Chambre. Le mot « as » était là deux fois dans la version anglaise. Selon ce qu'on me dit, habituellement, ce genre de coquille est corrigé par le greffier législatif, mais pour une raison inexpliquée celui-ci a plutôt comparu devant le comité, et une motion a été adoptée pour faire enlever le « as » de trop. L'amendement a par la suite été adopté par la Chambre des communes, qui a adopté le projet de loi à l'unanimité. Les trois partis lui ont donné leur appui, comme ce fut le cas ici, et c'est pourquoi nous en sommes saisis ce soir.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup pour cette explication. Je suis d'avis que nous devrions nous prononcer sur cet amendement. Pourriez-vous m'indiquer qui est le parrain du projet de loi? Je ne m'en souviens plus.

Le sénateur Runciman : Le parrain à la Chambre des communes?

La sénatrice Lankin : Oui.

Le sénateur Runciman : C'est Gordon Brown, le député de Leeds—Grenville—Thousand Islands et Rideau Lakes.

La sénatrice Lankin : J'ai une deuxième question. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire que vous avez déposé en premier et qui a été parrainé là-bas. Je tenais simplement à souligner que ce projet de loi a fait l'objet d'un vote favorable au Sénat et d'un vote favorable là-bas. Nous nous apprêtons à l'appuyer encore une fois. Il semble que certains projets de loi d'initiative parlementaire sont soumis à un vote, alors que d'autres ne le sont pas.

Monsieur le sénateur, êtes-vous d'accord pour dire que tous les projets de loi d'initiative parlementaire mériteraient d'être, tôt ou tard, soumis à un vote?

Le sénateur Runciman : C'est un point de vue que je partage entièrement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et l'amendement est adopté.)

Projet de loi sur les sanctions non liées au nucléaire contre l'Iran

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable David Tkachuk propose que le projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

Je suis le parrain du projet de loi au Sénat, mais je n'en suis aucunement le seul auteur. J'ai collaboré très étroitement avec la Coalition canadienne contre le terrorisme, et avec les victimes de la terreur iranienne, qui sont à l'origine de ce projet de loi et qui ont œuvré de concert avec mon bureau pour le rédiger. Je tiens à les remercier pour leur bon travail et pour leurs efforts continus visant à tenir l'Iran responsable de son comportement inacceptable sur la scène internationale.

Comme beaucoup d'entre vous le savent, quelques membres du comité ont accepté avec réticence que le projet de loi soit renvoyé au Sénat et ont ajouté qu'ils ne l'appuieraient pas à l'étape de la troisième lecture.

C'est malheureux. Je n'ai pas pu participer pleinement aux audiences du comité chargé d'examiner le projet de loi. Je préside le Comité des banques, qui, comme vous le savez, se réunit en même temps que le Comité des affaires étrangères, le mercredi et le jeudi. Par conséquent, sauf au moment où j'ai comparu à titre de témoin vers le début des audiences, je n'ai pas pu participer aux travaux du comité.

Toutefois, étant donné que j'ai suivi les délibérations et que j'ai pris connaissance des observations des témoins, j'aimerais vous faire part de quelques commentaires.

Comme je l'ai souligné, certaines des critiques formulées au sujet du projet de loi sont fondées sur une mauvaise compréhension fondamentale de son objet et de ses dispositions. Durant mon exposé, j'ai tenté d'expliquer l'objet du projet de loi, mais, de toute évidence, je n'ai pas réussi à convaincre certains sénateurs. Le comité a soulevé des questions fondamentales, qui, à mon avis, valent la peine d'être approfondies. Je tiens donc à remercier les membres du comité de leur travail, ainsi que la sénatrice Andreychuk, présidente du comité, d'avoir renvoyé le projet de loi au Sénat. J'aimerais aussi remercier le sénateur Baker, qui a appuyé le projet de loi au Sénat.

J'aimerais rectifier certains faits fondamentaux concernant mon projet de loi. Si on lit rapidement le projet de loi S-219, on se rendra compte que celui-ci est entièrement conforme aux politiques du gouvernement libéral actuel, qui visent à obliger le régime iranien à rendre des comptes relativement au soutien qu'il accorde au terrorisme et aux violations des droits de la personne.

En fait, l'établissement d'une norme à cet égard est l'un des éléments fondamentaux de la nouvelle politique étrangère du gouvernement libéral, qui a été présentée par la ministre Freeland mardi dernier. Elle a utilisé précisément ces mots : « C'est notre rôle, a-t-elle déclaré, d'établir une norme sur la façon dont les États devraient traiter les femmes, les homosexuels et les lesbiennes, les transgenres, les minorités raciales, ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses ainsi que les Autochtones. »

Le projet de loi S-219 donne au gouvernement canadien les outils pour établir la norme quant à la façon de réagir au traitement que réserve l'Iran aux minorités, particulièrement les baha'is.

Il suffit de consulter rapidement le hansard et les journaux des dernières années pour constater que certains de ceux qui demandent avec le plus de véhémence que le Canada accroisse ses sanctions contre la République islamique d'Iran sont d'éminents libéraux comme l'ancien ministre de la Justice, Irwin Cotler, ainsi que David Kilgour, qui a été député libéral pendant près de 27 ans et qui a également été secrétaire d'État pour l'Amérique latine et l'Afrique puis secrétaire d'État pour l'Asie-Pacifique. M. Kilgour est maintenant coprésident des Amis canadiens d'un Iran démocratique, un organisme qui représente les Canadiens d'origine iranienne et qui appuie également ce projet de loi.

Soyons clairs, ce projet de loi ne vise pas le peuple iranien, mais bien ceux qui exercent une oppression brutale contre le peuple iranien. Faisons honneur aux Canadiens d'origine iranienne qui appuient ce projet de loi malgré les risques que cela comporte pour leurs proches qui vivent toujours en Iran. Faisons aussi honneur à cet endroit en évitant de présenter ce projet de loi comme étant contraire aux intérêts du Canada. Honorables sénateurs, empêcher que des régimes comme celui d'Iran soient surveillés de près ne servira jamais les intérêts du Canada.

Pour ce qui est du contenu du projet de loi, je vais répéter ce qui a été dit à maintes reprises devant le comité : le projet de loi S-219 n'ajoute pas de nouvelles sanctions à celles déjà prévues dans la Loi sur les mesures économiques spéciales, adoptée en 1992.

Avec ou sans ce projet de loi, le Canada impose déjà des sanctions à l'Iran. Tout ce que le projet de loi fait, c'est de préciser que les sanctions déjà en place ne pourront être réduites que si l'Iran montre un changement évident de politique face au parrainage d'activités terroristes, à la violation des droits de la personne et à l'incitation à la haine. Le projet de loi permet aussi d'appliquer les sanctions existantes à de nouvelles cibles, comme s'il s'agissait de personnes dont le nom est inscrit dans le Règlement sur les mesures économiques spéciales.

(1920)

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas les dispositions de la Loi sur les mesures économiques spéciales, celle-ci permet notamment de prendre des décrets et des règlements équivalant à des sanctions économiques contre un État étranger :

[...] si [...] une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales est susceptible d'entraîner ou a entraîné une grave crise internationale.

À ce jour, des sanctions au titre de la Loi sur les mesures économiques spéciales n'ont été imposées que contre la Birmanie, la Libye, la Corée du Nord, la Russie, le Soudan et l'Iran.

Les violations perpétrées par l'Iran ont de toute évidence d'importantes conséquences sur la sécurité internationale. Elles ont déjà entraîné des crises internationales qui ont de graves conséquences et ont plus qu'atteint le seuil des sanctions en vertu des dispositions de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Les violations qui ont placé la plupart des autres pays sur cette liste font pâle figure en comparaison à celles de l'Iran.

Pendant plus de 40 ans, ce régime a mené une campagne implacable visant à compromettre les autres États et à susciter des conflits régionaux. Il a orchestré l'assassinat de dissidents iraniens partout dans le monde, enlevé et assassiné des diplomates et des ressortissants étrangers, bombardé des ambassades étrangères et des centres communautaires, et soutenu des activités terroristes, y compris d'Al-Qaïda, dans le monde entier.

Bien que le projet de loi ne crée pas de nouvelles sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, il prévoit ce que réclament le gouvernement libéral et les sénateurs qu'il a récemment nommés, soit une occasion d'élaborer des politiques fondées sur les faits. Le projet de loi S-219 demande simplement le maintien des sanctions actuelles contre l'Iran jusqu'à ce que deux rapports annuels consécutifs concluent qu'il n'y a aucune preuve crédible établissant que des actes constituant des activités terroristes ou de l'incitation à la haine imputable à l'Iran ont été commis et que celui-ci a réalisé des progrès considérables dans le respect des droits de la personne.

Curieusement, les opposants au projet de loi nous ont déclaré que le fait d'exiger des preuves tangibles de progrès considérables dans ces domaines nuirait à la capacité du Canada de rétablir des relations avec l'Iran. Cela a particulièrement été exprimé dans une lettre que le comité a reçue d'Affaires mondiales Canada. Dans cette lettre, que le sénateur Woo a citée dans le cadre de sa motion visant à rejeter le projet de loi, Mme Alex Bugailiskis, sous-ministre adjointe d'Affaires mondiales Canada, a écrit : « Le gouvernement estime que c'est par le dialogue — et non par le retrait et l'isolement — qu'il peut le mieux promouvoir les intérêts du Canada [...]. »

Elle a poursuivi en disant que le « projet de loi S-219 nuirait probablement au rétablissement des relations diplomatiques « normales » avec l'Iran ».

Honorables sénateurs, cette affirmation déforme la réalité. Le projet de loi n'empêcherait absolument pas le Canada de rétablir des relations avec l'Iran, pas plus que l'Iran ne serait empêché d'ouvrir le dialogue avec le Canada. Il ne nuit pas au rétablissement des relations diplomatiques ni n'écarte les relations d'affaires entre le Canada et le régime iranien.

Le projet de loi S-219 offre simplement un cadre permettant d'équilibrer les préoccupations bien connues qui ont été exprimées par le Canada au sujet du comportement iranien et l'objectif du gouvernement de rétablir les relations. Il ne vise qu'à empêcher les entités du régime qui sont coupables de crimes de guerre, de terrorisme mondial et des plus graves violations des droits de la personne de profiter du processus de réengagement et de tirer profit de notre bonne volonté. La politique de réengagement canadienne doit viser à profiter au peuple iranien et non aux entités criminelles corrompues, comme EIKO et les Gardiens de la révolution islamique iranienne, au sein du régime qui s'est enrichi de milliards de dollars au détriment de son propre peuple.

Autrement, nous ne ferons que les enrichir et leur montrer que leur comportement déplorable est récompensé. Si des actes constituant du terrorisme, des violations des droits de la personne et de l'incitation à la haine ne nous empêchent pas de faire affaire avec eux maintenant, qu'est-ce qui les poussera à s'écarter de ces méfaits? Ils seront fort probablement encouragés à poursuivre sur cette voie. Il est pertinent de soulever, également, que les Gardiens de la révolution islamique iranienne contrôlent ouvertement des centaines d'entreprises en Iran, et ce, dans l'ensemble des secteurs de l'économie. Plus important encore, ils entretiennent des liens avec des dizaines, voire des centaines d'entreprises qui semblent privées, mais qui sont en fait exploitées par d'anciens membres de l'organisation.

Si l'Iran choisit de refuser notre offre de réengagement parce que le projet de loi S-219 lui déplaît et qu'il souhaite protéger les intérêts financiers de ces entités corrompues, c'est son droit. Toutefois, rien dans le projet de loi n'exige que ce soit le cas. Je crois plutôt que, si le Canada est prêt à rétablir les relations avec l'Iran malgré les emprisonnements injustes et les mauvais traitements de Canadiens innocents dans les chambres de torture de Téhéran, l'Iran devrait accepter son offre, peu importe si le projet de loi S-219 est adopté ou non. La mesure législative n'empêche absolument pas l'établissement d'ententes commerciales lucratives canadiennes par le peuple iranien.

À mon avis, il s'agit d'un compromis plus que raisonnable pour l'un des régimes les plus oppressifs et agressifs du monde. N'oublions pas que c'est le Canada, et non l'Iran, qui est la partie lésée dans cette relation. C'est l'Iran, et non le Canada, qui a injustement emprisonné, torturé et assassiné des citoyens canadiens ayant la double nationalité en Iran, et c'est l'Iran, et non le Canada, qui appuie le terrorisme par procuration en parrainant des groupes comme le Hezbollah et le Hamas, qui ont gravement blessé et tué des ressortissants canadiens.

Pardonnez-moi si le mécontentement artificiel et non fondé des dirigeants iraniens qui sont choqués par le projet de loi ne m'empêche pas de dormir.

Je suis donc en désaccord avec certains des détracteurs du projet de loi, qui ont affirmé que le projet de loi S-219 reviendrait à exclure le Canada des relations internationales avec l'Iran. C'est l'Iran qui s'est exclu, de façon malicieuse et préméditée, du monde civilisé par son propre comportement. C'est l'Iran qui doit arrêter d'attribuer aux autres la responsabilité de son isolement actuel. Contrairement à la propagande du régime, les problèmes financiers et politiques de l'Iran ne sont pas la faute de mesures législatives comme le projet de loi S-219, ni du Canada, des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou d'Israël. Ils ne sont également pas la faute de la minorité baha'ie accablée et brutalisée de l'Iran, de la minorité sunnite ignorée et opprimée de l'Iran ou des juifs, qui continuent d'être diabolisés par Téhéran en tant que fléau métaphysique et historique.

Malgré les théories du complot appuyées et parrainées par l'Iran, les véritables responsables des échecs du régime sont le président Rohani, ses acolytes et ses prédécesseurs. Au bout du compte, c'est l'idéologie de l'ayatollah Khomeyni qui sous-tend toutes les atrocités commises par le régime qui est entièrement responsable de l'exclusion de l'Iran de la communauté internationale. Le projet de loi S-219 cible donc seulement les gens qui sont réellement responsables de la souffrance du peuple iranien.

Le projet de loi ne fera pas souffrir davantage les citoyens iraniens en Iran, dont un grand nombre méprise le régime actuel. Comme l'a souligné Richard Nephew, l'un des architectes du plan d'action conjoint, qui a soulevé de graves préoccupations au sujet du projet de loi et a aussi proposé des amendements, le projet de loi S-219 est un plan de sanctions intelligentes qui ne cible que ceux qui sont responsables d'activités illicites et ne cause pas indirectement un préjudice financier aux citoyens innocents de l'Iran.

Je reconnais que le projet de loi S-219 ne donnera pas lieu à des changements immédiats ou miraculeux au sein du régime actuel. Il n'est pas conçu à cette fin, et ce n'est pas son but. Comme l'a signalé James Walsh, un adjoint de recherche principal au MIT, qui a témoigné devant le Comité des affaires étrangères de la Chambre, il ne s'agit pas du seul objectif d'un régime de sanctions. M. Walsh dresse la liste de trois objectifs fondamentaux au moment de sanctionner un État : le contraindre de modifier son comportement, limiter sa capacité à agir, puis exprimer la désapprobation à l'égard des violations de la norme, soit en dénonçant et en condamnant ces violations.

Nous avons fait preuve de bonne volonté à l'égard du régime iranien, mais celui-ci a démontré très clairement au cours des 40 dernières années qu'il ne nous rendra pas la pareille. Il s'est vu offrir une occasion en or, au moment de la signature du plan d'action conjoint, de collaborer et tourner une nouvelle page. Cela aurait été profitable pour le régime, puisque de nombreux pays étaient disposés à passer l'éponge sur la brutalité qui le caractérise depuis ses débuts. Le régime a réagi comme il l'a toujours fait à la main que lui tendait l'Occident. Il a fait preuve d'une attitude encore plus belliqueuse, a procédé à plus d'exécutions et à plus d'amputations et a déversé encore plus de vitriol sur les minorités en Iran.

Nous disposons d'une preuve écrite incontestable que les nombreuses atrocités commises par le régime, dont l'exécution de jeunes et de membres de la communauté LGBT, n'ont fait qu'augmenter depuis la levée des sanctions nucléaires dans le cadre du plan d'action conjoint. Comme l'a mentionné notre collègue, Irwin Cotler, c'est le président Rouhani qui est à la tête de cette frénésie d'exécutions. Son régime exécute une personne toutes les 9 heures pour l'une des 80 infractions capitales prévues dans le nouveau code pénal iranien, dont les crimes de « corruption sur la terre » et d'« inimitié à l'égard de Dieu ». C'est ce même président Rouhani qui a récompensé et encouragé ceux qui ont commis les pires violations des droits de la personne en Iran. Le président a même dirigé neuf ministères responsables des diverses violations des droits de la personne commises par les acolytes du gouvernement à Téhéran contre le peuple iranien.

(1930)

Ces pensées ont été exprimées de façon encore plus éloquente par Terry Glavin, l'un des meilleurs chroniqueurs du Canada en matière de relations internationales. Il a écrit ceci :

Le régime iranien est maintenant plus confiant, plus riche, plus expansionniste et plus belligérant qu'il ne l'a été depuis la décennie sanglante des années 1980. Toute personne qui affirme le contraire raconte n'importe quoi.

Le point de vue de Terry Glavin a été appuyé par le prestigieux magazine américain Foreign Affairs, dans lequel l'auteur émet des hypothèses sur l'avenir réservé à l'Iran une fois que le chef suprême, l'ayatollah Khamenei, sera mort. Il a 77 ans et il est dans un mauvais état de santé.

Voici ce qu'on peut lire :

[...] ceux qui espèrent que l'Iran se transformera en un pays plus doux et gentil seront déçus. Depuis que Khamenei a pris le pouvoir en 1989, il a bâti une superstructure axée sur le renseignement, la sécurité et l'économie composée d'exécutants qui lui sont farouchement fidèles et qui adhèrent entièrement à sa définition de la République islamique. Il a monté un réseau qui forme la bureaucratie profonde de l'Iran. Quand Khamenei mourra, tous ceux qui font partie de ce réseau exigeront de son remplaçant qu'il ait la même ligne dure que lui et qu'il soit déterminé à protéger leurs intérêts.

Certains de mes honorables collègues ont laissé entendre que le Canada serait seul à imposer des sanctions contre l'Iran si l'on adoptait le projet de loi et que le Canada ne devait pas être impliqué unilatéralement, pour toutes sortes de raison, dans des actions de ce genre. Ces affirmations sont fondées sur des faits erronés.

Les États-Unis et l'Union européenne ont imposé des sanctions contre l'Iran pour soutien au terrorisme, pour ingérence en Syrie, pour son programme de développement de missiles balistiques et pour violation des droits de la personne. Dans le cas de l'Union européenne, les sanctions liées aux missiles balistiques découlent de sanctions liées au nucléaire. Elles seront ainsi levées dans huit ans. En revanche, les États-Unis font la distinction entre les sanctions liées au nucléaire et les sanctions liées aux missiles balistiques. Ils imposent un certain nombre de sanctions qui resteront en vigueur même quand l'accord sur le nucléaire sera conclu.

Cela dit, même si ce n'est pas le cas, je dirais que, en tant que Canadiens et en tant que politiciens canadiens dans une société démocratique et libre, nous avons l'obligation première d'adopter des politiques gênant le gouvernement iranien.

Nous ne serons pas liés par l'inaction d'autres pays dans l'expression de notre condamnation et de notre détermination législative devant une malfaisance aussi extraordinaire. En tant que législateurs canadiens, nous ne devons pas hésiter à appuyer un projet de loi qui exigera des comptes de ce régime pour les crimes qu'il a commis contre les citoyens de notre propre pays.

L'ingrédient clé qui différencie l'Iran d'autres entités totalitaires et fait en sorte qu'il vaut la peine d'y accorder une attention particulière dans le projet de loi S-219 — oui, les politiques intérieures de répression de l'Iran sont de proportions stupéfiantes —, c'est que ses politiques font également partie intégrante des ambitions mondiale du régime, qui continuent de constituer une menace pour les intérêts occidentaux et canadiens.

Comme le mentionne une lettre d'opinion publiée dans le National Post, « La menace de l'Iran pour la stabilité mondiale est directement proportionnelle non seulement à la gravité de ses atrocités passées, mais à la profondeur de ses convictions idéologiques [...], des convictions qui sont inscrites dans la constitution de l'Iran et fondées sur un principe unique : l'établissement d'un État islamique à l'échelle mondiale. »

Cette idéologie est la force qui incite l'Iran à sacrifier ses intérêts financiers et nationaux pour appuyer Al-Qaïda, le Hezbollah, le Hamas et des dizaines d'autres groupes terroristes. Elle est le moteur qui alimente son invitation publique continuelle au génocide, réclamant, à titre de politique étrangère et d'objectif théologique, l'anéantissement de l'État démocratique juif d'Israël. C'est l'idéologie qui fait de l'Iran un partenaire à part entière du président Assad dans les crimes de guerre commis en Syrie, et c'est ce qui est employé pour justifier le viol et l'agression sexuelle systémiques des prisonnières détenues dans le célèbre labyrinthe de prisons de l'Iran.

Il ne s'agit pas d'une double échelle de valeurs, mais d'une norme minimale que nous tentons d'établir en vue de renouer le dialogue avec un État où la misère est sans bornes. Je crois que si on offrait l'alternative aux honorables sénateurs, tous opteraient sans hésitation pour vivre dans n'importe quel autre État autocratique que l'Iran. En effet, nous savons tous que le régime iranien est sans pareil.

Il existe des précédents qui donnent froid dans le dos et que tous les sénateurs réprouvent. Aussi, je demande à ces sénateurs de se joindre à moi et de voter pour le projet de loi S-219. Même les détracteurs du projet de loi reconnaissent que ce vote aura des retentissements jusque dans les recoins les plus sombres du régime iranien. Ce vote démusèle la conscience des Canadiens, qu'ils soient indépendants ou d'allégeance libérale, néo-démocrate ou encore conservatrice. Les objectifs et les dispositions du projet de loi transcendent les divisions sectaires et nous devons faire de même.

J'ajoute par ailleurs que ce n'est pas le rétablissement des liens qui a mis fin à l'apartheid en Afrique du Sud, mais les sanctions et la condamnation continue de la part de politiciens tels que John Diefenbaker et Brian Mulroney. Je crois que Margaret Thatcher et le président Reagan ont écouté leurs bureaucrates qui prônaient le renouement des liens. Leur politique étrangère s'est avérée inefficace et n'a pas contribué à libérer Nelson Mandela ou à mettre fin à l'apartheid en Afrique du Sud.

L'Iran n'est ni plus ni moins qu'une organisation criminelle comparable à la mafia — quoiqu'il existe des arguments solides pour faire valoir qu'on trouve des âmes plus tendres dans la mafia. Or, on ne règle pas le problème de la mafia en faisant affaire avec elle.

Les Irano-Canadiens qui appuient le projet de loi connaissent bien le régime. Ils ont besoin de notre soutien. Nous ne sommes pas bureaucrates, mais politiciens, et, à ce titre, nous devons prendre l'initiative et montrer la voie à suivre. Le projet de loi S-219 envoie un message aux opprimés du monde entier : on peut compter sur le Canada pour condamner les régimes totalitaires de tout acabit qui maltraitent leur peuple.

Je vous demande à tous d'appuyer ce projet de loi. Merci.

L'honorable Frances Lankin : Acceptez-vous de répondre à question, sénateur?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup.

J'aime bien votre discours et je vous sais gré d'avoir pris le temps de préciser ce que contient ce projet de loi et ce qu'il ne contient pas, car beaucoup d'informations ont circulé et il est bon d'avoir le point de vue de l'auteur. Il s'agit d'un important sujet de politique étrangère.

Sans vouloir le diminuer, il s'agit de votre projet de loi, qui a progressé de façon assez expéditive. Si j'ai bien compris ce que vous en avez dit, des sénateurs ont essayé de le bloquer au comité parce qu'ils ne l'approuvaient pas. Cependant, de bonnes fées sont intervenues et on a convenu que tous les projets de loi devraient être mis aux voix, à un moment ou un autre.

Convenez-vous que tous les projets de loi d'initiative parlementaire devraient, à un moment ou à un autre — et que l'on soit pour ou contre —, mériter l'expression démocratique du vote en cette enceinte? N'est-ce pas une question de courtoisie?

Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord avec vous, mais c'est aussi une question de mérite dans le cas du projet de loi S-219.

L'honorable Yuen Pau Woo : Acceptez-vous de répondre à autre question, sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Woo : Je vous remercie d'avoir attiré l'attention sur les graves violations des droits de la personne qui se commettent en Iran et sur le terrible problème que constitue la propagation, dans d'autres pays, du terrorisme parrainé par cet État.

Je vous remercie en outre d'avoir confirmé que le Canada a déjà en place un régime de sanctions contre l'Iran et qu'il ne fait preuve d'aucun laxisme à son endroit.

Vous avez rejeté la lettre qu'Affaires mondiales Canada a envoyée au Comité des affaires étrangères et dans laquelle on fait valoir que le projet de loi allait nuire aux efforts que nous déployons pour rétablir les relations diplomatiques avec l'Iran. Or, selon le témoignage d'experts désintéressés, pour reprendre un qualificatif que vous avez utilisé dans un précédent débat, votre projet de loi fera premièrement reculer l'engagement diplomatique du Canada en Iran dans le contexte du plan d'action globale conjoint convenu à l'ONU; pire encore, votre projet de loi ira à l'encontre du but recherché, qui est de promouvoir un meilleur comportement de la part du gouvernement iranien. Pour reprendre l'expression de l'expert Richard Nephew, que vous avez cité par ailleurs : « Ce sera un pas en avant et deux pas en arrière. »

Votre projet de loi vise-t-il à ramener le Canada à la situation en 2012, avant le plan global d'action conjoint, lorsque le gouvernement précédent a mis fin aux relations diplomatiques avec l'Iran et a fermé notre ambassade à Téhéran?

Le sénateur Tkachuk : Non. Je ne dirige pas le gouvernement du Canada. C'est à eux de prendre ces décisions. Le projet de loi ne vise d'aucune façon à contrecarrer la politique libérale. En fait, il appuie la politique libérale.

(1940)

Tout ce qu'il fait, c'est demander au gouvernement de montrer que le gouvernement iranien a avancé dans plusieurs domaines et que, pendant deux ans, il y a eu des progrès au chapitre des droits de la personne et sur d'autres questions. Lorsque cela se produira, le gouvernement pourra peut-être lever les sanctions.

Si le gouvernement iranien trouve c'est un sérieux problème ou que ce projet de loi pourrait l'empêcher de renouer les liens avec le Canada, il mettra peut-être fin à ses agissements. Il pourra mettre fin au terrorisme, se contenter de couper un bras plutôt que les deux bras et les deux jambes et cesser de menacer le pays d'Israël. S'il commence à faire certaines de ces choses, alors, nous pourrons peut- être entamer des négociations avec l'Iran. D'ici là, je pense que nous devrions nous en abstenir.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Woo : Comment, alors, sénateur Tkachuk, répondriez-vous au témoin expert qui dit que votre projet de loi va tellement loin et que l'Iran devrait répondre à des critères si nombreux pour que nous levions les sanctions qu'il n'encouragera pas le régime à s'améliorer et qu'il mènera à une situation que j'ai décrite plus tôt comme un pas en avant et deux en arrière?

Le sénateur Tkachuk : Comme je suis plus âgé, j'ai eu l'occasion d'écouter tous les experts sur l'Afrique du Sud. Ce qu'il y a de bon, c'est que John Diefenbaker et Brian Mulroney n'ont pas écouté les experts et que, en bons leaders, ils ont pris les mesures qui s'imposaient. Je pense que c'est ce que nous devrions faire avec ce projet de loi.

Nous savons ce qui est juste ici et nous savons que nous devons faire preuve de leadership. Bien sûr que les bureaucrates veulent protéger leur emploi pour pouvoir renégocier tout cela et faire leurs affaires, mais ce n'est pas du leadership et cela n'apportera pas les résultats voulus.

Si vous voulez mon avis, ce sont les mêmes experts qui ont dit à Ronald Reagan de ne pas prononcer le discours, à Berlin, qui a provoqué la chute du mur. Ils ont dû lui dire : « Soyez gentils avec eux. Allez à leur rencontre. Tout va bien se passer. Ne soyons pas trop durs avec eux. » Or, cette façon de faire s'est souvent soldée par un échec.

Nous savons tous ce que nous devons faire, non? Nous savons tous que, pour changer le comportement d'un malotru, il faut le tenir responsable de ses agissements, n'est-ce pas? Parce que, si nous n'avons pas encore appris cette leçon, c'est que nous avons un tout autre problème. C'est exactement ce que le Canada devrait faire. Nous devrions dire à l'Iran : « Montrez-nous du positif, et peut-être ferons-nous la même chose. » Ce sont les Iraniens qui font du mal à leur peuple, pas nous. Nous ne faisons de mal à personne. Ce sont eux qui font du mal aux Canadiens.

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui donner mon appui au projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

Le titre du projet de loi résume bien l'objectif poursuivi par le texte, à savoir doter le Canada d'une politique claire concernant le régime actuellement au pouvoir en Iran et, ce faisant, aider la communauté internationale à le dissuader de parrainer des actes constituant du terrorisme.

Ce projet de loi doit être vu comme la continuation des mesures prises par le Canada et divers autres États pour dissuader le régime iranien de compromettre la paix et la sécurité internationales. Nous avons besoin de ce projet de loi, honorables sénateurs, parce que, dans l'état actuel des choses, nous ne pouvons pas faire comme si l'Iran était un pays comme les autres.

L'Iran a constamment violé les normes et les pratiques internationales les plus fondamentales depuis une trentaine d'années en parrainant le terrorisme. Il a aussi systématiquement violé les principes internationaux, comme la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies et d'autres conventions internationales sur les droits de la personne.

Le comportement de l'Iran constitue une menace pour la paix et la sécurité sur la scène internationale. C'est la raison pour laquelle il faut adopter le projet de loi S-219, qui vise à intégrer au droit canadien un cadre et des conditions clairs pour la reprise des relations avec le régime iranien.

Quelles sont donc les mesures concrètes et les exigences prévues dans le projet de loi S-219?

Premièrement, le ministre des Affaires étrangères devra publier chaque année un rapport sur le terrorisme parrainé par l'Iran, rapport qui contiendra une liste d'entités et de responsables iraniens considérés comme responsables d'activités terroristes et d'autres violations des droits de la personne. Le gouvernement devra résumer, dans son rapport, les mesures prises au cours de l'année pour lutter contre ces activités terroristes et les autres violations des droits de la personne commises par le régime.

Deuxièmement, le projet de loi prévoit des sanctions contre les entités liées aux institutions du gouvernement iranien qui sont au cœur du parrainage du terrorisme. Il s'agit principalement du comité exécutif de l'ordre de l'imam Khomeyni et du Corps des gardiens de la révolution islamique, ou CGRI.

Pour que les sanctions contre l'Iran puissent être levées, il faudra que le gouvernement atteste, dans deux rapports annuels consécutifs, qu'il n'a pu trouver aucune preuve crédible du soutien de l'État iranien au terrorisme et à la propagation de la haine. Il faudra aussi que le gouvernement atteste que des progrès ont été réalisés en Iran quant au respect des droits de la personne.

Pourquoi, chers collègues, la création d'un tel cadre législatif a-t- elle une grande importance? Je crois que le cadre législatif prévu dans le projet de loi S-219 est important à cause du caractère particulier du régime iranien. C'est un régime qui, depuis des dizaines d'années, est pointé du doigt comme le principal commanditaire du terrorisme dans le monde actuel.

À l'heure actuelle, seuls deux pays figurent sur la liste des États parrainant le terrorisme international dressée par le gouvernement du Canada : l'Iran et son principal allié, la Syrie dirigée par le gouvernement de Bachar al-Assad. L'Iran se trouve essentiellement au centre d'un réseau terroriste qui représente une menace non seulement pour les pays voisins, mais aussi pour l'ensemble de la communauté internationale.

Dans le rapport qu'elle a publié en 2015 sur le terrorisme parrainé par l'État, l'administration Obama fait état du soutien accordé par le régime iranien à des groupes terroristes chiites en Irak, au Hamas, au Jihad islamique palestinien, au Front populaire de libération de la Palestine — Commandement général et au Hezbollah.

Le régime iranien apporte un appui constant et considérable au Hezbollah. Cela a permis à ce groupe de devenir un État dans l'État au Liban. Cela lui a aussi permis de préparer des attaques contre Israël et de soutenir activement le régime syrien dans la guerre civile en Syrie.

[Français]

L'appui de l'Iran au Hezbollah et au réarmement de ce groupe terroriste contrevient directement à la Résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il faut comprendre que les gestes posés par le régime iranien sur l'échiquier national ne sont pas sporadiques. Ce ne sont pas des mesures prises isolément par un « segment » du régime, mais des actions systématiques perpétrées depuis plus de trois décennies. Elles sont consacrées dans l'actuelle Constitution iranienne, qui réclame explicitement l'exportation de la révolution vers les autres pays. Elles traduisent directement l'idéologie cachée du régime décrite comme étant « apocalyptique » par Bernard Lewis, spécialiste des politiques du Moyen-Orient.

Les sénateurs sont conscients du fait que les politiques suivies par le régime iranien sur le plan international s'inspirent de la répression utilisée à des fins internes.

On peut lire ce qui suit dans le rapport annuel de 2015-2016 d'Amnistie internationale :

Les autorités ont imposé des restrictions sévères à la liberté d'expression, d'association et de réunion. Des journalistes, des défenseurs des droits humains et des syndicalistes, entre autres voix dissidentes, ont été arrêtés et emprisonnés [...]. Le recours à la torture et à d'autres formes de mauvais traitements est resté répandu, en toute impunité. [...] Les femmes, ainsi que les membres des minorités ethniques et religieuses, souffraient de discrimination généralisée, dans la loi et dans la pratique.

Ces facteurs ont grandement contribué à la fermeture de l'ambassade canadienne dans la République islamique d'Iran en 2012.

Par le passé, le Canada est rarement allé aussi loin. Il a mené ces actions en Iran en raison de la menace inhabituelle posée par le régime iranien à l'ensemble de la collectivité internationale.

(1950)

[Traduction]

Compte tenu d'un tel régime et de son bilan des trois dernières années, je vous demande, sénateurs, pourquoi n'est-il pas correct et juste de la part du Parlement de suggérer que des paramètres entourant le rétablissement des relations avec l'Iran soient établis? Selon moi, le fait de rétablir de tels paramètres est non seulement approprié, mais essentiel. Le projet de loi n'empêche pas le gouvernement du Canada de rétablir des relations, mais il affirme que le régime iranien doit prendre des responsabilités réciproques.

Certains sénateurs semblent croire que le rétablissement des relations du Canada devrait être en très grande partie à sens unique. En fait, le sénateur Woo, lors d'une réunion du Comité des affaires étrangères et du commerce international, a soutenu que le gouvernement devrait être tout à fait libre de rétablir les relations avec ce régime. Il croit que le caractère de la politique iranienne changera lentement, au fil du temps. Je dois cependant poser la question suivante : où sont les preuves de cela?

Je répète que l'appui de l'Iran à l'égard du terrorisme international a été catalogué depuis déjà 30 ans. C'est difficile de croire que tout cela va changer soudainement parce que les pays occidentaux et le Canada procèdent maintenant au rétablissement des relations sans d'abord établir de conditions préalables ou de points de repère.

Je crois que procéder de cette façon ne fera qu'enhardir le régime. Cela ne mettra pas un terme au financement du terrorisme. Une telle approche entraînerait plutôt une augmentation de l'agressivité et engendrerait plus de victimes et de souffrance à long terme.

Le Parlement du Canada a l'occasion d'encourager le gouvernement à emprunter une autre voie. Le projet de loi S-219 expose clairement la menace que présente le régime iranien pour la communauté internationale. Il sanctionne ces actions et établit des repères clairs pour toute politique de rétablissement des relations. Le projet de loi veille à ce que le Canada continue d'adopter une position ferme contre le financement du terrorisme et les violations flagrantes des droits de la personne.

Non seulement le projet de loi S-219 établit de façon claire les paramètres de la politique canadienne, il est également une déclaration de principes importante. Le Parlement du Canada est la voix par excellence du peuple canadien pour exprimer, en son nom, ses valeurs à l'égard de ces questions fondamentales.

J'exhorte tous les sénateurs à appuyer le projet de loi S-219.

(Sur la motion du sénateur Woo, le débat est ajourné.)

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, P.C., appuyée par l'honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-210 ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu'il soit amendé, à la page 2, en remplaçant les mots « all of us com-mand » par « all of our com-mand ».

Son Honneur le Président : Le sénateur Enverga a la parole.

Le sénateur Enverga : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler de l'amendement que j'ai proposé au projet de loi C-210.

D'abord, j'aimerais souligner que, pendant les discussions concernant de ce projet de loi, nous avons tenu un très bon débat au sujet d'une question très importante qui touche tous les Canadiens. Il est important que tous ceux parmi nous qui souhaitent prendre la parole au sujet de ce projet de loi puissent avoir l'occasion de le faire. Cette occasion et ce droit sont ce qui fait de la démocratie canadienne l'envie du monde.

Chers collègues, je veux expliquer brièvement comment nous sommes arrivés à cet amendement. Je suis intervenu un peu plus tôt au sujet de l'amendement au projet de loi C-210 proposé par le sénateur Plett. Après mon allocution, des sénateurs m'ont posé des questions réfléchies et enthousiastes, dont la sénatrice Raine. Sa question concernait la justesse de l'amendement sur le plan grammatical. Après avoir songé à notre échange et à la nécessité de mettre à jour l'Ô Canada, je crois qu'il y a une façon d'améliorer le projet de loi nous permettant d'aller de l'avant et de changer avec plus d'assurance les paroles de l'hymne national qui nous est si cher.

Je tiens à ce que mes collègues sachent qu'il ne s'agit nullement d'une tactique ou d'un tour de passe-passe pour retarder le projet de loi. Je présente l'amendement parce que je crois sincèrement qu'il est dans l'intérêt de tous les Canadiens que l'hymne national soit grammaticalement correct. Je tiens beaucoup à l'Ô Canada, car il fait partie de nos traditions et est plus qu'une simple chanson. Pour beaucoup de nouveaux arrivants au pays, il serait plus juste de le décrire comme un serment d'allégeance.

Honorables sénateurs, je reconnais et je respecte la passion de la sénatrice Lankin par rapport à l'objectif d'équité que poursuit le projet de loi. Je respecte tout autant l'intention de M. Mauril Bélanger, l'instigateur de celui-ci. Je tiens néanmoins à ce que les changements permanents qui seront apportés à l'un des symboles du Canada les plus reconnus soient dignes de notre fierté, tant par leur intention que par leur exactitude grammaticale.

Honorables sénateurs, avant de plonger dans les raisons qui sous- tendent l'amendement proposé, je tiens à répéter un point important qu'il ne faut pas perdre de vue durant le débat. Je parle de tradition. Comme de nombreux collègues l'ont souligné avant moi, la tradition n'est pas une coutume archaïque que nous choisissons de suivre. Lorsqu'il s'agit de notre bien-aimé hymne national, le mot « tradition » prend une signification plus grande et évoque une chose profonde et historique, par laquelle nous transmettons et léguons les coutumes et les croyances qui demeurent bien ancrées de génération en génération.

Le 2 juin 2016, l'éditeur et fondateur de la publication Dorchester Review, M. Chris Champion, a témoigné devant le Comité permanent du patrimoine canadien afin de présenter son point de vue sur le projet de loi C-210. Je le cite :

Au Canada, nous avons le privilège de faire partie d'un groupe de pays, comme l'Australie, les États-Unis, l'Inde, la Nouvelle- Zélande et quelques autres, dont beaucoup sont membres du Commonwealth, comme Trinidad et la Jamaïque, où les traditions sont profondément ancrées. Nous avons un régime politique stable. D'habitude, ces pays ont gardé intactes leurs institutions parlementaires, leur façon d'élire les députés, et cetera.

Honorables sénateurs, la tradition est donc le dénominateur commun liant le passé de notre pays à son présent, nos plus anciens habitants aux nouveaux citoyens, et le Canada à d'autres pays qui, malgré leurs frontières, partagent ses traditions.

(2000)

Ne l'oublions pas, cette année plus que jamais, la tradition est ce que nous célébrerons le 1er juillet, lorsque nous soulignerons le 150e anniversaire de la Confédération. En bref, la tradition est la force derrière les rouages du grand pays que nous habitons avec honneur, force qui nous remplit de fierté chaque fois qu'elle se manifeste, peu importe le moyen.

Ainsi, chers collègues, l'hymne national d'un pays est la manifestation de la tradition orale et, à n'en point douter, la quintessence de sa tradition. Notre hymne national devrait donc nous remplir de fierté chaque fois qu'il est entonné, que ce soit lors des assemblées de l'école de nos enfants ou avant une partie de hockey chaudement disputée. Ne l'oublions pas dans notre étude de l'amendement.

Honorables collègues, le raisonnement que je viens d'exposer me mène à vouloir que notre hymne national ne soit pas modifié, idéalement, parce que, en modifiant le texte de l'hymne, nous effaçons une pièce de la mémoire collective, de notre tradition et de notre fierté nationale. S'il doit absolument être changé, je crois que, comme mon amendement le propose, il serait préférable de choisir les mots « all of our » plutôt que « all of us ».

Honorables collègues, le choix du mot « us » n'est simplement pas approprié pour changer l'hymne national. Ce n'est pas le mot juste. D'abord, le plus grave, c'est qu'il entraîne une erreur de grammaire. Je dois rendre crédit au sénateur MacDonald, car c'est lui qui, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi le 6 décembre, a fait la remarque suivante :

Le seul remplacement correct et acceptable du passage « all thy sons command » est « all of our command ». L'emploi de « our » est conforme aux règles de la langue anglaise, car il s'agit d'un pronom possessif pluriel, ce qui s'impose dans cette modification. Ce n'est pas là une opinion, mais un fait.

Merci, sénateur MacDonald.

Chers collègues, je suis, sur ce point, d'accord avec le sénateur MacDonald. Si nous devons en fait changer l'hymne national, corrigeons cette grave erreur et rendons le texte grammaticalement correct.

Honorables sénateurs, le deuxième point que j'aimerais souligner concerne simplement la connotation et la signification des mots. Le mot « us » évoque l'exclusion, alors que le mot « our » est naturellement inclusif. Permettez-moi de vous donner un exemple qui illustre les diverses connotations.

L'expression « this belongs to us » laisse entendre immédiatement que l'on a affaire à un groupe précis et exclusif, indépendamment de ce que ce « us » peut être. Par contre, l'expression « this is ours » fait allusion à un groupe plus large, plus inclusif qui ne concerne pas les seules personnes présentes. En fait, sans autre contexte, le mot « ours » se rapporterait à littéralement tout le monde.

Le mot « us » est par nature source d'antagonisme, relevant de cette mentalité de « nous contre eux », contraire à ce que nous voulons,— et qui n'a pas sa place dans le message et les paroles de l'hymne national. En revanche, le mot « our » évoque une adhésion commune au commandement qui nous est donné — celui d'aimer, de protéger et de servir le Canada. En amendant le projet de loi de façon à utiliser le mot « our », nous nous approprions ce commandement et prenons sur nous la responsabilité d'aimer et de servir le Canada.

Si cela peut paraître frivole, chers collègues, il n'y a certainement pas lieu d'en rire. Si nous devons changer l'hymne national pour le rendre plus inclusif, ne devons-nous pas changer son libellé en conséquence?

La dernière chose que j'ai à dire, honorables sénateurs, est que le libellé du projet de loi C-210 est de nature passive et n'évoque pas le respect dû à l'hymne national. Le mot « us » est le complément d'objet de « we » et ce qu'il évoque n'apparaît plus.

Comme je l'ai dit au début de mon intervention, chers collègues, l'hymne national est l'expression orale de la tradition d'une nation...

Son Honneur le Président : Sénateur Enverga, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

J'ai entendu un « non ». Je suis désolé....

Le sénateur Enverga : Deux minutes, allons donc.

Son Honneur le Président : Je vais poser la question de nouveau. Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie.

Comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, honorables sénateurs, l'hymne national est la manifestation de la tradition orale d'un pays. Par conséquent, il faut le traiter avec le plus grand respect. L'emploi de mots qui donnent à penser que nous sommes éloignés, d'une quelconque façon, de ce qu'il raconte ne rend pas justice à l'hymne national. Nous devrions être fiers de le chanter, et cela est certainement impossible si nous en sommes exclus.

Honorables sénateurs, le mot « our », que je propose d'utiliser, est la forme possessive au pluriel du mot « we ». Cet emploi est non seulement correct grammaticalement, comme l'a souligné le sénateur MacDonald, mais il favorise aussi un rapprochement à l'hymne qui n'est pas exprimé avec le mot « us ». Lorsque nous entonnons l'hymne national, nous devrions être fiers des mots chantés et de la tradition qu'ils communiquent.

Honorables collègues, c'est pour ces raisons que je propose l'amendement suivant : remplacer les mots « all of us command » par « all of our command ». En apportant cet amendement, nous respecterons l'héritage du député Mauril Bélanger, le souhait de la sénatrice Nancy Ruth, ainsi que le souhait de tous les sénateurs ici présents et de tous les Canadiens qui veulent changer les mots de l'Ô Canada pour tenir compte de l'égalité entre les sexes.

Chantons l'Ô Canada avec un sentiment de fierté, d'appartenance et de responsabilité. Adoptons cet amendement afin que, au 150e anniversaire du pays, nous puissions chanter fièrement « in all of our command »! Je vous remercie.

(2010)

Son Honneur le Président : La sénatrice Cordy et la sénatrice Pate voulaient poser une question. Votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous demander une prolongation pour répondre?

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

L'honorable Jane Cordy : Merci. Sénateur, j'ai un peu de mal à vous suivre, car vous avez dit la dernière fois qu'il fallait assurer l'exactitude grammaticale. Donc, à l'heure actuelle, les paroles de la version anglaise sont « O Canada, our home and native land, true patriot love, in all thy sons command ». Ainsi, ce que l'on dit, en gros, c'est que le Canada, en tant que patrie, est aimé de tous ses fils.

Nous voulons que l'hymne national soit plus inclusif, donc nous changeons ces paroles pour « true patriot love in all of us command ». Ici, nous sommes tous heureux d'aimer notre patrie. Nous en venons ensuite à « O Canada, our home and native land, true patriot love in all of our command ». D'abord, je ne vois pas en quoi cela est correct d'un point de vue grammatical. Ensuite, dans la version de départ, les fils aiment leur patrie. Dans la nouvelle version proposée, « all of us command », nous aimons tous notre patrie. À présent, on nous propose « true patriot love, in all of our command »? Je ne vois pas la logique d'un point de vue grammatical.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre question. Je sais que notre hymne national et notre patrimoine sont importants à vos yeux. Merci d'être qui vous êtes sénatrice Cordy. Le fait est que le mot « us » dans la version anglaise suscite la division. On pense à « nous » par opposition à « eux ». Ce n'est pas unificateur. Ce terme crée la division, la séparation entre les citoyens.

Ensuite, la substitution correcte et acceptable ici pour « all thy sons command » est « all of our command ».

Son Honneur le Président : Sénatrice Cordy, avant que vous posiez une question complémentaire, la sénatrice Pate désirait poser une question. Je crois que nous manquerons de temps, encore une fois. Je n'ai pas l'impression qu'un autre consentement sera accordé.

L'honorable Kim Pate : Sénateur, puisque vous avez mentionné à deux reprises dans cette enceinte — la semaine dernière en fait — que votre intention n'était pas de torpiller le projet de loi et, puisque vous avez mentionné aujourd'hui qu'il ne s'agissait pas d'une tactique, pouvez-vous dire au Sénat si vous savez que, si votre amendement est adopté, il va essentiellement torpiller le projet de loi? Je tenais à m'assurer que vous étiez aussi au courant des conséquences, avant de répondre à la question, puisque même le sénateur Plett a mentionné que son intention n'était pas de torpiller le projet de loi lorsqu'il a présenté son amendement. En fait, il a déclaré qu'il n'était pas au courant des conséquences. Donc, voici la question que j'ai à vous poser maintenant : saviez-vous que cet amendement torpillerait le projet de loi? Si oui, allez-vous le retirer? Sinon, admettrez-vous que votre parti utilise des tactiques pour empêcher le Sénat d'exercer ses fonctions?

Le sénateur Enverga : Merci de votre question. Je sais que l'hymne national compte pour vous. Je sais que vous vous souciez du fait que nous allons chanter l'hymne national possiblement modifié année après année, peut-être même pendant 150 ans. Par contre, le fait est que, en amendant le projet de loi, nous respecterons l'héritage laissé par le député Mauril Bélanger. C'était son souhait que notre hymne national soit équitable, ce que fait cet amendement. Vous dites que nous allons torpiller le projet de loi, mais ce n'est pas que je veux faire avec cet amendement. Si nous adoptons cet amendement, il restera assez de temps pour le renvoyer à la Chambre des communes. Il reste encore deux semaines. Nous pourrons chanter « in all of our command » le 1er juillet, juste à temps pour le 150e anniversaire du pays. Adoptons l'amendement rapidement et nous pourrons concrétiser cela.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur Enverga est écoulé, mais la sénatrice Tardif peut intervenir si elle le souhaite.

L'honorable Claudette Tardif : Merci, Votre Honneur.

Honorables collègues, je prends la parole pour m'opposer à l'amendement et ,pour faire honneur au nouvel engouement du sénateur Enverga pour les règles grammaticales, j'ai pensé vous lire un courriel que j'ai reçu il y a quelques jours, le 8 juin.

Bonjour, sénatrice Tardif [...]

Je consultais récemment les transcriptions des débats du Sénat sur les modifications proposées à l'hymne national canadien et je suis tombé sur certains arguments qui ont été avancés concernant la grammaire. Je viens tout juste d'envoyer un courriel au sénateur MacDonald afin de lui expliquer pourquoi son interprétation est erronée, et j'ai pensé qu'il pourrait également être utile de vous en envoyer une copie, puisque votre interprétation de l'hymne est la bonne et que je crois que mes explications pourraient donner plus de poids à votre argument.

Voici le courriel que j'ai envoyé :

Bonjour, sénateur MacDonald.

J'enseigne au secondaire et j'ai récemment donné un cours sur l'histoire de l'hymne national du Canada ainsi que sur la controverse actuelle et les modifications proposées à celui-ci.

Pour me renseigner sur les aspects actuels du sujet, j'ai consulté les transcriptions des débats du Sénat, où j'ai pu lire vos observations sur le fait que les modifications proposées à l'hymne sont grammaticalement incorrectes. Vous avez indiqué qu'en anglais, la phrase ``all thy sons command'' a une valeur possessive. Je soupçonne que votre confusion est due au fait que vous considérez ces quatre mots de façon isolée plutôt que dans le contexte des mots de l'hymne qui les précèdent. Je vous envoie ce courriel pour faire avancer le débat au Sénat en dissipant certains malentendus en ce qui concerne la grammaticalité des modifications proposées.

D'abord, le mot « sons » en anglais ne contient pas d'apostrophe et n'est donc pas possessif. Si la forme possessive était utilisée — autrement dit, si le mot était « son's » —, il semblerait que le Canada ne compte qu'un seul fils et que la commande ne s'adresse qu'à lui. Les premières lignes, « O Canada! Our home and native land! True patriot love in all thy son's command », signifieraient : « O Canada, our home and native land, true patriot love in all of the command of your son's ». Non seulement cette interprétation est illogique, mais elle ne forme pas une phrase complète. Il ne s'agit pas d'une proposition indépendante, ce qui signifie que votre interprétation introduirait une erreur de grammaire dans l'hymne actuel.

Voici ce que les premières lignes, « O Canada! Our home and native land! True patriot love in all thy sons command », veulent vraiment dire : Ô Canada, terre de nos aïeux, commande à nos fils d'exprimer un vrai patriotisme.

Ainsi, la version originale, « thou dost in us command », la version actuelle, « in all thy sons command », et la version proposée, « in all of us command », sont toutes grammaticalement correctes. Malheureusement, seule votre suggestion, « all of our command », est grammaticalement incorrecte.

Honorables sénateurs, je voulais que vous preniez connaissance de cette lettre. J'ai reçu d'autres lettres que je pourrais vous lire, qui indiquent aussi, sans l'ombre d'un doute, que « in all of our command » inclut une faute de grammaire.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable Frances Lankin : Je souhaite prendre part au débat.

Merci beaucoup. Je suis désolée que nous parlions encore de ce sujet. Je regrette de voir un honorable sénateur présenter une motion qui a fait l'objet de débats au Sénat et dans les médias, et qui, comme le sénateur le sait, aurait pour effet de torpiller le projet de loi. J'ai vraiment apprécié les observations sur la question de grammaire.

Cependant, il importe peu que vous soyez d'accord on non avec les mots, sénateur Enverga, puisque la proposition torpillerait le projet de loi. Vous en êtes conscients, tout comme moi. Bien que vous disiez l'inverse, il s'agit d'une tactique qui vise à torpiller le projet de loi.

Le sénateur Plett n'était pas conscient du problème. Il m'a juré qu'il ne l'était pas. Je le crois. Je l'ai informé du problème et il comprend maintenant la situation. Nous avons débattu la question. Vous le comprenez. Les membres du caucus conservateur, l'opposition officielle du Sénat, m'ont informée qu'il s'agit d'une tentative qui vise à continuer à retarder le vote sur le projet de loi jusqu'à l'ajournement, possiblement dans l'espoir qu'une prorogation torpille carrément le projet de loi. Nous serions obligés de repartir à zéro comme nous l'avons fait à maintes reprises.

Depuis une trentaine d'années, des projets de loi sont présentés pour apporter la modification. J'ai actuellement la parole et j'ai une opinion. Je sais que vous prendrez la parole et que vous aurez une opinion.

(2020)

Ainsi, après 30 ans de projets de loi présentés, l'occasion s'offre à nous de mettre la question aux voix, cette forme d'expression de la démocratie. Vous voulez parler de tradition et de patrimoine? Parlons de démocratie. Parlons d'expression de la démocratie. Parlons de mise aux voix.

Nous en avons eu deux merveilleux exemples ce soir. Le premier est le projet de loi d'initiative parlementaire du sénateur Runciman, dont nous avons accéléré l'étude à l'étape de la deuxième lecture et au comité, tout cela à temps pour la saison de navigation cet été, car il s'agit d'un projet de loi important. C'est une question que les gens ont à cœur et nous l'avons mise aux voix. Dans ce cas, le résultat du vote a été positif.

Le deuxième exemple est le projet de loi du sénateur Tkachuk concernant une question importante de politique étrangère qui soulève une vive réaction chez beaucoup de gens. On l'appuie ou on s'y oppose. Nous tiendrons un vote. J'ignore quel en sera le résultat.

Toutefois, un certain groupe de sénateurs là-bas ont décidé que nous n'avons pas le droit de voter à l'égard du présent projet de loi et ils cherchent à en retarder la mise aux voix. Trente ans, mes amis. Au cours des 15 dernières années, nous avons étudié le même projet de loi proposant exactement les mêmes paroles à cinq reprises, et pas une fois il n'est parvenu à l'étape du vote au Sénat.

Sénateur, j'aimerais trouver votre intervention sur cette question grammaticale amusante. Or, ce n'est pas le cas.

Je me demande ce qui a changé depuis la semaine dernière. Pourquoi n'admettez-vous pas que cet amendement aura pour effet de tuer le projet de loi? Qu'est-ce qui a changé qui fait que vous estimez maintenant que « us » est exclusif, même si c'est « all of us », c'est-à-dire nous tous, qui est exprimé?

Permettez-moi de vous citer des sentiments qui ont été exprimés :

Notre hymne national, que nous pouvons entonner d'une seule voix, nous unit tous.

Ce sont les propos que vous avez tenus la semaine dernière : notre hymne national « nous unit tous ». Il n'était pas exclusif à ce moment-là. Notre hymne national, que nous pouvons entonner d'une seule voix, nous unit tous. Vous semblez avoir changé d'avis.

J'ai eu l'occasion de lire de nombreux courriels de personnes qui sont fermement pour ou contre. Je comprends cela. J'ai répété à maintes reprises que je respecte les opinions différentes. Donnez votre avis en votant. Tenons un vote.

J'aimerais vous faire part d'un courriel que j'ai reçu aujourd'hui d'une merveilleuse femme qui espérait me donner du courage. Elle a dit qu'elle enverrait le même courriel à tous les sénateurs. Cette femme s'appelle Laura Thomas. C'est un courriel réfléchi. Je vais citer un paragraphe. Laura mentionne le fait que ceux qui s'opposent au projet de loi invoquent la tradition et l'histoire. Nous l'avons entendu à maintes reprises lors de vos interventions, honorable sénateur — la tradition, le patrimoine et leur importance.

Voici ce qu'elle dit :

Nous pouvons souligner notre histoire, ainsi que les sacrifices et les contributions des générations passées, sans nous dérober à nos responsabilités, qui consistent à bâtir l'avenir de tous les Canadiens. Les filles canadiennes ne devraient pas avoir à se faire croire que le terme « sons » en anglais les inclue également, alors que ce n'est pas le cas. Les femmes qui servent actuellement et qui serviront à l'avenir dans les Forces armées canadiennes, dans les forces policières et dans les services d'incendie n'ont pas à se sentir comme si elles ne sont pas visées par l'hymne national. Nous devons tous, hommes et femmes, aider à bâtir un Canada meilleur et plus fort. Les femmes aiment ce pays autant que le font les hommes. Notre pays suscite l'affection et le patriotisme de tous, pas seulement des hommes.

Laura, merci de m'avoir envoyé ce courriel. Vos mots d'encouragement me font chaud au cœur. Je tiens à dire à tous les honorables sénateurs, tout particulièrement ceux qui m'ont dit qu'ils approuvent le projet de loi ou s'y opposent, que nous devons nous prononcer. Je demande aux honorables sénateurs d'en face qui font partie de l'opposition officielle d'empêcher un petit groupe de personnes de prendre le Sénat en otage et de faire en sorte que l'on ne soit pas en mesure de tenir un vote.

Honorables sénateurs, je le répète, si vous parlez de tradition, d'héritage et de fierté quant à nos institutions démocratiques, n'oubliez pas que vous avez l'obligation de voter pour ou contre le projet de loi. Veuillez s'il vous plaît mettre fin à tout cela et le soumettre au vote. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Sénatrice Lankin, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Lankin : Je suppose que oui, puisque la tradition le veut.

Le sénateur Enverga : Merci beaucoup. Je peux voir que cette question vous tient à cœur. Je peux voir que vous voulez que l'hymne national fasse preuve d'équité. Vous tenez vraiment à ce que tout le monde soit représenté dans l'hymne national. Je vous respecte pour cela. Je respecte tous ceux qui croient que l'hymne national fait partie intégrante de nos traditions. Il est une part importante de notre héritage et de notre culture.

Toutefois, vous dites que le passage « in all of our command » n'est pas grammaticalement correct. Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord, car je me suis basé sur la recommandation de la Bibliothèque du Parlement. Êtes-vous en train de dire que la Bibliothèque du Parlement a tort? Êtes-vous en train de contester la recommandation de la Bibliothèque du Parlement?

La sénatrice Lankin : Je ne crois pas avoir fait de commentaire de ce genre au sujet de la grammaire. J'ai demandé si vous étiez d'accord ou pas sur le fait que l'amendement torpillerait le projet de loi. Voilà la réalité. C'est ce que vous tentez de faire. Je ne vais pas me laisser embarquer dans votre conversation fondée sur des hypothèses. La réponse est que cela n'a pas d'importance. L'amendement torpillera le projet de loi.

[Français]

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, je vous assure que je serai très court. J'ai écouté attentivement la sénatrice Lankin, et je tiens à apporter une correction à ses propos. Elle a dit plus tôt qu'il s'agissait d'une consigne du caucus conservateur. Je lui rappelle humblement que je suis un fier membre du caucus conservateur. Or, nous n'avons pas reçu de consigne. Nous sommes cinq francophones membres du caucus conservateur, nous n'avons pas besoin de recevoir de consignes.

En français, il n'y a pas de problème grammatical. Alors, ne venez pas dire ici que c'est une consigne du caucus conservateur. Je ne l'accepte tout simplement pas. Que vous vous entendiez ou non sur la correction grammaticale de notre hymne national en anglais, c'est entre vous que vous devez vous entendre, mais vous ne devez pas vous en prendre aux autres. Merci.

[Traduction]

La sénatrice Lankin : Acceptez-vous de répondre à une question, honorable sénateur?

Son Honneur le Président : Sénateur Maltais?

[Français]

Le sénateur Maltais : Oui, avec plaisir.

[Traduction]

La sénatrice Lankin : Accepterez-vous que j'ai affirmé que j'ai été avisée par des membres de votre caucus qu'il y avait eu une discussion et qu'une entente avait été conclue pour appuyer les sénateurs qui veulent continuer de retarder ce dossier?

Si ce n'est pas le cas, alors je vais vous dire que j'ai été mal informée, mais, de toute évidence, il s'agit ici d'une tactique soutenue pour retarder les travaux, que vous ayez ou non participé à la discussion.

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme nous le savons tous, les réunions de caucus sont des réunions privées qui se déroulent à huis clos et cela ne fait pas avancer le débat de parler de ce qu'untel ou unetelle pourrait avoir dit au caucus. Laissons donc les conversations du caucus à leur place, soit au caucus.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, monsieur le Président. Je ne parlerai pas de mon caucus. Je veux tout simplement vous dire que, avant d'appliquer un qualificatif à tout un groupe de sénateurs, on doit être prudent. La prudence est la mère de la sagesse. Dans votre cas, sénatrice, la façon dont vous vous êtes exprimée nous a blessés grandement, nous, les francophones. Tout simplement, honorables sénateurs, c'est ma réponse.

(2030)

[Traduction]

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Avant de demander l'ajournement au nom du sénateur Plett, qui souhaite prendre la parole au sujet de cet amendement, je tiens simplement à dire que tous les sénateurs ont le droit d'intervenir au cours d'un débat, que ce soit sur un amendement ou toute autre chose. Je tiens à assurer à tous les sénateurs que le sénateur Plett interviendra sur l'amendement à la prochaine séance.

Je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Plett.

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Martin, avec l'appui de l'honorable sénateur Wells, propose que le débat soit ajourné au nom du sénateur Plett.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Étant donné qu'aucun sénateur ne s'est levé, la motion est adoptée.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Plett, le débat est ajourné, avec dissidence.)

La Loi interdisant les armes à sous-munitions

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l'honorable sénateur Plett, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements).

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements). Ce projet de loi contient des dispositions qui interdiraient aux institutions financières canadiennes d'investir dans des entités qui ont enfreint une interdiction visant les armes à sous- munitions, les sous-munitions explosives et les petites bombes explosives.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à remercier les sénatrices Ataullahjan et Hubley de s'être exprimées de façon très éloquente au sujet du projet de loi S-235 et de contribuer à mettre fin véritablement au rôle que le Canada pourrait jouer en appuyant l'utilisation des armes à sous-munitions. Comme vous le savez, honorables sénateurs, le monde a décidé de se mobiliser pour mettre un terme à l'utilisation d'armes qui, au fil de l'histoire, se sont avérées extrêmement terrifiantes et ont entraîné un très grand nombre de morts.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous raconter une expérience personnelle. Lorsque j'étais à Silla, une ville près de la frontière entre la Turquie et la Syrie, j'ai rencontré une femme de 25 ans qui m'a raconté comment sa fille était morte. À l'âge de trois ans, sa fille a vu une belle balle orange dans leur jardin. Elle l'a ramassée, puis, en courant vers la maison, elle a trébuché. Or, l'objet en question n'était pas une balle orange, mais une bombe.

Lors de cet événement tragique, la fillette est morte sur le coup, et la mère a perdu tous ses membres. Avant l'explosion, la mère était une enseignante très active dans la collectivité. Maintenant, cette mère seule est en fauteuil roulant et doit compter sur les autres même pour se nourrir, se laver et s'habiller.

C'est à cause de ce genre de situation que le Canada a mis en place des lois pour interdire les armes à sous-munitions. Cependant, même si le Canada interdit leur utilisation, il permet encore aux gens d'investir dans les entreprises qui les fabriquent.

Alors que d'autres fabriquent du gaz moutarde, du gaz neurotoxique, des mines terrestres et des armes biologiques, ces entreprises fabriquent des munitions pour quelques-unes des pires armes qui appartiennent à la même catégorie et qui ont été jugées trop cruelles pour la guerre. Ces armes tuent de façon cruelle et peuvent tuer de nombreux civils qui n'ont rien fait de mal et qui n'ont aucune envie de participer à un conflit.

Les armes à sous-munitions en font partie. Cette catégorie comprend les armes conçues pour contenir une multitude de munitions de petite taille, que l'on appelle des sous-munitions ou des bombes miniatures. Ces armes sont généralement larguées des airs. Ainsi, la détonation se produit pendant la chute et répand une pluie de sous-munitions sur le sol. Avec une seule bombe, on peut répandre des sous-munitions sur une surface d'un kilomètre carré.

Ces armes sont encore plus dangereuses lorsqu'elles n'explosent pas sur le coup. Selon les estimations, 20 p. 100 des sous-munitions répandues par la première munition n'explosent pas lorsqu'elles atteignent le sol, et elles agissent alors comme des mines terrestres qui peuvent surprendre les victimes lorsqu'elles passent dans les parages.

Les sous-munitions sont petites; elles ont la taille approximative d'une balle de tennis. Cependant, lorsqu'une sous-munition explose, elle peut projeter des centaines d'éclats d'obus brûlants vers ses victimes. Par conséquent, les bombes à sous-munitions peuvent être encore plus mortelles que les mines terrestres.

Grâce à ces caractéristiques, les armes à sous-munitions sont maintenant reconnues pour l'horrible fait qu'elles peuvent tuer un grand nombre de civils. Comme les sénatrices Ataullahjan et Hubley l'ont mentionné, 98 p. 100 des victimes des armes à sous-munitions sont des civils. Pire encore, beaucoup de ces civils sont des enfants.

Cette situation est attribuable à l'apparence des munitions. La plupart des sous-munitions ressemblent à de petites balles de métal, généralement de la taille d'une balle de tennis ou de base-ball. Aux yeux des enfants, les sous-munitions ressemblent à des jouets. Les enfants sont curieux et ils veulent ramasser les objets pour les examiner. Dans le cas des armes à sous-munitions, cette curiosité mène à des tragédies. Une proportion choquante des victimes de bombes à sous-munitions sont des enfants, soit deux sur cinq. Afin de vous montrer à quel point ces armes sont horribles, j'aimerais vous raconter l'histoire d'une victime d'une arme à sous-munitions.

Voici l'histoire de Rum Vet, une agricultrice cambodgienne. Lorsque Rum et son frère étaient jeunes, on leur a confié la tâche de travailler dans des champs voisins, malgré la présence de beaucoup de sous-munitions actives dans la région qui ont été abandonnées après la guerre civile cambodgienne. Rum et sa famille travaillaient dans les champs parce que c'est ainsi qu'ils assuraient leur subsistance. S'ils arrêtaient d'exploiter leurs terres, ils seraient incapables de survivre ou de se nourrir.

En 1992, le frère de Rum a mis le pied sur l'une de ces sous- munitions. Il est mort sur le coup et Rum a perdu sa jambe droite à partir du genou. En dépit de cette tragédie, Rum continue de cultiver les champs tous les jours, bien qu'elle sache qu'elle pourrait tomber sur une autre arme à sous-munitions.

Rum est loin d'être la seule personne à vivre dans la peur des bombes à sous-munitions comme celle-là. Selon les données américaines sur les bombardements, 26 sous-munitions ont été larguées au Cambodge durant la guerre civile cambodgienne. À l'heure actuelle, on estime que six à sept millions d'entre elles sont actives et pourraient causer ce genre de tragédie.

La situation est encore pire dans d'autres pays. Lors des missions de bombardements américaines entre 1964 et 1973, 270 millions de sous-munitions ont été larguées au Laos. De ces bombes, un nombre incroyable, 80 millions, n'ont pas explosé, tuant ou estropiant, selon une enquête menée en 2009, 50 000 civils laotiens.

Ce sont loin d'être les seuls exemples d'utilisation d'armes à sous- munitions. D'autres pays, notamment le Cambodge, la Syrie, l'Afghanistan, l'Irak, la Géorgie, la Libye, le Soudan du Sud, le Vietnam et le Yémen, ont été bombardés par les armes à sous- munitions, forçant leurs habitants à vivre dans la peur d'être tués par les sous-munitions.

Heureusement, le Canada a pris des mesures fermes pour éliminer l'utilisation de ces armes et pour réduire le tort qu'elles font. Entre 1996 et 2011, le Canada a constamment soutenu financièrement les efforts pour enlever les 80 millions de sous-munitions actives du Laos. En 2008, le Canada, à l'instar de 107 pays, a signé la Convention sur les armes à sous-munitions, qui interdit l'utilisation, le transfert et le stockage de toutes les armes à sous-munitions.

En 2015, le Canada a rempli son engagement avec le projet de loi S-10, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous- munitions. En fait, le projet de loi allait bien plus loin que ce que le Canada avait accepté dans le traité initial. Plutôt que de simplement interdire l'utilisation, le transfert et le stockage d'armes à sous- munitions, nous avons aussi pris des mesures pour aider les victimes de ces terribles armes.

Après l'adoption du projet de loi, le Canada a aussi fourni de la réadaptation aux survivants et a même contribué aux efforts pour débarrasser de ces armes les régions où il y en avait.

Je suis fière du travail que nous avons fait pour éliminer et réparer les dommages causés par les armes à sous-munitions. Toutefois, honorables sénateurs, nous avons encore du travail à faire pour veiller à ce que le Canada ne contribue aucunement à l'utilisation de bombes à sous-munitions.

La Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous- munitions a peut-être empêché les institutions financières canadiennes de contribuer directement à la création de ces bombes, mais il existe encore des échappatoires dans nos lois qui nous permettent d'y contribuer indirectement.

Selon PAX, un groupe néerlandais militant pour la paix, les institutions canadiennes ont investi, de juin 2012 à juin 2016, 565 millions de dollars dans des compagnies qui fabriquent des bombes à sous-munitions. Cela représente environ 2 p. 100 des investissements mondiaux dans ces entreprises. Le Canada est l'un des 28 pays à ne pas avoir adopté de mesure législative pour interdire ce type d'investissement.

Quand les institutions financières canadiennes investissent dans des entreprises qui fabriquent des armes à sous-munitions, nous ne pouvons pas soutenir que le Canada est un véritable chef de file dans le mouvement visant à mettre fin à la production de ces armes.

Heureusement, le projet de loi S-235, qui est parrainé par la sénatrice Ataullahjan, prévoit des mesures décisives pour mettre fin à cette pratique en modifiant l'article 6 de la Loi interdisant les armes à sous-munitions. Il prévoit l'ajout d'un paragraphe dans la loi pour interdire aux institutions financières canadiennes d'investir dans une entité qui a enfreint une interdiction énoncée dans la Loi interdisant les armes à sous-munitions.

(2040)

Le projet de loi S-235 élimine d'autres lacunes en interdisant aux institutions financières de prêter de l'argent à ces entités ou même de leur fournir une garantie de prêt. Ce faisant, le projet de loi S-235 met fin efficacement au financement de l'utilisation d'armes à sous- munitions.

Avant de conclure, j'aimerais vous raconter une dernière histoire, celle d'un enfant qui a failli se faire tuer par des bombes à sous- munitions.

Nabih Bzieh, au Liban, n'était qu'un bébé lorsque des armes à sous-munitions ont été utilisées dans son pays en 2006. Toutefois, des années plus tard, ces armes allaient changer sa vie. Comme bien d'autres, une sous-munition provenant d'une arme à sous-munitions n'a pas explosé en heurtant le sol. Elle est plutôt restée active pendant de nombreuses années.

Hassan, le jumeau de Nabih, a trouvé par hasard la sous-munition après être allé jouer et nager avec son frère jumeau et ses cousins. Lorsqu'il a saisi la sous-munition, il a soudainement eu le visage couvert d'éclats brûlants et l'abdomen ouvert. Le temps que les secours arrivent, les enfants étaient dans un état critique.

Lorsque les enfants sont arrivés à l'hôpital, il a fallu toute une équipe de médecins juste pour les garder en vie.

Honorables sénateurs, voilà l'horreur causée par les armes à sous- munitions qui ont été utilisées dans d'innombrables pays. Il n'y a simplement aucune excuse pour qu'une institution financière canadienne investisse son argent dans des entités qui permettraient qu'on continue à en utiliser.

Les armes à sous-munitions sont simplement inhumaines. On a donc élaboré le projet de loi S-235 afin de faire cesser finalement les investissements dans ces armes.

Pour conclure, honorables sénateurs, j'ai quelque chose à vous dire. Le sénateur Kenny, le sénateur Black et moi avons eu le privilège de visiter la base de l'Aviation royale canadienne de Cold Lake. Nous y avons été invités par le ministre Sajjan et le lieutenant- général Michael Hood, qui est commandant de l'Aviation royale canadienne. Je les remercie tous deux de nous avoir offert cette extraordinaire occasion. J'ai eu par ailleurs le privilège de collaborer avec le lieutenant-général Hood au Darfour.

À Cold Lake, j'ai beaucoup appris sur les subtilités de l'Aviation royale canadienne et les règles d'engagement. J'ai posé beaucoup de questions sur les armes à sous-munitions et tous les pilotes de chasse des forces aériennes m'ont dit avoir reçu une formation spéciale sur ces armes.

Honorables sénateurs, on leur apprend qu'ils ne doivent absolument jamais utiliser des armes à sous-munitions, qui constituent l'arme la plus inhumaine qui soit. Il nous incombe donc d'œuvrer à leur élimination définitive.

Si l'on interdit aux hommes et aux femmes qui risquent leur vie pour nous d'utiliser des armes à sous-munitions, je crois comme la sénatrice Ataullahjan que nous devrions aussi interdire les investissements dans ces armes.

Merci beaucoup.

L'honorable Lucie Moncion : J'ai une question à poser à la sénatrice Jaffer.

J'aimerais simplement comprendre. J'ai travaillé pendant longtemps dans des institutions financières qui peuvent fournir des rapports sur le financement qu'elles accordent. Avez-vous demandé ces rapports pour prendre connaissance des montants que les banques investissent pour financer les armes à sous-munitions?

La sénatrice Jaffer : C'est une question très importante, sénatrice. Le projet de loi sera maintenant renvoyé à un comité, à ce que je sache, celui des affaires étrangères. Je suis sûre que le comité se penchera sur l'approche des institutions financières dans ce dossier.

Ce que j'ai compris lors de l'étude du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, c'est qu'il existe de nombreuses façons d'investir directement et indirectement dans les munitions. Ce projet de loi vise à mettre fin à cette pratique.

Je suis sûre que le comité se penchera de plus près sur cet aspect.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)

Projet de loi interdisant l'importation de nageoires de requin

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-238, Loi modifiant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (importation de nageoires de requin).

L'honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole au sujet du projet de loi S-238. C'est ma première intervention au sujet d'un projet de loi en tant que porte-parole. Dans ce cas-ci, je tiens à dire que, à mon humble avis, je jouerai davantage un rôle de médiateur qu'un rôle de porte-parole dans ce débat.

Premièrement, j'aimerais saluer le travail du sénateur MacDonald, qui parraine le projet de loi S-238, Loi modifiant la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (importation de nageoires de requin), que l'on appelle communément le projet de loi interdisant l'importation de nageoires de requin.

J'estime qu'il s'agit d'un projet de loi important. J'approuve pleinement le principe qui le sous-tend. La protection de la faune et de la flore ainsi que des écosystèmes mondiaux est essentielle à la survie du genre humain. J'espère que le débat au sujet de ce projet de loi nous aidera à sensibiliser les gens à l'importance de la conservation des habitats et de la préservation des espèces et enchâssera davantage ces protections dans la loi.

Le projet de loi porte sur les requins. Apprenons donc à les connaître.

Les requins jouent un rôle important dans les habitats marins des océans du monde et ce, depuis des centaines de millions d'années. Ce sont des superprédateurs, une espèce au sommet de la chaîne alimentaire. Les requins sont des prédateurs clé, contrôlant les populations de poissons et de requins plus petits. Par exemple, la perte de grandes populations de requins dans l'Atlantique Nord, où ils géraient efficacement l'écosystème, a entraîné un déclin marqué des pêches de coquillages bivalves, dont les pétoncles, les palourdes et les huîtres.

La disparition de superprédateurs, tels que les requins, en raison de l'activité humaine ces dernières années a eu une incidence majeure sur les écosystèmes et la santé des habitats marins et mondiaux. Si les requins sont une espèce ancienne, ils ne sont nullement primitifs. La preuve la plus reculée de l'existence des requins remonte à l'époque silurienne, il y a 420 millions d'années. Les requins modernes nagent dans nos océans depuis les périodes triasique et jurassique, il y a 200 millions d'années.

Pour employer l'analogie de l'horloge géologique, si l'on condensait en un an les 4,5 milliards d'année d'histoire de la Terre, les premiers requins apparaîtraient le 26 novembre, soit bien avant nous, les humains.

Les humains sont une espèce très jeune qui inflige des changements radicaux aux cohabitants de la planète. Les requins sont une espèce beaucoup plus ancienne et prospèrent dans l'océan. Ce n'est qu'au cours du dernier siècle que la demande de nageoires de requins pour des raisons culturelles a causé la surpêche de ces importants prédateurs jusqu'à les mener au bord de l'extinction.

Les requins se servent de leurs nageoires pour avancer dans l'eau. Sans elles, ils coulent. En effet, la plupart des espèces de requins appliquent le principe du statoréacteur, ce qui signifie qu'elles doivent nager vite pour faire passer l'eau à travers leurs branchies et pouvoir respirer. Imaginez un peu. Après avoir sorti le requin de l'eau, on tranche ses nageoires à l'aide d'une lame dentelée chaude. Puis, on rejette le requin dans l'océan. Or, sans nageoires, il ne peut pas se mouvoir dans l'eau, et il ne peut donc pas respirer. Le résultat de tout cela est le suivant : il coule lentement au fond de l'eau où il meurt, ou bien il se fait déchiqueter par des charognards.

La Wildlife Conservation Society estime que 25 p. 100 des espèces de requins sont menacées d'extinction à cause de la surpêche. Il vaut la peine de signaler que les requins ne sont pas la seule espèce touchée par la surpêche. En effet, d'autres espèces de poissons cartilagineux comme la raie, le pocheteau et la chimère sont aussi vulnérables.

Le projet de loi S-238 interdit l'importation de nageoires de requin au Canada afin de protéger les requins contre la pratique mondiale qui consiste à prélever leurs nageoires. Il serait difficile de s'opposer au principe du projet de loi. Cependant, il ne propose qu'une seule mesure pour protéger cette espèce d'une pratique qui est en train de mener à son extinction. Jusqu'où devrions-nous aller pour protéger des espèces menacées d'extinction?

[Français]

La demande de produits d'origine animale en raison de coutumes et de fêtes culturelles a causé la dissémination par l'humain de plusieurs espèces de fleurs et de faune sur la base de croyances que certains animaux procurent des pouvoirs et de la puissance aux humains. Ces croyances ne sont pas ancrées dans la science.

(2050)

Des centaines de rhinocéros sont chassés et tués pour leurs cornes à chaque année, et les cinq espèces de rhinocéros sont maintenant en voie de disparition. Des efforts contre le braconnage ont réussi à provoquer une petite croissance de population, mais ils sont toujours à risque de disparition.

Chaque année, 150 millions d'hippocampes sont pêchés. Les hippocampes pourraient être appelés à disparaître au cours des prochaines décennies.

Plus près de chez nous, bien qu'il soit légal de chasser avec un permis, le braconnage de l'ours noir pour sa bile et ses pattes est toujours présent.

[Traduction]

Les produits d'origine animale mentionnés précédemment sont désignés dans la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, ou CITES, ce qui signifie que leur importation au Canada est interdite. Environ 5 000 espèces d'animaux et 29 000 espèces de végétaux sont protégées par la convention et, pourtant, leur commerce illicite se poursuit partout dans le monde.

La demande pour ces produits, provenant de la classe moyenne de plus en plus riche de nombreux pays émergents, est à l'origine d'une crise de la conservation à l'échelle mondiale. Le résultat de tout cela, c'est qu'une multitude d'espèces risquent l'extinction, y compris les requins.

Les organismes qui combattent la pratique de l'enlèvement des nageoires de requins se butent à divers obstacles. Comme dans bien d'autres contextes, la médaille a ici deux côtés. En Indonésie par exemple, où l'on pêche intensément le requin et la raie, l'enlèvement des nageoires de requins fournit un gagne-pain à beaucoup de gens. Des organismes comme la Wildlife Conservation Society travaillent avec les pêcheurs pour qu'ils explorent d'autres façons de gagner leur vie.

L'un des défis associés au commerce mondial des ailerons de requins consiste à créer des systèmes qui assureront une consommation responsable des produits du requin, y compris les ailerons et la viande, et des produits de la raie issus d'une pêche légale, bien gérée et durable.

Il y a un autre défi, et c'est de réduire la demande en sensibilisant le public et l'informant que les ailerons de requins n'ont pas de valeur nutritive ou de propriétés particulières, et que leur usage dans des pratiques culturelles est fondé uniquement sur des croyances. C'est par l'éducation qu'on atteindra cet objectif.

Le commerce responsable du requin doit atteindre un équilibre pour que les gens qui dépendent de cette industrie puissent gagner leur vie grâce à la pêche au requin durable ou à un autre métier, sans quoi la demande poussera la vente des ailerons de requins vers le marché noir et les stocks de requins continueront de décroître.

J'aimerais donc savoir ce qui est fait pour aider les travailleurs du domaine de la pêche au requin du monde entier à adapter leurs compétences afin de garantir une pêche aux requins durable et une pêche générale durable. Est-ce réaliste de penser que l'on soit en mesure de favoriser une pêche aux requins durable à l'échelle internationale, régionale et nationale?

[Français]

Ces questions n'ont pas de réponse facile. Toutefois, nous continuons de les poser grâce au travail important qui est mené sur ces enjeux, comme celui du regretté Rob Stewart, dont le documentaire intitulé Sharkwater a souligné le rôle et le sort des requins dans les océans, ainsi que la nécessité de faire un effort mondial en matière de conservation. Grâce à son travail, l'enjeu de l'amputation des ailerons de requin a été exposé au public, ce qui a permis de sensibiliser et d'éduquer les populations à travers le monde. À présent, nous comprenons davantage le sort de ces créatures et pourquoi il est si important de protéger et de préserver ces espèces.

[Traduction]

Selon le rapport de 2015 de l'Initiative de défense des requins et des raies, le manque de données biologiques sur les requins et sur les populations de requins pose un vrai problème en matière de surveillance et de protection.

Il y a des requins partout dans le monde. Ils migrent partout dans les eaux internationales. Il y a plusieurs endroits où la demande en matière de pêche au requin est forte, notamment en Asie orientale. Les flux de produits dérivés du requin sont difficiles à repérer entre les différents pays, régions et continents, puisque les réglementations contrôlant le commerce varient d'un endroit à l'autre. Les efforts de conservation, là où on en déploie, sont malheureusement fragmentaires et mal financés.

Une étude publiée en 2016 révèle que, depuis 2003, le nombre de requins capturés a baissé d'environ 20 pour cent. Toutefois, cette baisse n'est pas liée à une réduction de la pêche au requin, mais plutôt à une baisse considérable des populations de requins attribuable à la surpêche. Évidemment, cette terrible statistique démontre que la surpêche a des conséquences importantes sur les requins qui vivent dans les océans et des impacts négatifs cumulatifs sur les populations de requin.

Il y a d'autres problèmes écologiques qui contribuent au déclin des populations de requins, notamment les prises accidentelles. Une prise accidentelle a lieu quand un poisson ou autre animal non ciblé est pris au moyen d'une palangre ou d'un filet. Ce ne sont pas que des requins qui meurent comme cela. Il y a également des baleines, des dauphins, des phoques, des tortues et des oiseaux. Selon l'organisme OCEANA, les prises accidentelles peuvent représenter jusqu'à 4 p. 100 du total des prises mondiales. En 2014, on estimait que cela représentait 30 milliards de kilogrammes par année.

Comme c'est le cas pour de nombreuses espèces de requins, les prises accidentelles ne sont pas suffisamment surveillées ou ne sont pas surveillées du tout. Cela donne lieu à des estimations inexactes des espèces protégées qui se noient ou qui sont blessées dans des filets ou des palangres lors d'activités de pêche. Pendant les années 1990, environ 12 millions de requins et de raies étaient tués accidentellement chaque année dans les eaux internationales. On exclut de ce nombre les 100 millions de requins tués chaque année pour leurs nageoires.

[Français]

Quelle est la solution pour freiner la décimation des populations de requins par la capture accessoire et l'amputation des ailerons? La Global Shark and Ray Initiative a présenté un rapport soulignant les plus grands enjeux et les objectifs liés à la conservation des requins et des raies. Bien qu'il n'y ait pas une seule stratégie qui s'applique à la conservation des diverses espèces, il faut cibler les espèces à risque, étudier les populations sur lesquelles nous avons peu de données, tenter de changer la demande des marchés pour les produits du requin, encourager les pratiques d'échange commercial responsable et, surtout, éduquer et sensibiliser les populations.

[Traduction]

Le projet de loi S-238 vise à faire cesser la pratique de l'enlèvement des nageoires de requin en interdisant l'importation de nageoires de requin au Canada. Cependant, le projet de loi soulève plusieurs autres questions. L'interdiction de pratiquer l'enlèvement des nageoires de requin va-t-elle assez loin? Pouvons- nous étendre la portée de l'interdiction à d'autres poissons cartilagineux, comme les raies, qui peuvent également être ciblées? Comment pouvons-nous empêcher les requins et d'autres espèces marines, notamment les tortues de mer, les dauphins, les phoques et les oiseaux marins, d'être pris accidentellement?

Nous devons accroître nos efforts pour protéger la faune marine, afin de préserver la biodiversité de nos océans, qui est menacée par les activités humaines et les changements climatiques.

[Français]

Le 8 juin dernier, nous célébrions la Journée mondiale des océans. Nous aurions dû souligner cet événement dans la Chambre du Sénat. Bien que nous soyons aujourd'hui quelques jours plus tard, j'espère que mon discours aura pu rendre hommage à cette journée.

[Traduction]

Je vais conclure en citant un livre, intitulé Last Chance to See, de Douglas Adams et Mark Carwardine. Ils ont voyagé de par le monde à la recherche d'espèces menacées d'extinction en raison des activités humaines. Je les cite :

Il est facile de croire qu'en raison de l'extinction du dodo, nous sommes maintenant plus tristes et plus sages, mais tout indique que nous sommes simplement plus tristes et mieux informés.

C'est une vision plutôt sombre de l'avenir de la biodiversité. Faisons en sorte qu'elle ne devienne pas réalité.

(Sur la motion de la sénatrice Griffin, le débat est ajourné.)

(2100)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gold, appuyée par l'honorable sénatrice Saint-Germain, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-305, Loi modifiant le Code criminel (méfait).

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à titre de porte-parole de l'opposition au sujet du projet de loi C-305, Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne les méfaits commis dans des lieux de culte.

Le projet de loi C-305 vise à élargir la définition d'un méfait à l'égard d'un bien religieux afin d'inclure les biens servant à des fins d'enseignement, à la tenue d'activités sociales ou encore de résidence pour personnes âgées par un groupe identifiable. Ainsi, les auteurs d'un méfait contre un centre religieux ou un établissement d'enseignement encourraient la même peine maximale de 10 ans que s'ils avaient visé une synagogue, une mosquée ou une église.

Les sénateurs se rappellent peut-être qu'il n'y a que quelques semaines, j'ai parlé ici des résultats du rapport troublant sur l'antisémitisme en 2015-2016 de B'nai Brith. Le rapport a conclu que 2016 était une année record pour l'antisémitisme : il y a eu une hausse de 16 p. 100 des cas de vandalisme seulement.

C'est notamment pour cette raison que j'appuie le projet de loi C- 305. De plus, je souligne qu'il a obtenu le consentement unanime de la Chambre des communes.

La communauté juive est le groupe religieux le plus ciblé au Canada, et trois quarts des crimes motivés par la haine contre les juifs appartiennent à la catégorie du méfait. Ce ne sont là que les cas signalés. En fait, de nombreux incidents ne sont pas déclarés.

Tout récemment, dans la circonscription de York-Centre, près d'où je vis à Toronto, une résidence pour personnes âgées a été victime d'une attaque antisémite : des croix gammées ont été placées sur les portes des résidents. De nombreuses personnes qui vivent à cette résidence sont des survivants de l'Holocauste. C'était un acte déplorable.

Actuellement, le Code criminel protège uniquement les lieux de culte contre les méfaits motivés par les préjugés ou la haine. Le projet de loi C-305 vise à étendre la protection juridique contre les méfaits qui est accordée aux lieux de culte et aux autres propriétés qui sont cruciales au gagne-pain d'une communauté identifiable.

Le projet de loi est bien intentionné et il tombe à point. Le nombre de méfaits commis contre des communautés identifiables est en hausse. Au cours des six derniers mois, des synagogues, des mosquées et des églises ont été vandalisées non loin du Parlement. Les vandales ont dessiné des svastikas et ils ont écrit des propos haineux pour défigurer des lieux de culte paisibles.

Ces actes sont motivés par d'horribles préjugés et par la haine et ils font partie d'une tendance troublante et grandissante. Aujourd'hui, Statistique Canada a publié de nouvelles données qui indiquent que les crimes haineux contre les musulmans ont augmenté de 60 p. 100 entre 2014 et 2015.

Dans ma ville, Toronto, des vandales ont mis le feu à l'église catholique St. John the Evangelist et à un centre de renseignements islamique à seulement un mois d'intervalle.

Heureusement, ces actes sont sévèrement punissables aux termes du Code criminel actuel. Quiconque commet de tels actes ignobles contre des lieux de culte est passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans. Pourtant, comme le sénateur Gold l'a expliqué dans son intervention, si la même personne motivée par la même haine contre le même groupe devait commettre le même méfait, mais à l'égard d'une école, d'un cimetière ou d'une installation récréative, cette personne n'est pas passible de la même peine. Dans le dernier cas, l'auteur du méfait recevrait une peine cinq fois plus courte : une sentence maximale de deux ans. Il s'agit d'une lacune du système de justice pénale qui doit être comblée.

Lorsque des vandales se sont attaqués à l'Académie juive Yavne, à Côte-Saint-Luc, leurs actions n'ont été passibles que de deux ans d'emprisonnement. L'histoire est la même avec les vandales qui s'en sont pris à d'autres écoles, à des centres culturels et à des installations récréatives partout au pays. Deux ans ou moins, ce n'est pas de la justice pour des actes directs de sectarisme qui font la promotion de la violence et qui font régner la peur.

Grâce au projet de loi C-305, nous pourrons combler les lacunes et rééquiper et recalibrer le système de justice pénale canadien pour ainsi mieux combattre le fléau des méfaits motivés par la haine contre les minorités identifiables.

Je remercie le député Chandra Arya d'avoir présenté ce projet de loi indispensable, ainsi que le sénateur Gold de l'avoir parrainé au Sénat.

Honorables collègues, j'espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture afin qu'il puisse rapidement être renvoyé au comité et adopté par le Sénat pour garantir que les autorités locales et les juges soient bien habilités à lutter contre la menace croissante des méfaits contre les communautés minoritaires au Canada. Merci.

L'honorable Joan Fraser : Chers collègues, je tiens également à appuyer le projet de loi C-305, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il est simplement normal que, dans cette partie du Code criminel, nous élargissions les catégories de personnes protégées pour les faire correspondre à celles des autres lois visant à lutter contre la haine. Ainsi, si le projet de loi est adopté, nous élargirons la catégorie des méfaits pour qu'elle n'inclue pas seulement ceux motivés par la haine fondée sur la religion, la race, la couleur ou l'origine nationale ou technique, mais aussi ceux fondés sur d'autres facteurs, comme l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle ou les déficiences mentales ou physiques.

Toutefois, dès que nous faisons cela, nous nous rendons compte que nous devons également modifier les catégories de propriété à l'encontre desquelles les méfaits sont commis, car l'article actuel du Code criminel ne traite essentiellement que des méfaits qui touchent les biens et les lieux de cultes religieux. Toutefois, bien entendu, les groupes identifiables que nous ajouterons n'ont pas nécessairement d'églises, de synagogues, de temples ou d'autres lieux de culte.

L'orientation sexuelle n'est pas une religion, mais les personnes d'une orientation sexuelle donnée pourraient bien former un groupe identifiable, tout comme les autres personnes qui seraient couvertes en vertu des modifications apportées par le projet de loi.

Voilà pourquoi il est approprié d'étendre la protection au-delà des lieux de culte pour inclure les écoles, les garderies, les collèges, les universités, les centres culturels, les centres communautaires et les résidences pour personnes âgées lorsque ces bâtiments ou ces structures sont utilisés par des membres de groupes identifiables protégés.

Il est aussi approprié de le faire parce que ce genre de lieux — les centres communautaires, les écoles — sont au cœur même de la vie communautaire pour nombre de communautés minoritaires. Ils soutiennent une communauté, ils permettent à ses membres de s'exprimer et leur donnent la capacité d'exister avec la force que crée le sentiment de communauté. Nous devons protéger les membres de ces communautés.

Nous leur devons cette protection, car, comme les sénateurs Gold et Frum l'ont souligné, et comme nous le savons tous, des actes de haine et de violence sont posés régulièrement au Canada; c'est une réalité terrifiante. Ce ne sont pas des pratiques que nous défendons. Nous nous y opposons. Si nous nous y opposons en principe, nous devrions aussi nous y opposer en pratique de même que dans tous les aspects de la loi.

Nous devons tendre la main aux membres des groupes identifiables victimes de discrimination — souvent violente — et dire : « Nous sommes avec vous. Nous sommes à vos côtés. Nous allons vous défendre. Nous allons vous offrir une protection dans les lieux qui vous sont les plus chers. »

Je vous exhorte à appuyer le projet de loi, comme moi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Projet de loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Andreychuk, appuyée par l'honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle).

L'honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour continuer de parler du projet de loi C-337, Loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles.

La semaine dernière, j'ai commencé mon discours en indiquant que je soutenais l'objectif du projet de loi, c'est-à-dire de mettre un terme à l'incapacité honteuse du système de justice pénale au chapitre de la violence faite aux femmes et aux enfants, plus particulièrement les victimes d'agressions sexuelles.

En ce qui concerne la formation obligatoire en matière de droit relatif aux agressions sexuelles pour les personnes qui veulent accéder à la magistrature proposée par le projet de loi C-337, j'ai parlé d'Angela Cardinal, une plaignante autochtone sans abri et marginalisée dans une affaire d'agression sexuelle. Le juge avait exigé qu'elle soit emprisonnée avec son agresseur, comme si elle aussi était accusée, pendant les cinq jours de son témoignage.

La façon dont Mme Cardinal a été traitée par le système judiciaire nous rappelle que la dynamique de la misogynie ciblée par cette formation comme un élément de la violence faite aux femmes est également entremêlée avec des éléments liés au racisme, au colonialisme, à l'appauvrissement et aux préjugés de classe.

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Lors des audiences du comité à l'autre endroit, l'Association des femmes autochtones du Canada a souligné les effets de l'intersectionnalité qui font que les femmes autochtones comme Mme Cardinal risquent trois fois plus que les autres femmes au Canada d'être victimes d'agression sexuelle au cours de leur vie.

Cette statistique a été confirmée la semaine dernière dans la nouvelle étude de Statistique Canada sur les femmes et le système de justice pénale. L'Association des femmes autochtones du Canada établit un lien entre les décisions et les commentaires des autorités judiciaires, mais aussi ceux d'autres personnes, dans les affaires d'agressions sexuelles et la pérennisation du racisme, du sexisme et de la croyance selon laquelle la vie des femmes autochtones n'a pas de valeur, ainsi qu'avec le nombre considérable de cas de violence qui a mené à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Le lien entre l'expérience vécue par les femmes autochtones dans le système pénal et les effets persistants du colonialisme dont parle l'Association des femmes autochtones du Canada a été exposé par la professeure Dalee Sambo Dorough, une spécialiste des droits de la personne internationaux et des droits de la personne chez les Autochtones. Dans son essai intitulé Le droit à l'autodétermination des peuples autochtones et autres droits concernant l'accès à la justice : cadre normatif, Mme Dorough cite la définition de l'accès à la justice que donne l'Alliance globale contre le trafic des femmes et qui dit qu'il consiste à lever non seulement les obstacles juridiques et financiers, mais aussi les obstacles sociaux comme l'intimidation exercée par les institutions juridiques et législatives

Les travaux de Mme Dorough nous permettent de percevoir, par l'entremise des stéréotypes blessants auxquels les femmes autochtones doivent faire face au sein du système de justice, une réalité où le colonialisme est perpétué et où les droits des femmes autochtones sont bafoués parce qu'on leur refuse le statut qui leur permettrait de revendiquer des droits.

En raison du témoignage de l'Association des femmes autochtones du Canada et de celui d'autres témoins, le comité de l'autre endroit a ajouté au projet de loi C-337 une exigence concernant le contexte social, ainsi que des formations sur le droit relatif aux agressions sexuelles. J'applaudis cette mesure qui permettra d'accroître la sensibilisation à la dynamique de l'intersectionnalité dans le contexte des agressions sexuelles et je souhaite que ces nouvelles dispositions soient étudiées de près afin de veiller à ce qu'elles soient efficaces et qu'elles tiennent compte de la façon dont le contexte politique et l'iniquité contribuent également au déni persistant des droits des femmes, et plus particulièrement des femmes autochtones.

Les mesures de formation juridique du projet de loi C-337 découlent du traitement des juges à l'égard des femmes et du besoin d'aborder et de contester les mythes misogynes. Les cas qui servent à illustrer le besoin pour de telles mesures continuent à se produire et son plus récents que les commentaires formulés par Robin Corbin en 2014 à l'égard des femmes autochtones, comme Angela Cardinal, ainsi que d'autres qui ont dû composer avec l'appauvrissement, l'itinérance et leur propre statut d'Autochtone.

Le projet de loi C-337 s'attaque aussi à une deuxième vague de mythes entourant la présomption que la capacité des juges à évaluer la crédibilité d'une personne et leur efficacité à rendre justice aux personnes qui ont subi une agression sexuelle va de soi, sans aucune formation. La professeure Elaine Craig, lors de son témoignage devant le comité de la Chambre des communes, a attiré l'attention sur le fait que, en dépit de l'indépendance du mécanisme qui sert à nommer les juges, nous devons tout de même choisir un juge parmi un bassin très restreint de personnes privilégiées. Le fait de devoir comprendre l'expérience des autres et de remettre en question nos propres hypothèses sur le sexe, la race et la classe est une tâche que beaucoup d'entre nous avons de la misère à exécuter jour après jour. Cela doit également être difficile pour les juges, même si la diversité au sein du groupe ne cesse de s'accroître. Comme trop de cas l'ont révélé, la condition préalable pour devenir juge, soit d'avoir 10 ans de service en tant qu'avocat œuvrant dans n'importe quel domaine du droit, ne veut pas nécessairement dire que ces compétences sont acquises.

Le projet de loi C-337 propose des formations obligatoires en matière d'agression sexuelle et de tout autre contexte connexe, et vise à s'assurer que les juges répondent aux normes élevées qui leur sont imposées en raison de leur position de gardiens du système judiciaire.

En plus d'imposer des formations en matière d'agression sexuelle aux juges, le deuxième objectif du projet de loi C-337 est d'accroître la transparence et la reddition de comptes en demandant que les décisions qui sont rendues dans tous les cas d'agression sexuelle entendus par un juge sans jury soient transcrites ou enregistrées dans le but de mettre en lumière les cas où les conclusions ont été faussées par des présomptions ou des stéréotypes sexistes et discriminatoires. Les exemples récents de cas très médiatisés de juges qui font preuve d'une conduite ou d'un raisonnement discriminatoire et problématique dans des cas d'agression sexuelle comprennent notamment le fait de demander à une femme pourquoi elle n'a pas tout simplement « fermé les jambes », d'affirmer que les « personnes saoules peuvent être consentantes » et d'emprisonner des femmes afin de les forcer à témoigner dans des contextes peu favorables et qui les victimisent à nouveau. Ces cas connus soulignent à quel point il est facile pour des affirmations misogynes et bien souvent racistes, qui ne représentent pas du tout l'expérience des femmes qui sont victimes de violence, de passer inaperçues dans notre système de justice pénale. La réalité, c'est que beaucoup trop de femmes ont appris que c'était normal d'accepter ce genre de traitement, dans des proportions inouïes, si bien que pour bon nombre d'entre elles, cela illustre le symbole emblématique de la justice aveugle, un symbole de notre système judiciaire, qui devient alors un système qui est incapable de voir les répercussions des traitements qu'il fait subir aux personnes qui sont victimes, particulièrement celles qui sont marginalisées en raison de leur race, de leur sexe, de leur appauvrissement et, de plus en plus, de leur handicap.

Prétendre que les cas qui ont reçu l'attention des médias ne sont pas représentatifs ou sont des incidents isolés équivaut à nier à quel point la misogynie est courante et systémique; elle est présente chaque jour dans les salles d'audience d'un bout à l'autre du Canada. Les cas qui ont reçu une attention considérable sont simplement ceux qui ont pu être découverts grâce aux recherches effectuées par quelqu'un ou au fait qu'un journaliste se trouvait dans la salle d'audience et a décidé de faire un reportage une fois que l'affaire a été jugée.

Ainsi, le projet de loi C-337 exige que les jugements soient enregistrés, mais il ne s'agit que d'un pas pour mettre en lumière toute l'ampleur du problème, pour assurer une plus grande responsabilité des juges — et, vraisemblablement, des autres personnes dans le système — et pour garantir la protection de celles qui ont été victimes d'agression sexuelle. Cependant, afin d'être les plus efficaces possible, les exigences qui visent une plus grande transparence doivent être soutenues par d'autres mesures. Notamment, les témoins devant le comité de la Chambre ont souligné la nécessité d'avoir des ressources adéquates pour soutenir le coût élevé et le temps nécessaire pour rendre des décisions écrites.

Une autre recommandation était d'assurer que les décisions écrites qui en résultent soient publiées de façon à garantir l'accessibilité pour les chercheurs et les membres du grand public. Plus particulièrement, étant donné le rôle joué par les chercheurs comme les professeures Elizabeth Sheehy et Elaine Craig pour étudier et exposer les cas comme celui de Robin Camp, il faut prévoir des ressources pour la collecte régulière des données par des experts pour permettre des recherches et d'autres activités de sensibilisation à l'intention de tous les intervenants du système si l'on veut dépasser la connaissance fragmentaire actuelle du problème.

Je conclus en réitérant mon appui à l'objectif du projet de loi C- 337 de rendre le système de justice pénale, et surtout ses agents, plus sensibles et plus respectueux des réalités des femmes concernant leurs expériences de marginalisation et de discrimination, qui durent souvent toute leur vie.

J'espère que nous pourrons collaborer afin de rendre le projet de loi C-337 aussi efficace que possible et d'offrir les premiers éléments d'une réponse attendue depuis longtemps à la violence faite aux femmes et aux enfants, qui est trop souvent tolérée par le système de justice.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour dire quelques mots en faveur du projet de loi C-337. Le projet de loi a été très bien décrit par sa marraine au Sénat, la sénatrice Andreychuk, et la sénatrice Pate n'a pas tari d'éloges à son endroit.

Je suis intervenu pour informer le Sénat que le gouvernement du Canada appuie cette initiative et que le projet de loi est jugé prioritaire par rapport à d'autres mesures dont nous sommes saisis.

Le projet de loi est le fruit du travail réalisé par l'autre Chambre. Le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes a déposé un rapport intitulé Agir pour mettre fin à la violence faite aux jeunes femmes et aux filles au Canada. Dans le rapport, surtout dans la section sur l'amélioration des systèmes de police dans le système de justice pénale, le comité a souligné que :

[...] beaucoup de survivantes de violences sexistes, particulièrement d'agression sexuelle, ne croient pas qu'elles obtiendront justice. Peu de crimes de ce genre sont signalés [...]

De plus, le nombre de cas signalés à la police est très élevé par rapport au nombre de poursuites intentées dans le système de justice pénale.

En raison de cette constatation, les députés se sont penchés sur les mesures qui pourraient être prises. Le gouvernement et moi félicitons l'honorable Rona Ambrose, chef intérimaire du Parti conservateur à l'époque, d'avoir présenté le projet de loi C-337. Grâce au travail effectué à l'autre endroit, le projet de loi C-337 a été adopté à l'étape du rapport et a ensuite franchi l'étape de la deuxième lecture le 15 mai. Les partisans du projet de loi ont compris que, en agissant rapidement pour contribuer à rétablir la confiance rompue, on participe en fait aux efforts globaux visant à améliorer la façon dont l'appareil judiciaire traite les cas d'agression sexuelle. Les autres acteurs du système doivent bien sûr prendre eux aussi des mesures pour rétablir le lien de confiance. Ce projet de loi réussit à traiter les Canadiens qui aspirent à faire partie de la magistrature ou qui en font déjà partie de manière équilibrée. Grâce à lui, la magistrature autant que les organismes de soutien connexes connaîtront les attentes du Parlement concernant la formation des juges sur les agressions sexuelles et le contexte social dans lequel elles s'inscrivent

(2120)

Le projet de loi respecte aussi le principe de l'indépendance judiciaire e en laissant le soin à la magistrature de déterminer elle- même la formation que devront suivre les juges des cours supérieures et la manière dont cette formation devra être suivie — un élément auquel la sénatrice Andreychuk tenait tout particulièrement. Le lien entre le Parlement et la magistrature demeurera donc intact. J'ai d'ailleurs confirmé auprès de la ministre de la Justice que mon interprétation est la bonne.

Quant aux juristes tentés d'accéder à la magistrature, le projet de loi constituera une excellente raison pour qu'ils suivent de leur propre chef la formation requise. Ce projet de loi fait partie des nombreux textes que nous étudierons au cours des prochaines semaines, et il est particulièrement important. J'ai rencontré Mme Ambrose jeudi dernier pour lui signifier que j'appuierais sont projet de loi et que j'inviterais les sénateurs à l'étudier attentivement, il va sans dire, mais aussi à l'adopter le plus rapidement possible.

Je terminerai en rappelant à mes honorables collègues, dans l'esprit de bonne volonté qui semble animer les sénateurs des deux côtés de la salle, que le Sénat est saisi de nombreux autres projets de loi qui doivent eux aussi être étudiés, décortiqués et mis aux voix. Il a notamment été question plus tôt aujourd'hui du projet de loi C- 210. Je n'ai pas l'intention de m'attarder inutilement, simplement de souligner la bonne volonté dont ont fait montre les sénateurs de toutes les allégeances à l'égard de nombreux projet de loi. Espérons que le temps où d'aucuns s'amusaient à bloquer les projets de loi qui heurtaient leurs préférences est révolu.

Sur ce, je laisse le projet de loi entre vos mains. Je vous laisse aussi les autres projets de loi qui sont au programme dans l'espoir que nous pourrons en débattre sainement dans les prochains jours, mais que nous pourrons aussi arriver à une conclusion.

(Sur la motion du sénateur Cormier, au nom de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)

L'étude sur les questions relatives à l'Examen de la politique de défense entrepris par le gouvernement

Onzième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénatrice Martin,

Que le onzième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Réinvestir dans les Forces armées canadiennes : Un plan pour l'avenir, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 8 mai 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Défense nationale étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du onzième rapport du Comité sénatorial permanent de la Sécurité nationale et de la défense, intitulé Réinvestir dans les Forces armées canadiennes : Un plan pour l'avenir.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais remercier le sénateur Lang, qui préside ce comité, pour son aide afin d'orienter l'étude, ainsi que le sénateur Kenny, dont l'expertise sur le sujet nous a grandement aidés à rédiger le rapport. Je voudrais aussi remercier les autres membres du comité qui ont mis la main à la pâte. Enfin, je tiens à souligner le travail de Marcus Pistor, Holly Porteous et Katherine Simmonds, de la Bibliothèque du Parlement, ainsi que le travail d'Adam Thompson, greffier du comité.

Réinvestir dans les Forces armées canadiennes : Un plan pour l'avenir est le deuxième rapport publié dans le cadre de l'Examen de la politique de défense entrepris par le Comité sénatorial permanent sur la sécurité nationale et de la défense. Ce rapport élargit le contenu du premier rapport, Sous-financement des Forces armées canadiennes : Passons de la parole aux actes, en élaborant un plan pour que le gouvernement puisse surmonter efficacement les difficultés stratégiques que vivent le Canada et les militaires qui servent leur pays au sein des Forces armées canadiennes au XXIe siècle.

Ce plan est énoncé dans 30 recommandations, adoptées par le comité après un long processus de discussions, de débats et de compromis. Ces recommandations sont groupées en deux catégories : les questions liées au manque de matériel des Forces armées canadiennes, et les questions liées aux militaires des Forces armées canadiennes.

Au cours de son discours concernant ce rapport, le sénateur Lang a parlé de façon exhaustive des parties de ce plan qui exigent des investissements urgents en équipements pour les militaires canadiens; je n'en parlerai donc pas en détail aujourd'hui. Par contre, j'aimerais faire écho à son message sur l'importance de traiter avec le sous-financement et les lacunes capacitaires au sein des Forces armées canadiennes.

Le fait de consacrer 0,88 p. 100 du PIB à la défense n'est tout simplement pas suffisant pour composer avec les nombreuses exigences du Canada en matière de défense. Voilà pourquoi je suis heureuse que le ministre Sajjan se soit engagé à mieux soutenir nos soldats et nos anciens combattants en rééquipant nos miliaires. Il s'agit d'un premier pas important que le Canada doit faire pour combler les lacunes capacitaires que le comité a mis en lumière dans ce rapport, notamment, une flotte de chasseurs vieillissante, dont nombre d'aéronefs datent de la guerre froide; un manque de bâtiments qui peuvent surveiller nos côtes et naviguer dans l'Arctique canadien; l'incapacité de ravitailler les bâtiments et les aéronefs à l'étranger; et, enfin, le manque de formation, d'équipements et de financement appropriés pour les réservistes. Sans un soutien et des équipements adéquats, nos militaires ne pourront pas accomplir tout ce à quoi nous nous attendons d'eux.

Cela dit, j'aimerais parler ce soir des parties du rapport qui portent sur les défis que doivent relever les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes. Quand on pense à tout ce que risquent les membres des Forces armées canadiennes en servant le pays ici et à l'étranger, il nous incombe d'aplanir les obstacles auxquels elles font face. Notre rapport signale deux grands domaines où le gouvernement doit agir afin d'appuyer les Forces armées canadiennes : l'inconduite sexuelle et la diversité.

Le premier, l'inconduite sexuelle, a constamment été un problème majeur dans les Forces armées canadiennes. Selon Statistique Canada, 960 membres à temps plein des Forces armées canadiennes, soit 2 p. 100 de l'effectif total, ont rapporté une agression sexuelle au cours de l'année passée. De plus, 27,3 p. 100 de toutes les femmes ont rapporté avoir été victime d'une agression sexuelle au moins une fois depuis qu'elles sont entrées dans l'armée. En d'autres termes, les femmes des Forces armées canadiennes courent deux fois plus de risques d'être victimes d'inconduite sexuelle que dans la population civile.

Pour souligner le caractère dévastateur de ces expériences, j'aimerais vous communiquer l'histoire d'une victime d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Son histoire montre à quel point il importe de s'attaquer au problème.

À l'âge de 18 ans, Lise Gauthier est entrée dans l'Aviation royale canadienne, où elle a servi pendant 25 ans. Tout au long de sa carrière, Lise a été victime de viol, d'agression sexuelle, de harcèlement et de bien d'autres formes d'abus de la part d'autres militaires. Voilà comment elle décrit son traumatisme :

Je pense tout le temps aux attaques, 24 heures sur 24. Je ne peux pas m'en empêcher. Je ne souhaite à personne de vivre ce que j'ai vécu, même à mon pire ennemi. La vie s'arrête et l'on est en mode de survie. Le mieux qu'on peut faire, c'est de respirer.

Honorables sénateurs, c'est tout simplement inacceptable. Les problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes en font un milieu de travail dangereux pour les femmes qui servent notre pays. Cela a des répercussions graves pour les Forces armées canadiennes. Tous les témoins s'étant exprimés sur ce sujet ont précisé clairement que, lorsque les membres ne se sentent pas en sécurité dans leur milieu de travail, cela entraîne une baisse du moral, une diminution du recrutement, ainsi que des difficultés à maintenir en poste des femmes au sein des Forces armées canadiennes. Pour cette raison, nous sommes bien loin de notre objectif visant à ce que les femmes représentent 25 p. 100 de l'effectif des Forces armées canadiennes. Nous avons à peine atteint la moitié de cette cible. Les femmes représentent seulement 14,6 p. 100 de l'effectif des Forces armées canadiennes et 8,9 p. 100 de celui de l'Aviation royale canadienne. Les Forces armées canadiennes ne pourront jamais atteindre leur plein potentiel si elles demeurent un milieu de travail dangereux.

Pour remédier à ce problème, notre comité a souligné deux mesures que le gouvernement doit prendre.

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Premièrement, nous encourageons le gouvernement à suivre toutes les recommandations du rapport Deschamps, qui souligne la nécessité d'un sérieux changement de culture au sein des Forces armées canadiennes pour mettre fin à l'inconduite sexuelle et énumère plusieurs étapes importantes pour que ce changement soit possible. Ces étapes sont l'adoption de l'analyse comparative entre les sexes, la clarification des définitions d'agression sexuelle et de harcèlement sexuel, la création de structures de soutien aux victimes de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle, la création d'un centre spécialisé de responsabilisation chargé de recevoir les plaintes en matière d'agression sexuelle et la mise en place de programmes de formation pour prévenir les agressions et le harcèlement sexuels.

Notre comité convient que la juge Deschamps a tracé une importante feuille de route pour faire des Forces armées canadiennes un lieu de travail sûr et en encourage vivement l'adoption.

Deuxièmement, nous encourageons le gouvernement à prioriser la mise en vigueur de l'opération HONOUR, une initiative lancée par le chef d'état-major de la Défense, Jonathan Vance, pour mettre fin aux comportements sexuels préjudiciables au sein des Forces armées canadiennes au moyen de programmes à court terme et à long terme. L'opération HONOUR est facilement l'un des meilleurs outils du Canada pour éliminer l'inconduite sexuelle et faire des Forces armées canadiennes un lieu de travail plus sûr.

Les cas de harcèlement sexuel sont maintenant examinés aux plus hauts niveaux au ministère de la Défense nationale et plusieurs programmes de formation ont été lancés pour aider les militaires à réagir sur-le-champ-aux incidents d'inconduite sexuelle.

Cela étant dit, il reste encore beaucoup à faire. Au cours de notre étude, nous avons appris que les progrès réalisés grâce à l'opération HONOUR sont lents et qu'un grand nombre des initiatives qu'il prévoit en sont encore aux premiers stades. Notre comité veut voir des résultats et s'est engagé à faire un suivi, au moyen d'audiences et d'un rapport, au cours de la présente législature. Nous sommes déterminés à faire des Forces armées canadiennes un lieu de travail sûr pour les femmes et nous continuerons de faire pression pour l'application des recommandations du rapport Deschamps et la poursuite de l'opération HONOUR.

Le deuxième défi vient du fait que les Forces armées canadiennes n'atteignent pas leurs objectifs d'équité en matière d'emploi. Le gouvernement a fixé la cible à 11,8 p. 100 pour la représentation des minorités visibles et à 3,4 p. 100 pour la représentation des Autochtones. Toutefois, les Forces ne sont qu'à mi-chemin dans l'atteinte de leurs cibles. À l'heure actuelle, les minorités visibles ne composent que 6,5 p. 100 des forces armées canadiennes et les Autochtones, seulement 2,5 p. 100. Lorsque nous négligeons d'inclure tous les Canadiens, nous nous privons des compétences et des talents qu'ils possèdent. Comme l'ont souligné le vérificateur général, le chef d'état-major de la Défense et le ministre Sajjan, nous ratons ainsi une bonne occasion de renforcer les capacités opérationnelles des Forces armées canadiennes.

Notre échec par rapport à l'atteinte de ces cibles s'explique par une raison bien simple : nous ne tentons même pas d'aller à la rencontre de la population diversifiée et multiculturelle du Canada. Avant le début de l'année en cours, le Canada ne s'était même pas doté d'un plan global pour attirer les minorités visibles et les Autochtones. Nous devons continuer dans cette voie. Pour que les minorités visibles et les Autochtones se joignent aux Forces armées canadiennes, nous devons axer nos efforts en ce sens.

Il faut aller à la rencontre de tous les Canadiens. Quelques projets ont été lancés pour ce faire. Plus tôt cette année, le ministère de la Défense nationale a mis sur pied un groupe de travail sur le recrutement et la diversité et l'a chargé de planifier et d'exécuter des programmes en vue d'augmenter la diversité à tous les niveaux et dans tous les secteurs de l'armée.

Les mesures prises par le gouvernement ne doivent pas se limiter à cela. Pour assurer la véritable intégration des minorités visibles et des Autochtones, les Forces armées canadiennes doivent remplir leurs obligations aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Parce qu'il reconnaît l'efficacité de ce genre d'approche, le comité souhaite que le gouvernement continue dans cette direction et adhère à ses obligations aux termes de cette loi.

Avant de terminer, j'aimerais parler brièvement du rapport dans son ensemble. Bien que je n'approuve pas toutes ses recommandations, telle est la nature des comités. Nos rapports sont le produit de discussions et de compromis. Malgré cela, je peux dire sans réserve que j'appuie les Forces armées canadiennes et je crois qu'on devrait leur donner tout ce dont elles ont besoin pour réussir.

Lorsque j'ai voyagé avec les Forces armées canadiennes dans plusieurs pays, les gens m'ont parlé de nos réalisations militaires. Au Darfour et au Soudan, les habitants m'ont dit que les Forces armées canadiennes sont des hommes et des femmes exceptionnels. « Le jour, ils travaillent dur pour sauver nos vies, et le soir, la nuit et les fins de semaine, ils travaillent inlassablement pour nous aider à bâtir des orphelinats et des écoles et donner de l'espoir à notre pays. »

Honorables sénateurs, les membres des Forces armées canadiennes mettent leur vie en danger dans le cadre de leur travail et font du Canada et du monde des lieux plus sûrs. Les deux parties du rapport énoncent les problèmes les plus importants pour les militaires, allant du sous-financement chronique au vieillissement du matériel, sans oublier un lieu de travail non sécuritaire. La moindre des choses que nous puissions faire pour eux est de remédier aux difficultés qu'ils éprouvent. Pour cette raison, je vous demande votre appui pour l'adoption du rapport.

(Sur la motion du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

[Français]

L'étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique

Adoption du quatrième rapport du Comité des langues officielles et de la demande de réponse du gouvernement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P.,

Que le quatrième rapport du Comité permanent des langues officielles, intitulé Horizon 2018 : Vers un appui renforcé à l'apprentissage du français en Colombie-Britannique, qui a été déposé au Sénat le 31 mai 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre du Patrimoine canadien étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Services publics et de l'Approvisionnement, de la Famille, des Enfants et du Développement social, de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique et de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a effectué une étude intitulée Horizon 2018 : Vers un appui renforcé à l'apprentissage du français en Colombie-Britannique, concernant les défis auxquels font face les élèves et les parents pour accéder à des écoles françaises, ainsi qu'à des programmes d'immersion française en Colombie-Britannique.

Avant tout, j'aimerais remercier la sénatrice Tardif, présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, ainsi que tous les sénateurs du comité qui ont contribué à effectuer cette étude en Colombie-Britannique.

Je remercie également les témoins qui ont participé à l'étude qui a mené à ce rapport. Merci d'avoir mis en lumière les enjeux de la francophonie dans ma province de la Colombie-Britannique : vos témoignages nous ont été indispensables.

Les sénatrices Tardif et Gagné ont présenté le rapport avec beaucoup de discernement et de clarté lors de leur discours respectif. Elles ont souligné les recommandations du rapport face aux enjeux de la francophonie et elles encouragent une collaboration entre la ministre du Patrimoine canadien et le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique. Cette collaboration entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial est essentielle pour veiller à offrir une éducation francophone et un programme d'immersion qui puissent être accessibles aux élèves.

Non seulement notre nation croit au bilinguisme, mais il s'agit d'un droit énoncé dans la Charte canadienne des droits et libertés comme suit, et je cite :

Le droit reconnu aux citoyens canadiens [...] de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d'une province :

a) s'exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l'instruction dans la langue de la minorité;

b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d'enseignement [...]

Ce droit permet donc à un parent francophone de ma province, où la langue française est en minorité, d'avoir accès à une éducation en français pour ses enfants.

Honorables sénateurs, je suis impatiente de travailler avec le nouveau ou la nouvelle commissaire aux langues officielles afin d'assurer la mise en œuvre et le respect de ce droit en Colombie- Britannique. Je voudrais remercier le commissaire sortant, M. Graham Fraser, du travail qu'il a fait pour les Canadiens.

Lors de cette étude, plusieurs statistiques frappantes ont été mentionnées; entre 2006 et 2011, la population francophone de la Colombie-Britannique a connu une croissance, et l'usage du français, comme langue première, a augmenté pour plus de 12 400 individus.

Malgré l'excellente étude et le travail de recherche effectué par le Comité sénatorial permanent des langues officielles, ainsi que les recommandations et les progrès à venir, je demeure mécontente. Ma frustration a trait au manque de considération et de reconnaissance dont nous faisons preuve à l'égard des communautés francophones non originaires du Canada, ainsi qu'au peu de financement accordé à l'éducation en immersion française.

(2140)

Tout d'abord, le rapport nous montre que plus de 185 000 immigrants se sont installés dans ma province de la Colombie- Britannique entre 2006 et 2011. Environ 30 p. 100 de la population francophone de la Colombie-Britannique est d'origine immigrante. Cela signifie que ceux dont la langue maternelle n'est pas nécessairement le français, mais qui ont une connaissance de cette langue sont de plus en plus nombreux à s'identifier à la francophonie et à démontrer une appartenance à la culture francophone canadienne.

J'aimerais vous parler d'une francophone qui n'est pas d'origine canadienne. Benula Larsen est originaire de l'Île Maurice. Le français est l'une des premières langues qu'elle a apprises, avec le créole. À l'école secondaire, elle s'est liée d'amitié avec des camarades d'origine iranienne et québécoise. Ensemble, ils ont créé le Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique, qui existe encore aujourd'hui, dont la mission est de promouvoir la fierté de la francophonie auprès des jeunes.

Mme Larsen m'a dit ce qui suit :

La francophonie, et mon amour pour cette langue ont fait de moi la personne que je suis aujourd'hui. Je suis fière d'être enseignante en immersion française. J'habite cette province depuis 35 ans, c'est mon chez-moi.

C'est grâce à la langue française que je me suis si bien intégrée ici. Malgré tout, il nous reste beaucoup de travail à faire pour que nos élèves accèdent à une éducation en français. Certains immigrants ne sont pas informés à leur arrivée au pays qu'une éducation en français est possible.

Honorables sénateurs, il y a de nombreux francophones comme Mme Larsen dans ma province. Ma grande amie Padminee Chundunsing est également d'origine mauricienne. Elle est présidente de la Fédération des francophones de la Colombie- Britannique. Mme Larsen et Mme Chundunsing sont très impliquées et contribuent sans cesse à la culture francophone dans l'Ouest canadien.

Des francophones comme elles forment 30 p. 100 de la population francophone de ma province, c'est-à-dire des gens qui s'identifient à la langue française, sans être d'origine canadienne. Ce pourcentage de la population francophone reçoit très peu de distinction.

Dans le rapport du Comité des langues officielles, la 12e recommandation demande à la ministre du Patrimoine canadien, au ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, ainsi qu'au ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique de faire en sorte que les immigrants francophones soient informés de la possibilité d'accéder à une éducation en français en Colombie- Britannique.

Le deuxième défi concerne le peu d'accessibilité aux programmes d'immersion française. Il y a eu une augmentation de 75 p. 100 des inscriptions dans les écoles francophones entre 1997 et 2014, et une hausse de 65 p. 100 au sein des programmes d'immersion lors de la même période. Ces statistiques, tirées du rapport, le prouvent. Il n'y a aucun doute : la demande et l'intérêt sont là.

Malgré la forte demande et les longues listes d'attente pour les programmes d'immersion française, la Commission scolaire de Vancouver a réduit ses classes de près d'un tiers pour la rentrée scolaire en septembre 2017. Cette différence est très considérable. Je comprends que l'éducation peut sembler être un problème provincial. Néanmoins, selon moi, le bilinguisme est une affaire nationale.

Mes deux enfants sont parfaitement bilingues. Ils veulent transmettre cet héritage linguistique à leurs enfants. Mon petit-fils était sur la liste d'attente de 13 écoles primaires en immersion. C'est grâce à ma belle-fille, Shaleena, qui a appelé ses contacts personnels, que mon petit-fils a enfin une place dans une salle de classe en immersion. De nombreux parents déploient des efforts et espèrent que leurs enfants soient acceptés en immersion. Empêcher les enfants d'accéder à une éducation en français est inacceptable. Cela nuit à la croissance et à l'épanouissement du bilinguisme canadien dans ma province. Le financement n'augmente pas au même rythme que les inscriptions.

La onzième recommandation du rapport s'adresse à la ministre du Patrimoine canadien afin que, de concert avec le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique, on puisse répondre à l'intérêt grandissant à l'égard des programmes d'immersion en garantissant leur accessibilité et un financement nécessaire pour soutenir ces initiatives. Permettre aux parents et aux élèves d'accéder à une éducation en français et à des programmes d'immersion, c'est leur accorder un droit linguistique fondamental, comme le prévoit la Chartre canadienne des droits et libertés.

À titre de parlementaires, de politiciens et de représentants du gouvernement fédéral, nous avons le devoir de promouvoir l'éducation en français et en anglais, et ce, partout au Canada. Nous devons offrir aux élèves une éducation en français, nécessaire à leur identité culturelle. Depuis plusieurs décennies, ces problèmes se répètent d'année en année. Ils ne se régleront pas seuls.

Dans le cadre de la renégociation par le gouvernement fédéral du Protocole d'entente relatif à l'enseignement dans la langue de la minorité et à l'enseignement de la langue seconde en 2018, le rapport du Comité des langues officielles arrive à point. C'est le moment propice pour les gouvernements fédéral et provinciaux de montrer que la cause du bilinguisme leur tient à cœur en Colombie- Britannique et partout au pays.

De plus, dans le cadre de la négociation du nouveau Protocole d'entente en éducation et du prochain Plan pluriannuel des langues officielles, je demande à la ministre du Patrimoine canadien de joindre sa voix aux communautés francophones de la Colombie- Britannique, et de donner un coup de pouce au financement de l'éducation en immersion. L'appui financier est urgent et l'accessibilité est toute aussi importante.

Si nous n'offrons pas les ressources nécessaires ni l'accessibilité aux enfants pour l'apprentissage du français en Colombie- Britannique, nous ne serons jamais réellement une nation bilingue. Je suis une fervente militante des droits des minorités linguistiques en Colombie-Britannique.

Que ce soit pour les francophones et les francophiles comme moi, je crois sincèrement au bilinguisme. C'est ainsi que je demande au gouvernement de reconnaître les 30 p. 100 de francophones d'origine non canadienne, qui contribuent sans relâche à la richesse de la francophonie de ma province. Si nous prenons réellement au sérieux le bilinguisme, nous devons fournir les ressources nécessaires aux programmes d'immersion française.

Honorables sénateurs, le bilinguisme de l'anglais et du français est ce qui rend notre nation unique. Le bilinguisme est à la base de notre identité canadienne. Le bilinguisme est l'héritage le plus riche que nous pouvons offrir aux générations à venir. Ne pas encourager l'éducation francophone et l'immersion, c'est nuire à cet héritage culturel.

Nous sommes une nation bilingue, et nous nous devons de promouvoir cette richesse. Honorables sénateurs, un Canada anglophone, un Canada francophone et un Canada bilingue et uni sont vraiment nécessaires.

(2150)

[Traduction]

Honorables sénateurs, je crois sincèrement que, si nous voulons sérieusement faire de notre pays un pays bilingue, qu'il demeure un pays bilingue, nous devons fournir sérieusement des ressources aux provinces.

Les ressources fournies aux enfants en Colombie-Britannique sont très mauvaises. Voilà pourquoi je suis heureuse et fière de faire partie du Sénat qui, grâce à l'initiative de la sénatrice Tardif, se penche sur la question. Je sais qu'elle surveillera continuellement la situation, afin que les enfants de Terre-Neuve, du Québec et de la Colombie-Britannique parlent tous nos deux langues, le français et l'anglais.

[Français]

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, je tiens à féliciter la sénatrice Jaffer pour son excellent discours que je ne reprendrai certainement pas.

Au cours de notre visite en Colombie-Britannique, la présidente, madame la sénatrice Tardif, nous a fait découvrir un autre Canada, celui d'une minorité francophone qui baigne dans une mer d'anglophones. Nous y avons découvert là des parents, des enfants et des enseignants tout à fait extraordinaires.

Monsieur le Président, je sais que vous êtes un excellent pêcheur. Disons que la langue française, c'est comme une rivière à saumon. Par moments, elle est turbulente, mais, finalement, elle se retrouve en eaux calmes. C'est ce que nous avons vu en Colombie- Britannique.

La principale difficulté pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, tant du côté anglophone que du côté francophone, c'est que l'éducation est de compétence provinciale. On pourrait demander des millions de dollars au ministère du Patrimoine qui les distribuerait aux provinces, mais encore faudrait- il s'assurer que l'argent sera versé en faveur de l'éducation et au bon endroit. Voilà où se situe le nœud du problème.

Lorsque le président du Conseil du Trésor, M. Scott Brison, a comparu devant le comité, nous lui avons demandé s'il y avait des moyens de contrôler la reddition de comptes et si l'argent était réellement destiné aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Malheureusement, le Canada n'a pas une telle loi.

Toutefois, le président du Conseil du Trésor a promis que, au cours de la prochaine année, il réglerait une bonne partie du problème. En ce moment, le gouvernement fédéral, peu importe son allégeance, distribue des sommes d'argent aux provinces qui, elles, les distribuent là où il y a des communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais, malheureusement, on sent qu'elles ne le font pas, et c'est pourquoi il faut adopter une loi-cadre.

Honorables sénateurs, n'oublions pas une chose. Une langue, aussi belle et douce soit-elle, est une langue morte si elle n'est pas partagée. Je remercie les gens de la Colombie-Britannique de leur accueil, en particulier la famille de la sénatrice Jaffer, qui parle très bien français et qui nous a chaleureusement accueillis. Voilà, honorables sénateurs, un bon exemple de ceux qui vivent pleinement le bilinguisme. Merci.

Son Honneur le Président : Les sénateur sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

L'étude sur les rapports du directeur général des élections sur la quarante-deuxième élection générale

Dix-septième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, intitulé Contrôler l'influence étrangère sur les élections canadiennes, déposé auprès du greffier du Sénat le 8 juin 2017.

L'honorable Bob Runciman propose :

Que le dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, intitulé Contrôler l'influence étrangère sur les élections canadiennes, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 8 juin 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12- 24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre des Institutions démocratiques étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, je serai très bref.

J'espérais que la sénatrice Frum soit présente pour parler de cette question, puisqu'elle a présenté un projet de loi portant là-dessus.

Le comité a effectué un examen de la Loi électorale du Canada. Il a entendu les témoignages du directeur général des élections, M. Mayrand, qui, depuis, a pris sa retraite, ainsi que du commissaire aux élections fédérales, M. Yves Côté. Les recommandations figurant dans le rapport découlent des témoignages de ces deux personnes — surtout de celui de M. Côté, selon moi. Il existe des préoccupations graves sur la possibilité que des entités étrangères interviennent dans le processus électoral au Canada. La recommandation ou la préoccupation principale contenue dans le rapport porte là-dessus.

Nous avons entendu des témoignages importants au sujet de la vulnérabilité qui existe dans le cadre de l'actuelle Loi électorale du Canada. À titre d'exemple, il n'est pas nécessaire de déclarer les contributions étrangères faites un tiers, à condition qu'elles servent à effectuer des appels automatisés, des sondages, et ainsi de suite.

Évidemment, on peut se demander quelles sommes des entités étrangères investissent dans les campagnes de tiers. C'est une autre bonne question. Aux termes de la loi actuelle, des entités étrangères peuvent envoyer de l'argent à un tiers sans être tenues de le déclarer, à condition que cela soit fait avant la période de six mois précédant une élection.

Des entités étrangères peuvent verser des millions de dollars à un tiers avant la période de six mois et, si vous voulez, cet argent peut s'amalgamer au compte bancaire du tiers. L'argent peut être dépensé pour toutes sortes d'initiatives, à condition qu'elles ne soient pas visées par la définition du mot « publicité ».

La définition de publicité — et il s'agit d'une autre recommandation contenue dans le rapport — est très étroite. Elle est désuète. Elle s'applique à la vieille publicité faite à l'aide d'affiches, dans les journaux et à la radio traditionnelle — à ce qu'on pourrait qualifier de publicité. Nous savons toutefois qu'il est possible d'utiliser toutes sortes d'autres moyens pour promouvoir la candidature d'une personne ou un parti politique en particulier.

Nous avons demandé une révision de la définition de « publicité » afin que nous puissions la mettre à jour relativement aux médias sociaux, à la commandite de concerts, aux sondages, aux appels automatiques et à toutes les autres questions qui, à notre avis, devraient être couvertes par une définition plus moderne de « publicité ».

J'essaie de me souvenir s'il y a d'autres sujets que je devrais aborder.

Nous recommandons aussi des vérifications aléatoires des tiers. Il s'agit d'une mesure qui, j'ose espérer, limiterait leurs activités dans une certaine mesure en ce qui concerne l'exploitation de la loi actuelle.

Honorables sénateurs, je pense que nous respectons vraiment la décision rendue par la Cour suprême en 2004 dans l'affaire Harper, qui portait sur les limites de dépenses des tiers.

L'objectif, relativement à la décision de la Cour suprême, consistait à uniformiser les règles du jeu. C'est aussi ce dont il est question dans le rapport. De toute évidence, selon le témoignage des deux agents, les règles ne sont pas uniformes à l'heure actuelle et nous exhortons le gouvernement à intervenir. Une autre élection se tiendra dans un peu plus de deux ans. Le gouvernement devra prendre des mesures bientôt s'il veut mettre en œuvre des solutions. C'est pour cette raison que nous avons demandé une réponse détaillée et complète du gouvernement.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement afin de remercier le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles du rapport qu'il vient de déposer, et qui s'intitule Contrôler l'influence étrangère sur les élections canadiennes.

(2200)

Je tiens à féliciter le président du comité, le sénateur Runciman, et le vice-président, le sénateur Baker, ainsi que tous les membres du comité qui ont décidé d'attirer l'attention sur cette question à la fois importante et inquiétante.

Comme nous l'avons appris lors des audiences du comité, contre toute logique et de manière entièrement contraire à la démocratie et à la souveraineté du Canada, le financement électoral étranger est permis par la Loi électorale du Canada dans certaines circonstances. Nous avons pris conscience de cela grâce aux témoignages et à des documents qui nous ont été prêtés par Élections Canada. Je vais citer un des passages importants du rapport pour ceux qui n'ont pas eu la chance de le lire :

Malgré les défis que pose la lutte contre l'ingérence étrangère, il faut intégrer aux lois électorales du Canada des interdictions fermes et des conséquences pénales suffisantes pour dissuader les individus et dénoncer les violations. Ainsi, on pourrait envisager de prévoir dans la loi la saisie et la confiscation des biens des entités étrangères qui tentent d'interférer avec nos élections.

Les recommandations proposées dans le rapport étaient tout à fait conformes au projet de loi S-239, la Loi visant l'élimination du financement électoral étranger, que j'ai présenté au Sénat le 30 mai. Le projet de loi S-239 vise à corriger les lacunes de la Loi électorale du Canada qui permet à de tierces parties de recevoir un financement étranger pour financer des activités électorales. L'ancien directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, a dit que les échappatoires étaient suffisamment importantes pour qu'un Boeing 747 puisse passer au travers. J'invite les honorables sénateurs à lire le rapport pour mieux comprendre les lacunes du droit canadien qui permettent à des entités étrangères de s'ingérer dans les élections canadiennes. Étant donné les allégations d'ingérence étrangère soulevées récemment aux États-Unis, les Canadiens doivent prendre au sérieux le fait que cela pourrait se produire ici aussi. Je tiens à remercier une nouvelle fois le sénateur Runciman et le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles de leur excellent travail.

L'honorable Art Eggleton : Accepteriez-vous de répondre à une question? Vous avez dit croire que cela se produit actuellement. Il ne s'agit pas simplement d'une théorie. Cela se produit réellement. Pouvez-vous donner quelques exemples ou fournir quelques éléments de preuve à cet égard? Vous avez parlé de l'ingérence étrangère dans les élections américaines. Êtes-vous en train de dire que les Russes font du piratage? Quels sont vos exemples?

La sénatrice Frum : Sénateur, le rapport et mon projet de loi portent sur les échappatoires qui existent à l'heure actuelle. Je ne fais pas d'allégation précise quant à savoir qui s'est ingéré dans nos activités, quand cela a eu lieu et où cela a eu lieu. Je dis simplement que, comme nous l'avons appris lors des audiences du comité, l'ingérence étrangère est légale lorsqu'elle se fait par l'intermédiaire d'un tiers six mois avant la tenue d'une élection. Dans une telle situation, si les fonds ne sont pas utilisés pour des dépenses de publicité, comme le sénateur Runciman vient de l'expliquer, c'est tout à fait légal pour une entité étrangère de contribuer financièrement à des activités liées à des élections. Il n'est pas question de savoir si cela s'est produit. Le fait est que c'est légal. Cela peut se produire. C'est permis, mais il faut y mettre un terme.

Le sénateur Eggleton : Je comprends très bien en quoi consiste une activité liée à des élections. Nous savons tous que s'il s'agit d'appuyer un parti ou un autre. C'est facile à comprendre. Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut l'interdire. Il y a toutefois quelques zones grises, comme les questions d'orientations stratégiques. Des environnementalistes d'autres pays, par exemple, pourraient verser des fonds à un organisme environnemental dans notre pays. La NRA, c'est une autre histoire. Il pourrait s'agir de contribuer à un dossier d'intérêt public. Cela pourrait déplaire à l'un des partis, et ce parti pourrait considérer cette contribution comme de l'ingérence dans le processus électoral. Est-ce que ce genre de situation est visé?

La sénatrice Frum : Non, ce genre de situation n'est pas visé. S'il est question d'orientations stratégiques, alors ce n'est pas visé. Les activités liées à des élections peuvent toutefois être définies et expliquées. Comme l'a mentionné le sénateur Runciman, ce sont des activités comme les sondages, la télésollicitation et les appels automatisés. Élections Canada connaît les activités liées aux élections. Ces activités sont définies dans la loi. Il n'est pas question d'interdire des dons étrangers à des œuvres de bienfaisance ou à des organismes sans but lucratif.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de donner un autre exemple. Lorsque nous discutions de la question des pipelines au Comité des transports, vous avez exprimé des plaintes sur les activités anti- pipelines et le financement de celles-ci. L'industrie pétrolière, qui appartient essentiellement à des intérêts étrangers, contribuait aussi à l'autre camp. Alors, n'est-ce pas ce qui motive ceci? Cela ne fait-il pas partie de ce que vous examinez?

La sénatrice Frum : Ce qui motive ceci, c'est le fait que, comme tous les autres patriotes du Canada, je crois que les élections canadiennes devraient appartenir aux Canadiens et qu'aucune voix étrangère ne devrait s'ingérer dans les choix que nous faisons en tant que Canadiens. Voilà ce qui nous motive.

(Sur la motion du sénateur Gold, le débat est ajourné.)

Banques et commerce

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les opérations de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, de l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement et de l'ADR Chambers—Bureau de l'Ombudsman des services bancaires—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Lankin, C.P.,

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à :

a) Étudier les opérations de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) ainsi que l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement (OSBI), et l'ADR Chambers — Bureau de l'Ombudsman des services bancaires (ADRBO);

b) Étudier le respect et l'interaction de ces organismes envers les juridictions provinciales;

c) Étudier et déterminer les pratiques exemplaires d'organismes similaires ailleurs dans le monde;

d) Fournir des recommandations pour s'assurer que l'ACFC, l'OSBI, et l'ADRBO puissent mieux protéger les consommateurs et respecter les compétences provinciales;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 31 mai 2017 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, je serai très brève, étant donné l'heure tardive.

J'appuie particulièrement cette motion. Elle est née de notre expérience avec le projet de loi C-29 l'an dernier : le comité a convaincu le gouvernement d'adopter un amendement proposant de retirer une partie du projet de loi d'exécution du budget afin qu'elle devienne indépendante et soit traitée séparément. Il s'agissait des dispositions visant l'établissement de l'Agence de la consommation en matière financière qui allait s'appliquer, parce que c'était un projet de loi fédéral, à tout le pays. Cet amendement a été appuyé à l'unanimité par les membres conservateurs, libéraux et indépendants du comité, et, à notre grande joie, par le gouvernement.

Il restait à définir les prochaines étapes à suivre afin que le projet ne reste pas en suspens. Il a été entendu que nous devrions prendre des mesures pour créer une Agence de la consommation en matière financière du Canada qui était au moins aussi efficace, sinon meilleure, que les organismes existants dans les provinces et les territoires. Le fait est qu'elle n'est pas aussi efficace que les organismes de certaines provinces et qu'elle n'est certainement pas meilleure que ceux de l'ensemble des provinces.

La motion a donc été présentée afin que le Comité des banques soit autorisé à étudier cette question étant donné que ses membres détiennent une expertise et connaissent bien le dossier. Voilà ce que la motion no 146 visait.

Nous n'avons pas pu avancer le dossier aussi rapidement que nous l'aurions voulu, mais nous n'en sommes pas moins intéressés par le sujet. Nous souhaitons toujours que cette étude ait lieu, et j'appuie fermement cette initiative. Je suis persuadée que nous pourrons discuter de ce dossier et lancer l'étude au Comité des banques.

Je dois avouer que nous étions peut-être outrancièrement optimistes en novembre dernier. Nous avions stipulé dans la motion que le comité devait rendre son rapport final au plus tard le 31 mai 2017. Nous sommes le 13 juin 2017. Alors, plutôt que de simplement utiliser mon temps de parole pour demander encore une fois l'ajournement au nom du sénateur Tkachuk, qui a la courtoisie de me laisser prendre la parole, j'aimerais plutôt proposer un amendement.

Motion d'amendement

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, je propose l'amendement suivant :

Que la motion ne soit pas adoptée maintenant, mais qu'on la modifie en remplaçant les mots « 31 mai 2017 » par les mots « 18 mars 2018 ».

(2210)

Son Honneur le Président : Sénatrice McCoy, demandez-vous aussi le consentement pour que la question soit ajournée au nom du sénateur Tkachuk?

La sénatrice McCoy : J'en serais ravie.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : D'accord.

(La motion d'amendement est adoptée.)

(Sur la motion de la sénatrice McCoy, au nom du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Programme de contestation judiciaire

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Chaput, attirant l'attention du Sénat sur le Programme d'appui aux droits linguistiques, l'importance d'assurer un financement public pour des recours en justice visant une société juste et équitable et l'urgence pour le gouvernement fédéral de rétablir le Programme de contestation judiciaire.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je comprends que l'heure est tardive, mais cet article en est à sa 14e journée à l'ordre du jour. Avant de demander le consentement de maintenir l'ajournement à mon nom, j'aimerais vous expliquer les trois aspects de cette interpellation, que j'aborderai dans ma présentation à une date ultérieure.

Comme cette interpellation traite du soutien financier au Programme de contestation judiciaire en ce qui a trait aux langues officielles, et compte tenu du fait que j'ai mis sur pied ce programme il y a plus de 33 ans, vous comprendrez que le premier aspect que je voudrais aborder est l'identification de toutes les causes qui ont été portées devant les tribunaux à l'aide de ce financement, afin d'en faire le bilan. En d'autres mots, à quoi a servi le programme et quelles en ont été les réalisations?

Le deuxième aspect que j'aimerais aborder avec vous est celui de l'utilité du programme eu égard à l'actuelle Loi sur les langues officielles. Comme vous le savez, le commissaire aux langues officielles, la semaine dernière, a déposé son rapport au Sénat par l'intermédiaire du Président. Ce rapport contient une seule recommandation, c'est-à-dire procéder à la révision de la Loi sur les langues officielles. Or, des règlements ont été adoptés à la suite de l'application de cette loi et qui, à mon avis, sont contraires à l'esprit de la loi. La loi n'est pas qu'une éthique des principes. Un esprit est sous-jacent à la loi. À mon avis, cette réglementation, en particulier eu égard à la demande importante ou suffisante, est inconstitutionnelle.

Enfin, le troisième aspect que j'aimerais aborder dans le cadre de cette interpellation vise à attirer votre attention, puisque nous célébrons cette année le 150e anniversaire de la Confédération canadienne, sur le fait que la Loi constitutionnelle de 1867, dont nous célébrons aussi le 150e anniversaire cette année, est toujours en vigueur dans une seule langue officielle, à savoir l'anglais.

L'article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982 dit ce qui suit.

[Traduction]

Vous allez être surpris parce que cet article de la Constitution, à mon humble avis, n'a pas encore été mis en œuvre après 35 ans, et je crois que cette mesure législative est inconstitutionnelle dans sa forme actuelle.

Permettez-moi de lire l'article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982.

[Français]

Je vais la lire en français :

Le ministre de la Justice du Canada est chargé de rédiger, dans les meilleurs délais, la version française des parties de la Constitution du Canada qui figurent à l'annexe [...]

[Traduction]

Depuis 1984, ou 1982, soit depuis l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, en vertu de la Constitution, par l'entremise du ministre de la Justice, nous avons l'obligation d'adopter une version française de la Constitution aussitôt que possible. Après 35 ans, même si cela semble évident, nous attendons depuis trop longtemps que ce soit fait « aussitôt que possible ».

Je vais lire l'article 55 en anglais pour que vous puissiez y réfléchir au cours des prochains jours d'été :

A French version of the portions of the Constitution of Canada referred to in the schedule shall be prepared by the Minister of Justice of Canada as expeditiously as possible [...]

C'était il y a 35 ans. N'importe qui peut aller devant les tribunaux pour contester la constitutionnalité de la loi de 1987.

Pour faire suite à ma présentation, j'aimerais exposer un problème. Quand je dis « nous », je veux dire que, collectivement, en tant que pays, nous avons un problème.

[Français]

Comme nous célébrons le 150e anniversaire de la Confédération, et que le gouvernement a placé bien haut la nature bilingue du Canada dans cet anniversaire, je crois qu'il serait opportun, entre autres, que le Comité sénatorial permanent des langues officielles fasse rapport sur cette question. Il me semble que, dans toutes ces célébrationsqui visent à souligner les réalisations du Canada, il y a un défaut majeur dans notre Loi constitutionnelle de 1867, et c'est qu'elle est toujours en vigueur dans une seule langue, à savoir la langue anglaise, dans laquelle elle a été adoptée par le Parlement de Westminster à l'époque. Or, les 15 lois qui, par la suite, ont été adoptées depuis 1867 afin de modifier la loi originale sont toujours en vigueur uniquement dans la langue anglaise.

Cela peut vous paraître une anomalie ou une fantaisie qui ne change pas l'application de la loi. Toutefois, je peux vous affirmer que, un jour ou l'autre, un Canadien se présentera devant les tribunaux, avec l'appui du Programme de contestation judiciaire, et remettra en cause la constitutionnalité de la loi, comme les lois du Manitoba ont été remises en cause parce qu'elles avaient été adoptées uniquement en anglais. Toute la législation du Manitoba, sur 90 ans, a été décrétée non constitutionnelle par la Cour suprême du Canada.

C'est un problème, à mon avis, extrêmement sérieux. Je crois que cette interpellation, qui soulève l'importance du Programme de contestation judiciaire eu égard à la Loi sur les langues officielles et à la Loi constitutionnelle de 1867, devrait faire rapidement l'objet d'une étude par le Comité des langues officielles du Sénat. Dans le cadre des célébrations du 150e anniversaire du Canada, il me semble qu'il y aurait un correctif important à apporter à cette situation. L'occasion est propice pour que, comme institution parlementaire, nous prenions une position formelle sur cette question, en demandant au ministre de la Justice et au gouvernement de répondre à une recommandation que ferait le Sénat sur cette question.

Il me reste encore un peu de temps. J'aimerais demander votre consentement pour ajourner le débat. Cela me permettrait de revenir sur les deux autres points que j'ai soulevés, qui sont des préoccupations que je voulais partager avec vous dans le cadre de cette interpellation.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé que nous ajournions le débat au nom du sénateur Joyal pour le reste de son temps de parole?

Des voix : Oui.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

(2220)

[Traduction]

Le Sénat

Motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d'étudier le rôle de la Direction des communications—Ajournement du débat

L'honorable Pierrette Ringuette, conformément au préavis donné le 8 juin 2017, propose :

Que :

1. la prochaine fois que les Autres affaires seront appelées après l'adoption de cette motion, le Sénat se forme en comité plénier afin d'étudier le rôle de la Direction des communications;

2. ce comité plénier se réunisse à chaque séance subséquente du Sénat, au début des Autres affaires, jusqu'à ce qu'il ait terminé ses travaux, sans devoir faire rapport de l'état de la question et demander la permission de siéger de nouveau;

3. pendant que ce comité plénier se réunit, les dispositions de l'article 12-33 du Règlement soient suspendues, à condition qu'un sénateur puisse à tout moment proposer que la séance soit levée, cette motion étant mise aux voix sans débat ni amendement, et, si elle est adoptée, le comité lèvera sa séance jusqu'au moment prévu au paragraphe 2 de cet ordre;

4. ce comité plénier entende le président du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration; la directrice des Communications; la directrice des Services d'information; le directeur des Ressources humaines ainsi que tout autre témoin qu'il juge approprié;

5. une fois les travaux du comité terminés, la présidence fasse rapport le plus tôt possible lors de la présentation ou dépôt de rapports de comités au cours des Affaires courantes.

— Honorables sénateurs, avant de commencer mon intervention sur cette motion, je demande le consentement du Sénat pour présenter et distribuer à tous les sénateurs présents trois documents qui devraient, selon moi, vous aider à suivre le déroulement des événements que je m'apprête à vous expliquer.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Sénatrice Ringuette, avant que nous accordions le consentement, pourriez-vous expliquer en quoi consistent ces trois documents?

La sénatrice Ringuette : Oui. Ces deux documents concernent l'organigramme de la Direction des communications sur le site du Sénat et de la Direction des communications sur le site Intratel.

La sénatrice Martin : Vous avez parlé de trois documents.

La sénatrice Ringuette : Oui.

La sénatrice Martin : Vous avez mentionné deux organigrammes.

La sénatrice Ringuette : Oui, il y a deux organigrammes; l'un est daté du 23 mai et l'autre est daté du 25 mai.

La sénatrice Martin : Qu'en est-il du troisième document?

La sénatrice Ringuette : Il provient du site web du Sénat.

La sénatrice Martin : Pardonnez-moi; vous avez dit qu'il y avait trois documents. Quel est le troisième document?

La sénatrice Ringuette : Il y a deux organigrammes du site web du Sénat et un du site Intratel.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordée pour le dépôt des documents?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Ringuette : Honorables sénateurs, ce qui a commencé comme une question de routine concernant un rapport de comité s'est transformé en tout autre chose. D'après moi, il faut maintenant s'y pencher au moyen de ma motion tendant à nous réunir en comité plénier afin de respecter le principe de transparence.

J'exposerai les événements qui se sont produits par rapport à la Direction des communications du Sénat et au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Ces événements concernent le treizième rapport. Cependant, ils sont distincts du rapport en tant que tel et doivent faire l'objet d'une enquête.

D'abord, laissez-moi souligner que la motion dans le 13e rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a été présentée lors de la réunion du Comité de la régie interne qui s'est tenue le 15 décembre 2016. C'était le dernier jour de séance avant le congé de Noël. Étant donné qu'il a fallu cinq mois au sénateur Housakos pour présenter le rapport au Sénat, il n'était certainement pas urgent d'accéder à cette demande précise au comité de la régie interne en ce dernier jour de séance avant le congé de Noël.

Est-ce aussi une coïncidence que le sénateur Housakos ait tenté de forcer la tenue d'un vote au Sénat pour faire adopter le 13e rapport le 18 mai, c'est-à-dire — encore une fois — le dernier jour avant une pause?

Si la sénatrice Fraser n'était pas intervenue, le débat aurait été interrompu, et nous n'aurions pas pu voir la suite des choses.

Je tiens également à rappeler aux sénateurs que nous sommes les gardiens individuels et collectifs de cette institution. Il ne devrait y avoir aucune honte à poser des questions et à se renseigner sur les faits dans une institution transparente comme le Sénat.

J'aimerais maintenant exposer les faits découlant de mes recherches, qui justifient ma demande que nous siégions en comité plénier.

Honorables sénateurs, les documents auxquels je ferai allusion sont également disponibles à mon bureau. L'un d'entre eux, que vous avez devant vous, a été modifié entre le 23 et le 25 mai. Il faut déterminer qui, dans la chaîne de commandement, a apporté ou réclamé ces modifications. Je reviendrai sur ce document plus tard, dans mon intervention.

Il est important que nous comprenions clairement, sur les plans individuel et collectif, le déroulement des événements.

J'ai commencé mes recherches en examinant le procès-verbal de la réunion du 15 décembre 2016 du Comité de la régie interne. Je tiens d'abord à remercier les sénateurs Wells et Marshall des questions qu'ils ont posées lors de cette réunion. Ils ont mis l'accent sur trois problèmes : premièrement, en présentant la motion directement au Comité permanent de la régie interne, le président contournait le processus habituel en vertu duquel elle doit d'abord être soumise au Sous-comité d'examen des budgets des comités; deuxièmement, si le Sénat approuvait cette demande, nous ferions fi de la recommandation du rapport de Blueprint voulant que tous les présidents de comité soient responsables des relations de leur comité avec les médias; troisièmement, la somme de 108 000 $ prévue serait retirée de façon permanente des fonds dont disposent tous les autres comités pour faire leur travail.

Si vous n'avez pas lu le rapport de Blueprint Public Relations, je vous conseille de le faire. Il s'agit d'un examen en profondeur des communications au Sénat. Ses recommandations contredisent le treizième rapport, malgré ce que certains peuvent en dire.

Quand je lis le procès-verbal, il est évident que la demande visant à embaucher une personne spécialement chargée des relations avec les médias qui aurait travaillé pour le Sous-comité des communications a été faite sans préparation. Dans les 30 premières secondes de son exposé, le sénateur Housakos a dit que le poste serait à temps plein, mais il a fini par dire que ce ne serait pas le cas. Aucune description de travail n'avait été préparée, pas plus que les exigences de qualification. Aucun processus d'embauche ouvert et transparent, aucun concours ni aucun processus de sélection n'a été présenté. On allait procéder sur simple recommandation. Autrement dit, il n'y avait pas de plan adéquat et transparent.

Les seuls éléments d'information fournis sur ce poste consistaient à dire, comme le sénateur Housakos l'a fait, que le travail s'apparenterait à celui d'un attaché politique et qu'il demandait l'autorisation de confier au sous-comité le mandat de trouver des candidats. Puis, il a terminé en disant que cet attaché de presse serait le porte-parole du Sénat.

Honorables sénateurs, l'étude d'experts et les recommandations contenues dans le rapport de Blueprint déposé au Sénat en 2015 n'ont fait l'objet d'aucun débat ni d'aucun vote dans cette enceinte. Le rapport de Blueprint ne recommandait pas deux canaux de communication pour le Sénat. Il indiquait que le porte-parole du Sénat devait être le Président et son cabinet et que la Direction des communications du Sénat devait être constituée de spécialistes en communication non partisans, mais sensibles aux questions politiques. C'est ce que disaient les recommandations 3, 7e, 7f et 7g du rapport de Blueprint.

Le modèle recommandé par les experts dans le rapport de Blueprint ne prévoyait pas que le Sous-comité des communications embauche une personne chargée des relations avec les médias, contrairement à ce qu'a indiqué le sénateur Housakos au Comité de la régie interne, lors d'une réunion tenue il y a cinq mois, et contrairement à ce qu'il a déclaré dans cette enceinte le 18 mai.

(2230)

Lors du débat du 18 mai, j'ai demandé au sénateur Housakos quel était l'effectif de la Direction des communications du Sénat, quel était son budget et à quoi elle servait. J'ai aussi demandé pourquoi la Direction des communications du Sénat ne pouvait pas fournir au Comité de la régie interne l'expertise en communications dont il a besoin alors qu'elle avait pour mandat de le faire pour tous les autres comités permanents du Sénat.

Il a répondu que la direction comptait 22 employés et disposait d'un budget d'un million de dollars et a indiqué qu'elle faisait de la sensibilisation et la promotion des travaux des comités. Il a ajouté que la direction ne s'occupait pas des relations avec les médias.

Lorsque j'ai voulu confirmer cette information, j'ai découvert qu'il y avait 26 personnes à la Direction des communications, qui disposait d'un budget annuel de 2 470 205 $ et non d'un million.

Le 23 mai, le site web du Sénat présentait la Direction des communications du Sénat comprenait une unité dotée de quatre personnes chargée de rédaction et de relations avec les médias. C'est dans le document, à gauche.

Le 23 mai, la Direction des communications s'occupait bien de relations avec les médias.

Honorables sénateurs, durant la semaine de pause en mai, alors que je faisais des recherches sur cette question, le journaliste du Hill Times a interviewé le sénateur Housakos et a demandé de l'information au personnel du sénateur Housakos par courriel. J'avais refusé une interview du Hill Times pour finir mes recherches et je n'ai pas encore accordé d'interview.

D'après l'article qui a paru dans le Hill Times quelques jours après le débat du 18 mai, le sénateur Housakos a réitéré que les Communications du Sénat ne s'occupent pas de relations avec les médias et qu'il ne trouve pas cela étrange, qu'il y avait 22 employés aux Communications du Sénat avec un budget d'un million de dollars, que le service suivait les recommandations du rapport de Blueprint et qu'il avait sollicité des candidats auprès de tous les sénateurs pour économiser.

Il soutenait que, afin de donner des réponses claires et en temps opportun aux demandes des médias, il est mieux que ces demandes soient traitées par le personnel politique qui travaille pour la régie interne plutôt que par le personnel non politique des communications du Sénat, et que nous lui donnions de l'information qui est, bien entendu, concrète et transparente.

Honorables sénateurs, en ce qui a trait à cette entrevue et à l'article du Hill Times paru le 29 mai et à la suite de mes recherches, je ne suis pas certaine que de l'information concrète et transparente a réellement été fournie aux médias.

J'ai obtenu une copie de l'échange de courriels entre le personnel du sénateur Housakos et le journaliste du Hill Times. L'une des choses que le journaliste a demandées, le 24 mai, c'était la liste des employés de la Direction des communications du Sénat. La liste été envoyée la journée même. Or, elle ne mentionnait pas le service des relations avec les médias composé de quatre personnes de la Direction des communications, dont les employés de mon bureau ont fait imprimer la liste des employés, prise le 23 mai sur le site web du Sénat. Cette liste se trouve devant vous.

C'était seulement une journée plus tôt.

Les employés de mon bureau sont retournés sur le site web du Sénat pour voir l'organigramme de la Direction des communications. À notre grande surprise, le service composé de quatre personnes qui se trouvait sous la rubrique « rédaction et relations avec les médias » le 23 mai se trouvait désormais — le 25 mai — sous une rubrique modifiée ou redéfinie ainsi : « rédaction et sensibilisation des médias ».

Je crois que le service des TI du Sénat est en mesure de nous dire à quel moment précis ce changement a eu lieu. Par contre, je ne sais pas qui est à l'origine de ce changement et quel rôle ont joué les ressources humaines du Sénat dans ce changement de titre et de poste.

Je tiens à rappeler aux sénateurs que le site web du Sénat est géré par le Sénat, mais que le site IntraTel qui se trouve sur votre ordinateur est géré par la Chambre des communes. Voilà pourquoi vous avez le troisième document d'IntraTel.

Même si le site web du Sénat a été modifié dans les 24 heures, entre le 23 et le 25 mai, en fonction des déclarations faites par le sénateur Housakos dans cette Chambre le 18 mai et de l'entrevue qu'il a accordée au journaliste du Hill Times dans laquelle il disait que la Direction des communications du Sénat ne s'occupait pas de relations avec les médias...

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

La sénatrice Ringuette : Environ trois minutes.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Ringuette : Selon le titre de ces personnes qui figure sur notre site Intratel, elles s'occupent toujours de relations avec les médias.

Honorables sénateurs, les faits et la transparence entourant le 13e rapport sont pour le moins discutables. Les faits concrets et la question de la transparence envers le Sénat et les médias devront être approfondis.

Je répète que les questions que j'ai posées le 18 mai au sujet du rapport du Comité de la régie interne étaient des questions courantes, mais ce qui a suivi à l'extérieur du Sénat s'est transformé en quelque chose d'autre. Je dois dire que les événements auxquels mes questions ont donné lieu me laissent perplexe. Certaines déclarations pourraient être considérées comme des erreurs commises de bonne foi. Par contre, le changement qui a été fait du jour au lendemain dans le titre de quatre membres du personnel des relations avec les médias est un acte délibéré soulevant des questions qui demandent réponse. Nous devons savoir quel est le rôle de la Direction des communications du Sénat et si elle s'occupe ou non de relations avec les médias et pourquoi. Quel est le lien entre la Direction des communications et le Sous-comité des communications? Nous avons besoin de chiffres exacts quant au nombre d'employés et au budget. Nous devons découvrir comment et pourquoi l'information figurant sur le site web a été modifiée justement au moment où ces questions étaient soulevées.

C'est pourquoi je demande que le Sénat se forme en comité plénier et entende les témoins mentionnés dans ma motion. J'invite les sénateurs à voter rapidement pour que nous puissions avancer dans ce dossier. Obtenons des réponses à nos questions et des renseignements concrets avant d'ajourner pour l'été.

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je comprends que c'est une question relevant de la régie interne et une question de processus, mais c'est une question sur laquelle nous devons nous pencher. Des allégations dénuées de tout fondement ont été faites et j'estime que je suis dans l'obligation d'y donner suite immédiatement.

(2240)

D'abord et avant tout, j'aimerais répondre à ce qui a été dit concernant mes commentaires de la semaine dernière sur les budgets et le personnel. J'ai déclaré, ici même la semaine dernière, qu'il y avait 22 employés. J'ai aussi indiqué que le budget était d'un peu plus de deux millions de dollars. Je crois que c'est ce que j'ai dit.

J'ai dit 22. Évidemment, ce n'était pas le nombre exact de 26. Cela démontre très bien que, en ce qui concerne la Direction des communications du Sénat, moi et le Sous-comité des communications ne faisons pas de microgestion. Je ne connaissais pas le chiffre exact des quelque 2,2 millions de dollars, car comme je l'ai dit, nous ne faisons pas de microgestion du fonctionnement de la direction, mais nous savons que c'est un peu plus de 2 millions de dollars.

En ce qui a trait à vos commentaires concernant le rapport de Blueprint et le fait que l'entreprise a recommandé que les relations avec les médias et l'attaché de presse ou le porte-parole de l'institution passent par le bureau du Président; c'était certainement le cas à ce moment-là. Je souhaite rappeler le contexte. Je veux rappeler à mes collègues que, à l'époque du rapport de Blueprint, j'étais président du Comité de la régie interne ainsi que Président du Sénat. Blueprint était d'avis que le président du Comité de la régie interne devrait être le porte-parole afin d'établir un lien direct avec les médias et de traiter certaines des questions en cause.

Si vous vous en souvenez, nous avions beaucoup de difficultés, car les médias n'obtenaient pas de réponses rapides aux questions importantes soulevées. La responsabilité revenait au personnel administratif. Parfois, la tribune de la presse devait attendre des jours avant de recevoir les réponses à ces questions importantes.

Blueprint — et j'encourage tous les sénateurs à lire ce rapport — a certainement recommandé que les gens qui s'exprimaient au nom de l'institution devaient être des sénateurs et non des bureaucrates. C'était la décision de l'époque. Nous l'avons suivie et je pense que cela a bien servi l'institution.

Par conséquent, nous avons pris une mesure sans précédent, et nous avons formé le Sous-comité des communications. Honorables sénateurs, je n'ai pas fait cela de façon unilatérale, et ce n'était certainement pas ce caucus qui l'a fait de façon unilatérale. C'était une décision prise par le Comité permanent de la régie interne, lors d'une discussion collective — une discussion pour parvenir à un consensus — avec tous les leaders et les caucus du Sénat. Nous avons créé ensemble ce sous-comité.

De plus, je puis assurer à tous les sénateurs que tous les caucus ont été représentés dans ce sous-comité depuis sa constitution. Je puis également assurer les sénateurs que nous n'avons pas voté une seule fois sur une question. Si nous n'avions pas un consensus sur une question, nous n'allions pas de l'avant, peu importe la question. L'une d'elles, encore une fois, était la gestion des relations avec les médias.

Nous avons pris la décision collective que le président et le vice- président du Sous-comité des communications devraient être le président et le vice-président du Comité permanent de la régie interne, car cela renforcerait la précision des informations fournies aux journalistes de la tribune de la presse et nous permettrait de donner des réponses en temps opportun; c'est ce que nous avons réussi à accomplir.

Selon la sénatrice Ringuette, tout s'est fait à la dernière minute, il y a eu une grande conspiration, et le sénateur Housakos a présenté cela au Comité de la régie interne avant l'ajournement pour Noël.

Bien sûr que je l'ai fait, car cela faisait un an et demi que le Sous- comité des communications — et la sénatrice Cordy peut le confirmer — et tous les membres de ce sous-comité disaient qu'il fallait engager quelqu'un de façon permanente pour effectuer le travail du président et du vice-président de ce comité pour régler les questions, la gestion et les relations avec les médias — car au cours des deux dernières années, ces tâches étaient assumées surtout par mon bureau.

Nous savons tous ce que Jacqui Delaney a réussi à faire pour ce sous-comité, bien souvent avec l'aide d'un des adjoints du bureau de la sénatrice Cordy. Cependant, au fil des mois, nous en sommes venus à la conclusion qu'une personne précise devrait être affectée à ce comité.

Chers collègues, le Comité de la régie interne, qui se trouve à être le comité qui s'occupe le plus de questions opérationnelles au Sénat, n'a jamais eu de budget unique ou d'employé précis pour s'occuper des relations avec les médias ou de tout autre dossier par le passé.

Lorsque nous avons pris la décision il y a deux ans de nous donner des moyens d'action, parce que nous croyions que nous devions répondre directement aux questions de la tribune de la presse lorsque nous discutions d'enjeux qui touchent le Sénat, et, plus précisément, du Comité de la régie interne, nous nous sommes posé la question suivante : le poste devrait-il être permanent ou temporaire?

Au bout du compte, sénatrice Ringuette, la seule raison pour laquelle le sous-comité en est venu à la conclusion que ce poste devrait être contractuel, c'est parce que nous voulions éviter, dans quelques mois, lorsqu'il y aura un nouveau président et un nouveau vice-président, toute situation où un sénateur pourrait dire : « Sénatrice Cordy, sénateur Housakos, votre comité et vous avez choisi d'embaucher un employé permanent pour ce poste, mais cela ne traduit pas vraiment les vœux du nouveau président. » Voilà l'unique raison pour laquelle nous avons convenu qu'il serait mieux d'embaucher un employé contractuel.

Vous avez affirmé que j'ai tenté de précipiter le vote dans cette enceinte. Ce n'est pas du tout ce que j'ai fait. Il s'agissait en fait d'une demande de financement.

Il reviendra à ce même sous-comité de décider de la façon dont un nouvel employé sera embauché, comme ce fut le cas de toutes les autres décisions qui ont été prises.

Les trois caucus y sont représentés : les conservateurs, les libéraux et le gouvernement. Le sous-comité compte aussi un représentant à temps plein, et le Groupe des sénateurs indépendants en fait partie lui aussi.

En aucun moment le sous-comité a pris une décision sans consulter au préalable les dirigeants de votre groupe. Qui plus est, les décisions qu'il prend sont soumises à l'approbation du comité directeur du Comité de la régie interne, où votre caucus est aussi représenté.

Personne n'essaie de berner qui que ce soit. Vous estimiez peut- être que ce poste aurait dû être permanent et qu'un concours aurait dû être lancé, mais le comité n'a jamais rejeté les suggestions de qui que ce soit, qu'elles viennent d'un groupe minoritaire ou majoritaire. Je ne comprends donc pas trop où vous voyez une conspiration dans tout cela.

Vous avez aussi parlé du Sous-comité des communications.

Chers collègues, je n'ai pas eu l'occasion de me préparer aussi bien que la sénatrice Ringuette. Je réponds spontanément à ses questions, je présente les faits tels qu'ils sont, et je m'en tiens à cela.

J'ignore comment l'appellation « coordonnatrice des relations avec les médias » a pu se retrouver sur le site web de la Direction des communications, parce que c'est le genre de microgestion que j'évite. Je peux vous assurer qu'en aucun temps je n'ai donné instruction à la Direction des communications de remanier le titre de ses employés.

Le sénateur Mitchell pourrait vous le confirmer, nous avons tous les deux fait partie de ce comité. La sénatrice Cordy et vos collègues qui y ont siégé pourraient vous le confirmer aussi. Je ne fais pas ce genre de microgestion et je ne me mêle pas du titre des gens.

Je vous vous assurer d'une chose : pour ce qui est de la coordonnatrice des relations avec les médias, Sonja Noreau, elle s'occupe de coordonner les relations externes des comités. C'est son travail. Quand un comité, celui de la défense, de la sécurité nationale ou un autre, prépare un rapport et veut le faire publier, le président et le vice-président élaborent un programme de relations externes.

Toutefois, elle ne s'occupe pas des relations avec les médias. Elle peut faire appel à la coordonnatrice des relations avec les médias, mais elle ne s'occupera jamais, au nom de l'institution du Sénat, d'une question adressée par la presse. Elle ne répondra jamais à de telles questions.

Comment s'est-elle attribué ce titre? Je ne le sais vraiment pas, mais les membres du Sous-comité des communications et moi pouvons vous assurer que, au cours des deux dernières années, c'est Jacqui Delaney qui s'est occupée de toutes les relations avec les médias. Nous nous sommes dotés d'un système où nous consultons tous les membres de ce comité en ce qui a trait aux questions et aux réponses.

Chers collègues, en fin de compte, je n'ai jamais essayé de faire avaler de force des recommandations sur les communications à qui que ce soit, lors d'une séance du comité plénier.

Si la sénatrice Ringuette ne fait pas confiance à ses collègues membres de son caucus et qu'elle ou un autre sénateur veulent créer un autre comité de surveillance, qui serait chargé de surveiller le sous-comité, ce qui signifie qu'un autre comité de surveillance se superposerait au Comité de la régie interne, je veux bien laisser la Chambre décider s'il y a lieu d'avaliser cette conclusion.

Son Honneur le Président : Vous souhaitez poser une question ou poursuivre le débat?

L'honorable Jane Cordy : J'aurais une question à poser, je vous prie.

Monsieur le sénateur Housakos, je voudrais premièrement vous remercier beaucoup. C'est un plaisir de travailler avec vous dans le dossier des communications et c'est grâce à votre bon travail que nous avons accompli tant de choses dans le domaine des communications au fil des ans.

Je précise, à l'intention de ceux qui n'ont pas lu le rapport de Blueprint, qu'il contenait 10 recommandations. Le Sous-comité des communications relevant directement du Comité de la régie interne a été établi à titre permanent. Le rapport contenait aussi la recommandation suivante :

Créer une fonction de relations avec les médias moderne; ceci comprend une mise à jour de la fonction de suivi des médias, la création de rôles de porte-parole officiels et la création d'une fonction de gestion des enjeux permanente.

Ce passage est tiré directement du rapport de Blueprint. Le comité a certainement cherché à donner suite à chacune des recommandations qui y figurent.

Sénateur Housakos, tous les sénateurs ne sont-ils pas invités à assister à toutes les réunions du comité des communications? Tous les sénateurs n'ont-ils pas la possibilité d'y assister et de formuler des recommandations? Nous avons certainement demandé l'avis des membres du Comité de la régie interne et des sénateurs qui assistaient aux réunions. Quiconque se sent interpellé par la question devrait bien se sentir encouragé à assister à nos réunions, non?

Le sénateur Housakos : Merci, sénatrice Cordy. La réponse à vos questions est un « oui » catégorique.

Tous nos collègues peuvent assister aux réunions de tous les comités. Ils peuvent assister à celles du Comité de la régie interne et du Sous-comité des communications. Nous avons toujours encouragé nos collègues qui s'intéressent à un domaine à assister aux réunions de comité s'y rapportant.

J'irai même un peu plus loin : nous nous sommes démenés pour consulter les responsables — soit le Président, les porte-parole des côtés ministériel et de l'opposition, la direction de tous les caucus — avant chaque décision majeure, ou même mineure, que nous avons prise. Nous l'avons fait évidemment en sachant que, lorsque nous prenons part à une telle initiative, nous le faisons au nom de notre assemblée, donc au nom de tous les sénateurs ici réunis.

(2250)

C'est parce que nous comprenons cela que ce comité a toujours cherché à obtenir un consensus. Lorsqu'il n'y a pas consensus sur une question, nous décidons tout simplement de ne pas aller plus loin.

Encore une fois, la sénatrice et mes autres collègues ici réunis devraient nous faire part immédiatement de toute question qu'ils pourraient avoir sur n'importe quel sujet.

La sénatrice Ringuette : Sénateur Housakos, je vous ai écouté très attentivement, et je vous ai entendu répéter que, le 18 mai, vous avez parlé d'un budget de 2 millions de dollars. Or, je répète que, le 18 mai, vous avez plutôt parlé d'un budget de 1 million de dollars, et vous avez dit la même chose aux médias.

Cependant, ma question est la suivante. Qui a modifié ce tableau de la Direction des communications entre le 23 et le 25 mai, et pourquoi a-t-il été modifié?

Le sénateur Housakos : Je l'ignore, sénatrice Ringuette. La seule explication qui me vient à l'esprit, c'est que quelqu'un a, de toute évidence, suivi nos débats dans cette enceinte et est arrivé à cette conclusion. Encore une fois, je suis tout à fait honnête et franc avec vous. Premièrement, je n'aurais certainement pas demandé d'inclure ces titres sur ce site web. Si vous laissez entendre que j'ai demandé à ce qu'on apporte ces modifications, vous faites complètement fausse route.

La sénatrice Ringuette : Dans ce cas, sénateur Housakos, vous serez d'accord avec moi pour dire que nous devrions nous pencher sur la question en comité plénier afin d'établir les faits et la suite des événements.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de déposer son rapport concernant l'étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Richard Neufeld, conformément au préavis donné le 8 juin 2017, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, entre le 15 juin et le 23 juin 2017, un rapport concernant son étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Les soins palliatifs

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Jane Cordy, ayant donné préavis le 13 avril 2017 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'importance de la désignation des soins palliatifs à titre de soins de santé assurés en vertu de la Loi canadienne sur la santé, ainsi que sur l'importance de l'élaboration d'une stratégie nationale pour l'uniformisation des normes et de la prestation en matière de soins palliatifs.

— Honorables sénateurs, j'ai le plaisir d'intervenir aujourd'hui pour attirer l'attention du Sénat sur l'importance de la désignation des soins palliatifs à titre de soins de santé assurés en vertu de la loi canadienne sur la santé, ainsi que sur l'importance de l'élaboration d'une stratégie nationale pour l'uniformisation des normes et de la prestation en matière de soins palliatifs.

L'Organisation mondiale de la Santé définit les soins palliatifs comme une démarche qui améliore la qualité de vie des patients et de leurs proches confrontés au problème associé à une maladie grave par la prévention et le soulagement de la souffrance au moyen d'un dépistage précoce ainsi que d'une évaluation et d'un traitement impeccable de la douleur et d'autres problèmes, psychosociaux et spirituels.

Essentiellement, honorables collègues, les soins palliatifs consistent à maintenir une bonne qualité de vie jusqu'à la fin de la vie. La nature même des soins palliatifs en fait des soins intégrés tenant compte de tous les aspects de la santé de la personne de façon à empêcher et à atténuer globalement la souffrance et la détresse. D'ailleurs, un sondage mené en 2013 par la firme Harris/Decima montrait que 94 p. 100 des Canadiens considèrent que les soins palliatifs permettent d'améliorer la qualité de vie des patients. Les programmes de soins palliatifs donnent davantage de contrôle aux patients sur leur vie et leur permettent de mieux gérer la souffrance et les symptômes. Bien entendu, les programmes de soins palliatifs offrent du soutien aux aidants naturels dans une période où ils sont très vulnérables.

Les soins palliatifs visent à offrir le bon traitement, au bon endroit et au bon moment. Pour y arriver, il faut une équipe pluridisciplinaire de soignants professionnels et de préposés qui offrent des soins dans divers lieux — à l'hôpital, dans les centres de soins palliatifs, dans les établissements de soins de longue durée et à la maison — tant aux malades qu'à leur famille, peu importe leur âge. Ces services devraient également être offerts partout au pays, dans les régions urbaines ou rurales comme dans les communautés inuites ou des Premières Nations éloignées, mais l'approche en matière de soins palliatifs n'est toujours pas uniforme au Canada.

Ce n'est pas la première fois que je prends la parole ici au sujet de l'importance des soins palliatifs. Cette question a même été abordée à de nombreuses reprises dans cet endroit, par moi, mais aussi par d'autres sénateurs des deux côtés de la Chambre, notamment par notre ancienne collègue, l'honorable sénatrice Sharon Carstairs, qui a également été la seule ministre canadienne responsable des soins palliatifs.

Juin marque l'anniversaire du dépôt de trois rapports sur les soins palliatifs au Sénat en 2000, 2005 et 2010, tous menés par l'ancienne sénatrice Carstairs. Si on ajoute le rapport du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement en 2009, l'étude spéciale de 2002 du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, deux comités au sein desquels j'ai eu l'honneur de siéger, ainsi que le rapport du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide en 1995, au moins 6 rapports contenant des recommandations unanimes sur la nécessité de soins palliatifs intégrés de qualité ont été déposés au Sénat au cours des 22 dernières années.

Or, malgré ces rapports et d'autres rapports nationaux — entre autres ceux de la commission Romanow, du Comité parlementaire des soins palliatifs et des soins prodigués avec compassion de l'autre Chambre, de la Société canadienne du cancer, de l'Association médicale canadienne — il reste d'importantes lacunes dans les soins. Bien qu'il y ait des exemples d'excellence partout au pays, l'accès aux soins est inéquitable pour les personnes atteintes de maladies mortelles et leur famille en raison de l'absence de normes nationales uniformes et de financement stable.

Les centres de soins palliatifs se sont bel et bien améliorés depuis la création en 1974, à Montréal et à Winnipeg, des premiers programmes de soins palliatifs au Canada. Les soins palliatifs ont été conçus à l'origine pour aider les personnes atteintes de cancer. Grâce aux progrès thérapeutiques, notamment dans les soins contre le cancer et le traitement des maladies chroniques, nous vivons plus longtemps.

Certes, nous vivons plus longtemps, mais avec de multiples maladies chroniques. Selon les statistiques, 10 p. 100 d'entre nous vont mourir d'une mort soudaine, alors que les 90 p. 100 qui restent vont avoir besoin de soins et de soutien en fin de vie. Toutefois, il n'est plus aussi simple de dire quand une personne est en phase terminale d'une maladie, surtout qu'une personne peut maintenant vivre avec plusieurs comorbidités. Les maladies chroniques sont maintenant responsables de 70 p. 100 de tous les décès. En raison des besoins complexes en matière de santé, l'état d'une personne peut se détériorer rapidement et elle peut mourir subitement ou elle peut subir des crises ponctuelles et des complications pouvant entraîner la mort sans que l'on n'ait jamais formellement reconnu qu'elle était en fin de vie. L'analyse de la progression de maladies comme la maladie d'Alzheimer démontre que la trajectoire de la maladie a changé. Il est bien plus difficile aujourd'hui de déterminer quand une personne est proche de la mort.

En même temps, un paradoxe est en train de se créer. Les recherches démontrent que la plupart des patients âgés ont à cœur la qualité de vie et souhaitent éviter tout recours aux technologies de prolongation de la vie. Or, les technologies de survie sont souvent employées pour des patients qui sont en phase terminale et qui sont proches de la mort, même quand le patient ou sa famille préféreraient que des soins de confort soient administrés.

À l'heure actuelle, dans le monde occidental, parmi les patients aînés qui meurent à l'hôpital, un sur cinq meurt à l'unité des soins intensifs. La proportion de patients âgées de 80 ans et plus qui sont admis aux soins intensifs au Canada est passée de 10 p. 100 au milieu des années 1990 à près de 20 p. 100 de nos jours.

Même si la technologie peut être extrêmement avantageuse pour aider les Canadiens à vivre mieux et plus longtemps avec une maladie chronique, des éléments de preuve de plus en plus nombreux indiquent que le recours non désiré à la technologie en fin de vie est associé à une évaluation inférieure de la qualité de vie par les patients et la famille et mène à une évaluation supérieure du niveau d'anxiété et de dépression par la famille. Comprendre les objectifs des soins est essentiel à la prestation de soins appropriés. Pourtant, dans notre société qui nie l'existence de la mort, ces conversations n'ont souvent pas lieu comme elles le devraient.

Ainsi, comment remédier à cette lacune en matière de soins si un diagnostic de mort prochaine n'est plus le déclencheur pour recevoir les services de soins palliatifs? Comment veiller à ce que les patients et leur famille aient l'occasion de parler ouvertement de leur santé et de la possibilité de mourir pour s'assurer que l'on satisfait leurs objectifs en matière de soins, surtout alors que les objectifs évoluent avec le temps?

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À mesure que la population vieillit et que les pressions sur notre système de soins de santé augmentent, nous devons trouver des moyens novateurs de permettre aux patients de bien vivre jusqu'à la fin, de recevoir des soins dans le cadre de leur choix et de réduire la demande en matière de soins actifs. Nous devons aussi trouver des solutions qui nous permettront de fournir des soins de qualité à tous les Canadiens, peu importe où ils vivent.

L'initiative Aller de l'avant, un projet récent de trois ans financé par le gouvernement fédéral et dirigé par la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada, a élaboré un cadre national pour mettre en œuvre une approche palliative intégrée aux soins de santé. La coalition elle-même est formée de 39 organisations nationales de santé, y compris l'Association médicale canadienne, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada et l'Association canadienne de soins palliatifs. Dans le cadre de cette initiative pancanadienne, la coalition a travaillé avec les décideurs fédéraux, provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec des fournisseurs de soins de santé, des organismes, des familles et des aidants naturels dans tous les secteurs.

L'approche palliative intégrée aux soins de santé met l'accent sur la planification des soins avancés et la prestation de soins aux patients souffrant d'une pathologie chronique limitant leur espérance de vie dans tous les services de santé pour répondre a l'ensemble des besoins des familles — sur le plan physique, psychosocial et spirituel — à toutes les étapes de la trajectoire de la fragilisation ou d'une maladie et non seulement en toute fin de vie. En nous éloignant de l'idée des soins palliatifs comme étant des soins de fin de vie employés lorsque les traitements curatifs ont cessé, et en adoptant plutôt une approche palliative aux soins qui peuvent être offerts par une gamme de fournisseurs de soins de santé disposant de connaissances de base en matière de soins palliatifs, nous pouvons fournir des soins dans tous les milieux, y compris dans les localités rurales et éloignées.

L'approche palliative aux soins de santé est un modèle axé sur le partage des soins dans le cadre duquel des équipes d'experts soutiennent les équipes de soins locales et partagent la prestation des soins avec celles-ci. Cette approche reconnaît que 90 p. 100 des personnes qui meurent pourraient bénéficier de soins palliatifs, mais que seulement 15 p. 100 des Canadiens mourants pourront recevoir des soins d'experts hautement spécialisés en raison des besoins complexes en matière de soins de santé. Dans ces cas, des aiguillages vers des équipes d'experts spécialisés en soins palliatifs seraient effectués.

L'approche palliative reconnaît la personne entière, ce qui permet une meilleure utilisation des ressources affectées aux soins de santé, une plus grande autonomie et un meilleur contrôle des patients, des transitions harmonieuses et de meilleurs résultats en matière de soins.

À titre d'exemple concret de l'approche palliative en matière de soins, un nouveau programme a été mis en œuvre en Nouvelle- Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard de concert avec des ambulanciers paramédicaux, qui ont reçu une formation de base en soins palliatifs, ce qui leur permet, après les heures normales, de fournir plus efficacement des soins palliatifs à des patients à domicile. Cela permet aussi de réduire le nombre de transferts dans les hôpitaux si les patients souhaitent rester chez eux. L'Alberta examine actuellement cette initiative.

Honorables sénateurs, il va sans dire que les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de la prestation des soins de santé. Cependant, le gouvernement fédéral a bel et bien un rôle à jouer. Il lui incombe d'établir et d'administrer les normes nationales en vertu de la Loi canadienne sur la santé, d'offrir un soutien financier aux provinces et aux territoires au moyen de paiements de transfert, et d'agir en tant que fournisseurs de soins directs. Le gouvernement fédéral est responsable de six groupes précis au Canada, à savoir : les membres des Premières Nations et les Inuits, les membres des Forces armées canadiennes, les anciens combattants, les membres de la Gendarmerie royale du Canada, les détenus incarcérés dans les pénitenciers fédéraux et les demandeurs d'asile. En fait, le gouvernement fédéral se situe au cinquième rang des fournisseurs de soins de santé au Canada au chapitre des sommes dépensées en la matière.

Le gouvernement fédéral doit aussi jouer un rôle en tant que chef de file à l'échelle nationale en mobilisant les intervenants afin qu'ils mettent en commun leurs pratiques exemplaires, responsabilité qui, à mon avis, englobe l'aide apportée à l'élaboration d'une stratégie nationale visant à uniformiser les normes et la prestation des soins palliatifs au Canada.

La Loi canadienne sur la santé ne mentionne pas spécifiquement les soins palliatifs. Elle vise à établir les conditions et les critères que les provinces doivent respecter pour être admissibles à des paiements de transfert fédéraux. La Loi canadienne sur la santé établit une distinction entre, d'une part, les services assurés, qui sont nécessaires sur le plan médical, qui sont fournis à l'hôpital et par des médecins et qui doivent être conformes aux cinq critères énoncés dans la loi à des fins de prestation, et, d'autre part, les services non assurés — les présumés services complémentaires. Il incombe aux provinces de déterminer s'il y a lieu de les fournir et, le cas échéant, de déterminer comment cela sera fait. Les soins palliatifs tombent dans la catégorie des services complémentaires, ce qui donne lieu à un ensemble disparate d'approches au pays.

Honorables sénateurs, de nombreuses organisations ont recommandé que la Loi canadienne sur la santé soit modifiée afin d'y ajouter les soins palliatifs en tant que service assuré. En fait, en 2002, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, alors qu'il se penchait sur l'avenir des soins de santé au Canada, a demandé qu'un examen de la loi soit réalisé afin d'inclure des services comme les soins à domicile, l'assurance-médicaments et les soins palliatifs. De plus, le rapport de 2002 de la commission Romanow réclamait également que les soins palliatifs soient ajoutés à la loi. En 2011, le Comité parlementaire sur les soins palliatifs et les autres services d'accompagnement de la Chambre des communes a recommandé ceci :

Que, de concert avec les provinces et les territoires, le gouvernement fédéral instaure un droit aux soins à domicile, aux soins de longue durée et aux soins palliatifs pour tous les résidants du Canada, équivalant aux droits que prévoit actuellement la Loi canadienne sur la santé, aux services définis comme étant les « services de santé assurés », dont les services hospitaliers, médicaux et de chirurgie dentaire.

En 2016, lors de son congrès d'orientation, le Parti libéral du Canada a adopté une résolution demandant, en partie :

Que le gouvernement libéral fédéral élabore une nouvelle loi entièrement financée visant à mettre en œuvre, en coopération avec les provinces et territoires, des programmes nationaux de soins palliatifs et à domicile qui soient universels, responsables et complémentaires à la Loi canadienne sur la santé.

Plus récemment, en novembre 2016, Covenant Health a organisé une rencontre avec des Canadiens ordinaires indépendants afin d'examiner les preuves scientifiques, d'entamer un débat et de mettre au point un consensus national sur les soins palliatifs dans le cadre d'une initiative appelée L'importance des soins palliatifs. Ce dialogue national en entraîné la déclaration de consensus, qui recommandait qu'un modèle de soins palliatifs accessible, équitable, mobile, intégré et disposant de ressources adéquates soit inscrit dans la Loi canadienne sur la santé.

La Société canadienne du cancer, quant à elle, a demandé que les soins palliatifs fassent partie intégrante des lois fédérales et provinciales en matière de soins de santé, en tenant compte du fait que les soins palliatifs sont un aspect essentiel des soins de santé et que les gouvernements doivent garantir à tous les Canadiens un accès équitable aux soins palliatifs.

L'Association médicale canadienne a adopté un énoncé de principe selon lequel tous les habitants du Canada devraient avoir accès à des services intégrés de soins palliatifs de qualité quels que soient leur âge, contexte de soins, diagnostic, origine ethnique, langue et situation financière.

La Catholic Women's League, à l'occasion de son congrès annuel en août dernier, a également adopté une résolution demandant au gouvernement fédéral de modifier la Loi canadienne sur la santé afin d'inclure les soins palliatifs comme des soins de santé assurés en vertu de la loi. La résolution demandait aussi la création de directives nationales uniformes.

En 2014, l'Organisation mondiale de la Santé a adopté une résolution qui invite instamment les États membres à veiller à ce que les soins palliatifs soient disponibles et accessibles en indiquant que :

[...] les soins palliatifs relèvent de la responsabilité éthique des systèmes de santé [...]

Honorables sénateurs, la modification de la Loi canadienne sur la santé ne serait pas chose simple. La loi actuelle est le résultat de compromis. Cependant, il pourrait être souhaitable de reconnaître les soins palliatifs et une approche palliative au contexte de soin comme des services assurés médicalement nécessaires. En fait, certains avancent maintenant que nous avons une obligation constitutionnelle de le faire.

En 2011, Yude M. Henteleff, Mary J. Shariff et Darcy L. MacPherson ont publié un article dans la Revue de droit et santé de McGill. L'article cherche à déterminer si les soins palliatifs constituent un droit de la personne ayant force exécutoire. Les auteurs s'attardent à deux contestations possibles fondées sur la Charte, découlant des articles 7 et 15.

L'article 7 protège le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne en conformité avec les principes de justice fondamentale. À l'article 3 de la Loi canadienne sur la santé, on peut lire ce qui suit :

La politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d'ordre financier ou autre.

On soutient que, plutôt que de protéger et de favoriser...

Son Honneur le Président : Sénatrice Cordy, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

La sénatrice Cordy : Oui. Cinq minutes, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : Cinq minutes, honorables collègues?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cordy : On fait valoir que, en n'assurant pas un financement adéquat et constant des soins palliatifs, on met en danger la vie et la sécurité des Canadiens au lieu de protéger et de favoriser leur santé mentale et leur bien-être, car l'accès insuffisant à ces soins inflige un niveau inacceptable de stress psychologique à ceux qui sont en fin de vie.

L'article 15 de la Charte protège le droit à l'égalité indépendamment de toute discrimination. L'accès inégal aux soins palliatifs pourrait faire l'objet d'une contestation évoquant cet article de la Charte. On ferait valoir qu'il y a discrimination parce que la prestation de soins abordables et de qualité n'est pas adaptée aux besoins spécifiques des personnes âgées et handicapées.

Dans un récent article de Baker Law, un cabinet d'avocat spécialisé dans les droits de la personne et ceux des personnes handicapées, on peut lire ce qui suit :

La recherche actuelle appuie un changement de position à l'égard des soins palliatifs qui devraient être considérés comme médicalement nécessaires. Si tel était le cas, le défaut de fournir des soins palliatifs constituerait une violation de l'article 15 de la Charte.

Par ailleurs, selon Henteleff :

L'accès aux soins de santé devrait tout simplement être déterminé en fonction du besoin. Si les soins et les traitements apportés à une personne sont d'égale importance, les soins palliatifs devraient, pour des motifs de justice, être inclus dans la définition des services assurés aux termes de la Loi canadienne sur la santé.

Honorables sénateurs, les connaissances et les pratiques médicales changent et évoluent constamment. Par le passé, le Sénat a fait preuve d'un grand leadership en attirant l'attention des Canadiens sur les soins palliatifs. La profession médicale a progressé après avoir reconnu l'approche palliative et les institutions doivent évoluer en conséquence. Les soins palliatifs sont maintenant reconnus comme une nécessité médicale, mais l'accès à ces services varie encore d'un bout à l'autre du pays. Cela est inacceptable, honorables sénateurs.

(Sur la motion de la sénatrice Eaton, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)

 
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